SEDIF: retour sur un vote à bulletins secrets

La question de savoir si les délégués au SEDIF ont quelque chose à se reprocher mérite d’être posée.


Car au-delà du résultat même du vote du 11 décembre 2008, il faut bien en convenir, le choix de procéder par bulletin secret ne peut pas satisfaire les usagers de l’eau.
Bien sûr, les partisans du vote secret ont de beaux et bons arguments. Ils en avancent trois : il est légal, républicain et libre.

Légal, parce qu’il est prévu dans les statuts ; c’était une possibilité offerte au président André Santini d’y recourir.

Républicain, parce que le secret du vote est reconnu en République.

Libre, enfin, parce qu’il permet à chacun des délégués de s’exprimer souverainement, en son âme et conscience, sans pression, sans peur de représailles. Comment alors pourrait-on le contester !

Mais justement, le vote public est tout aussi légal, républicain et libre !
Légal et républicain, cela ne fait aucun doute. Et libre, il ne l’est pas moins. Dans la mesure où les délégués du SEDIF représentant chacun une commune ne sont pas juridiquement parlant « en mission commandée » par leur ville, ils peuvent parfaitement voter librement, même contre l’avis majoritaire de leur propre assemblée communale, même contre la consigne de vote donnée par les groupes politiques auxquels ils appartiennent ou auxquels ils se réfèrent. Evidemment, c’est plus difficile car il faut assumer en toute transparence…

Mais alors, si le vote secret et le vote public sont l’un comme l’autre aussi légaux, républicains et libres, comment trancher ? Existe-t-il au moins un argument subsidiaire qui permettrait de retenir l’une ou l’autre procédure ? A vrai dire, il en existe trois qui plaident en faveur de la transparence du vote.

D’abord, le délégué est politiquement et moralement tenu de respecter les électeurs de la commune qu’il représente au SEDIF. Lors de la campagne des élections municipales en mars 2008, nombreux étaient les programmes à mentionner la politique à suivre au SEDIF, à savoir le choix d’un retour en régie publique directe. Il est donc politiquement correct que les électeurs sachent si leurs représentants vont dans le sens de ce qu’ils ont promis. En opérant ainsi, publiquement, par rapport à des engagements pris, les délégués seraient sortis de la légalité strictement formelle, motivant alors leur choix en combinant le « légalement correct » et le « légitimement responsable ». Et si d’aventure il leur arrivait de devoir se prononcer autrement que ce qui était annoncé et promis, qu’à cela ne tienne : puisque tout n’est pas écrit à l’avance, parce qu’il existe effectivement des imprévus, parce qu’aussi il n’est pas illégitime ni illégal de changer d’opinion après reconsidération, la procédure de la transparence reste vertueuse puisqu’elle permet de s’expliquer.

Le second argument décisif en faveur de la transparence du vote tient à des changements structurels dans la construction des opinions. L’époque est en effet révolue qui était celle de l’opacité et de l’indifférence à l’égard des faits et gestes des entreprises privées délégataires d’un service public. Les usagers, les électeurs, les citoyens veulent désormais comprendre ce qui se passe : c’est le juste retour du développement de l’éducation et des moyens d’information qui les rend, à bon droit, plus exigeants.

Enfin, le dernier argument en faveur de la transparence du vote renvoie à la conjoncture qui est devenue hyper-sensible à la gestion de l’eau. D’un côté, il y a l’eau comme enjeu social, avec l’inégal accès à cette ressource vitale ; de l’autre, il y a l’eau comme enjeu écologique avec la difficulté croissante de sa préservation. Il faut ajouter à cela les soupçons plus ou moins légitimes et avérés à l’encontre des firmes multinationales, suite à des enquêtes et rapports rendus publics depuis quelques années.

Il était donc manifestement malheureux de passer par le secret du vote qui, bien que légal, est de moins en moins légitime. Il alimente les soupçons à l’égard des entreprises privées comme Veolia, qui gère à des fins de profit un « bien commun de l’humanité », selon la formule désormais consacrée. Il alimente aussi la méfiance à l’égard de la politique en général et des délégués du SEDIF en particulier, dont on se demande bien ce qu’ils avaient à perdre à un vote public.

Charles Henry, Coordination Eau-Ile-de-France.

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