Pérou: l’eau ou l’or?

Dans le nord du Pérou, un projet pharaonique de mine d’or baptisée Conga menace les réserves en eau de toute la région de Cajamarca. Les populations locales luttent pour empêcher son implantation, mais le combat est loin d’être gagné et la répression féroce, comme en témoigne la mort de cinq opposants tués en 2012 dans une manifestation.

Celendin (Pérou), reportage d’Alain Sousa (Reporterre)

« Agua Si, Oro No ! » C’est le cri qui retentit depuis plusieurs années à Celendín, petite ville perdue dans les montagnes du nord du Pérou. Ici, l’agriculture est reine, la région possède de nombreuses ressources en eau. Mais le sous-sol est depuis toujours convoité pour ses ressources en or. La région de Cajamarca héberge déjà la plus grande mine d’or d’Amérique du Sud, Yanacocha, exploitée depuis 1993.

Approuvé en 2010 par le gouvernement péruvien, le nouveau projet dénommé Conga est situé à quelques dizaines de kilomètres. Le consortium qui souhaite exploiter la mine est détenu à 51,35 % par Newmont Mining Corporation, une compagnie américaine basée à Denver, Colorado. Suivent un groupe péruvien, Compañía de Minas Buenaventura (CMB, 43,65 %) et International Finance Corporation (IFC, 5 %), une extension de la Banque mondiale. L’investissement prévu approche les 5 milliards de dollars.

Pour les groupes étrangers, venir exploiter l’or au Pérou est extrêmement intéressant. La main d’œuvre est très bon marché, et le gouvernement a adopté une série de mesures incitatives pour aider les multinationales à s’implanter, notamment en facilitant l’achat de terres au détriment des droits des communautés.

Nous ne buvons pas d’or !

Le projet aurait dû démarrer en 2014, mais il est toujours en suspens grâce à la mobilisation citoyenne des habitants de Celendín et de la région. Car la mine constitue une grave menace environnementale, notamment pour les ressources en eau de la région. Le site choisi est placé à l’endroit d’où partent les sources qui alimentent des rivières vers le Pacifique mais également vers l’Amazonie, telle la rivière Marañón, l’une des plus importantes du pays.

Selon l’organisation Front Line Defenders, qui a réalisé une enquête approfondie en 2014, le projet Conga devrait assécher 4 lacs, 27 lagunes, 700 sources et 60 canaux d’irrigation ! Car la mine nécessitera plus de deux millions de mètres cube d’eau par an pour son fonctionnement. Certes, la compagnie minière a promis la construction de quatre réservoirs d’eau, censés remplacer les lacs, dont trois seront destinés à fournir l’eau potable pour les populations locales… Une maigre compensation, qui ne restaurera pas l’écosystème original, et qui de plus placera les populations locales directement sous la dépendance de la compagnie minière pour l’accès à l’eau…

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« Sans or on vit, sans eau on meurt. »

Autre problème de taille, le retraitement de ces millions de mètres cube d’eau, pour éviter la pollution des nappes. Les exemples ne manquent pas au Pérou de contaminations. Selon Hanne Cottyn, de l’association belge Catapa, « 70 % des eaux de la ville de Cajamarca, proche de la mine de Yanacocha, montrent une contamination. A Bambamarca, autre province qui possède plusieurs mines, des problèmes similaires ont été rencontrés. »

L’impact sur les ressources en eau va au-delà de la seule exploitation de la mine : il existe déjà trois projets de barrage dans la région de Celendín et quatre dans la province de Cajamarca. Au moins un de ces barrages sera destiné uniquement à alimenter en énergie le projet Conga en énergie.

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