Un espoir pour l’eau, enjeu de démocratie et de paix

L’European Water Movement dont la Coordination Eau Ile-de-France est membre lance pour la Journée Internationale des Droits de l’Homme du 11 décembre un appel à la Commission européenne, pour que soit donnée une suite à l’Initiative Citoyenne Européenne « Right2water » qui a recueilli 1,8 millions de signatures.

Les Nations Unies proposent le 13 décembre une conférence à Genève sur la reconnaissance du rôle clé que joue la participation du public dans les processus de décision en matière d’environnement et de ressources naturelles et place à ce titre l’eau en exemple (Déclaration de Rio – Agenda 21 – 1992).

En Allemagne, à Berlin, une nouvelle voie s’ouvre pour la gestion publique de l’eau avec la création d’un Conseil de l’Eau conçu comme un outil de démocratie directe.

En Espagne, des recours en justice sont déposés pour endiguer la vague des transferts inter-bassins et des banques d’eau créées pour ces transferts.

C’est dans ce climat d’attentes fortes pour la démocratie et pour la justice de l’eau que la Coordination Eau Île-de-France s’est rendue le 3 décembre au Parlement européen, à la sortie du MEMORANDUM SUR LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE L’EAU par Riccardo Petrella de l’IERPE *. Deux députés européens avaient fait le même chemin : Marc Tarabella (Belgique – PS) et Philippe Juvin (France – UMP) tous deux très impliqués dans les débats qui ont eu lieu sur la Directive « concessions et marchés publics » dont l’eau est aujourd’hui exclue.

R. Petrella s’est donc évertué à analyser le Plan Eau 2027. Sa conclusion est sévère ; sa démonstration aussi.

R. Petrella constate qu’aucun débat public n’a eu lieu alors que la communication de la Commission européenne s’appuyait largement sur la participation du public. Il constate qu’aucune fois les mots « citoyen », « droit humain », « démocratie », « bien commun public » ne sont utilisés dans la rédaction de ce Plan Eau. Plus étonnant : le terme « stakeholder » *  remplace celui de « citizen » et la politique européenne de l’eau se résume à une tentative d’homogénéiser le prix de l’eau sur tout le territoire européen pour 509 millions d’habitants en se référant au mécanisme complexe du grand cycle de l’eau et en affirmant que son accès fera défaut à 40% de la population notamment dans les régions méditerranéennes. Il s’agit de monétariser l’eau à partir de la rareté de ce bien dans une approche purement financière.

À ce titre, R. Petrella interpelle les députés présents sur le caractère non-démocratique des discussions et des prises de décision. Il sort des chiffres accablants sur le nombre d’européens qui n’ont aujourd’hui pas accès à l’eau potable et ceux qui ne bénéficient pas d’un assainissement digne de ce nom. Pourtant aucun de ces chiffres ne figure dans ce Plan Eau 2027. Il nous appelle donc lors des prochaines élections européennes à exiger de grands débats populaires sur le sujet. Mais aussi à exiger que tous les pays de l’Union Européenne participent aux discussions sur ce sujet, pas seulement la France ou l’Allemagne pour exemple ; et que ces débats ne soient pas seulement menés par un pays qui a privatisé nombre de ses services publics comme l’Angleterre.

S’étant penché sur d’éventuelles propositions en matière de droit et de justice pour l’eau, R.Petrella constate que tout en faisant état de sa rareté dans un futur proche, de l’urgence de sa remise en état dans certaines Régions, les instances européennes ne se donnent aucun moyen d’agir en droit comme en justice. Il constate qu’à ce jour les Pays Bas ont reçu 13 milliards de subventions pour la consolidation de ses digues alors que d’autres pays peinent à décrocher des aides structurantes en matière d’eau comme la Pologne. CePlan Eau 2027 ne prévoit aucune politique intégrée en direction des pays méditerranéens alors que la raréfaction de la ressource en eau aura bien lieu dans ces Régions. Il n’intègre d’ailleurs pas non plus la gestion urbaine particulière de l’eau alors que les villes, nous le savons, sont voraces en consommation d’eau et d’énergies et que les populations européennes y sont majoritaires.

Politique inexistante ou volontairement délétère ?

Il est un fait ; l’eau doit rester un facteur de paix en Europe. C’est évidemment l’enjeu du nouveau millénaire. Et tout reste à construire : débat, démocratie, droit, bien commun.

Ce MEMORANDUM met en exergue l’échec des discussions, des pratiques et de la méthode imposée par la Commission européenne sur le sujet. L’échec des résultats environnementaux de la Directive Eau 2015 ne saurait tarder. Faut-il changer les politiques, les institutions, les règles ou tout à fois ?

Au schéma des 4 piliers du Plan Eau 2027 :

1 Agenda environnemental, objectif : le bon état écologique de l’eau en 2027

2 Agenda des services, objectif : libéralisation des services publics d’importance économique

3 Agenda de la croissance économique verte, objectif : 2030 une nouvelle croissance mondiale apte à mettre fin à la pauvreté

4 Agenda de la gouvernance économique, objectif : promouvoir un système de gouvernance de l’eau basé sur les stakeholders

R.Petrella propose une alternative crédible et enfin porteuse d’espoir :

1 Agenda environnemental, objectif : bon état écologique des eaux et justice écosystémique

2 Agenda des services publics, objectif : réinventer des services pour les droits humains de tous les européens

3 Agenda post-croissance, objectif : penser 2027 pour une économie juste, durable et cohésive

4 Agenda de la démocratie, objectif : désarmer les oligarchies européennes

* IERPE : institut européen de recherche sur la politique de l’eau

* stakeholder : partie prenante intéressée (ex : fonds d’épargne individuels ou d’entreprise)

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