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Sur la route de Marseille (2)

Du FME au FAME
Benedito Braga est un technocrate brésilien. D’ici peu, nous serons en mesure de dresser un portrait plus précis du personnage. Mais en attendant, il suffit de savoir qu’il est le président du comité international pour le 6e Forum mondial de l’eau (FME) qui aura lieu à Marseille en mars 2012, c’est-à-dire une sorte de faux-nez destiné à faire oublier que le président du Conseil mondial de l’eau (CME) qui organise le FME avec l’Etat français et la ville de Marseille, est Loïc Fauchon, PDG de la Société des eaux de Marseille (SEM), filiale de VEOLIA. Quel est l’objectif du FME selon M. Braga ? « L’idée est de développer un pacte mondial de l’eau grâce à la participation de tous ».
Le mouvement qui a fait bouger les lignes
Sans faire insulte à M. Braga, on peut remarquer que d’autres ont eu cette idée (bien) avant lui : il y a treize ans, Riccardo Petrella publiait « le Manifeste de l’eau : pour un contrat mondial de l’eau » (Editions Labor, Bruxelles), ouvrage devenu une référence pour les alter-mondialistes dans le domaine de l’eau. Bien entendu, « le Contrat mondial de l’eau se fonde sur la reconnaissance de l’eau en tant que bien vital, patrimonial, commun mondial » Rien de semblable pour le Pacte de M. Braga qui développe tout un jargon « d’objectifs cibles », de « solutions concrètes» et de « recommandations nécessaires» (ou l’inverse) sans en indiquer le sens. A ces réserves près, on voit M. Braga bien inspiré. Mais il n’est pas le seul. Loïc Fauchon, maître du monde de l’eau (MME), lui-même, se prononce « pour la création d’un parlement (mondial) de l’eau » ! https://intergroupwater.eu/sites/intergroupwater.eu/files/documents/newsletter/issue1.pdf
Une action prioritaire du Manifeste de l’eau était « la mise en place d’un réseau des Parlements pour l’eau, bien commun mondial » devant déboucher sur « la mise en place, le plus vite possible, d’un parlement mondial de l’eau ». Le Manifeste évoque aussi « la création d’assemblées parlementaires à l’échelle des bassins inter-étatiques » mais M. Fauchon (MME) n’a pas encore lu ces pages-là. Ou alors cette idée ne provoque pas la franche adhésion de l’alliance des Etats et des multinationales au sein du CME ? Toujours est-il que la reprise, au moins formelle, des idées des contestataires de la marchandisation de l’eau est un signe de plus de la défaite des promoteurs de cette même marchandisation sur le terrain des idées et de la culture. Dans le Monde du 26 octobre 2001, sous le titre « de l’eau pour tous, vite ! » Gérard Mestrallet, alors PDG d’Ondeo-SUEZ, livrait un impudent plaidoyer en faveur des partenariats publics privés, égrenant de Buenos Aires en Argentine à La Paz en Bolivie, en passant par Atlanta aux USA, Manille aux Philippines, Casablanca au Maroc, des contrats…perdus depuis par SUEZ ou fortement contestés et en sursis ! https://www.pseau.org/outils/ouvrages/vraie_bataille_eau_suez_2001.pdf De l’eau a coulé sous les ponts en dix ans. Un boulevard est donc ouvert pour le Forum alternatif mondial de l’eau (FAME) qui se tiendra à Marseille du 10 au 18 mars 2012, c’est-à-dire avant, pendant et après le FME ? A certaines conditions toutefois…

La première condition est d’obtenir des financements publics. Car, si ceux-ci se déversent en abondance (au moins 30 millions d’euros) sur le FME, rien n’est encore certain pour le FAME. « Ce soutien serait de bonne tradition républicaine, comme il a été pratiqué notamment par le président de la république, M. Chirac, lors du Forum social européen en région parisienne en 2003 et lors d’autres contre-sommets », rappellent les organisateurs dans un courrier adressé à Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’Ecologie, début décembre… La région PACA (où se dérouleront le FME et le FAME) a annoncé son soutien aux deux manifestations (dans des proportions de 1 à 10 en faveur du FME). D’autres collectivités territoriales peuvent suivre. Tout cela est à concrétiser très rapidement maintenant. En tout cas, dans les collectivités territoriales, il s’agit d’une bonne occasion pour la gauche, socialiste en particulier, de mettre en cohérence ses actes avec ses discours, ce qui n’est jamais évident dans le domaine de l’eau, on l’a vu encore récemment avec le retour de l’agglomération Est Ensemble dans le giron du SEDIF-VEOLIA par le vote des élus du PS, de la droite et d’une minorité des élus du PCF https://eauidfactu.blogspot.com/2010/12/communique-de-la-coordination-eau-ile.html

A comme alternative
La deuxième condition pour la réussite du FAME est de ne pas en rester aux discours généraux et généreux sur « l’eau, c’est la vie » , « l’eau n’est pas une marchandise », etc., devenus majoritaires dans l’opinion publique. A présent, il s’agit d’aller plus loin dans l’élaboration commune de contenus alternatifs et d’un discours de l’eau. Il ne s’agit pas de tout inventer mais d’aller chercher des analyses et des expériences qui existent déjà au sein des diverses associations, des experts et des élus. Et à partir de là, de construire ensemble des questions et des réponses nouvelles et pertinentes. Il faut voir, par exemple, comment le colloque sur « l’eau et la terre », prévu par la Coordination EAU Île-de-France début avril, la campagne pour un moratoire sur les gaz de schiste ou encore l’action climatique s’intègrent au FAME. Sur chacune de ces questions, s’élabore l’alternative qui est la raison d’être du FAME.
A la question économique du mode de gestion, public ou privé, doivent s’ajouter la question politique et démocratique et la question environnementale et sociale. Dans le domaine de l’eau, la concentration des pouvoirs dont le Syndicat des Eaux d’Île-de-France (SEDIF) offre un exemple caricatural avec un exécutif souvent réduit à son seul président, se retrouve, sous différentes formes, un peu partout dans le monde. Dans « il y a loin de la coupe aux lèvres » (Editions Charles Léopold Mayer), Moussa Diop met en évidence l’appropriation politique de la ressource par les chefs de villages et leur nomenklatura dans la région de Saint Louis du Sénégal. Autre enjeu au Nord comme au Sud, l’instrumentalisation politicienne dont l’eau fait l’objet lors des échéances électorales ; une question qui n’est pas théorique pour le FAME situé à la veille des élections présidentielles françaises ! Tout en accueillant les élus et en élaborant main dans la main avec les autorités locales des partenariats publics-publics, le FAME se doit de rendre la parole aux citoyens et aux associations et de faire respecter son autonomie.
Troisième condition, c’est de dépasser la situation actuelle où l’eau est une grande cause mais où ses militants, « les porteurs d’eau » pour reprendre la belle expression de la Fondation France Libertés, sont encore trop dispersés et trop faibles en terme d’organisation. Cela rejoint la première condition, à savoir les moyens dont disposera le FAME. Mais aussi la deuxième, si le FAME est capable de s’ouvrir aux questions démocratiques, environnementales et sociales, alors de nouvelles ONG y participeront et de nouvelles alliances seront possibles. Sur toutes ces questions, de premières réponses ont été apportées à l’occasion du FSM de Dakar. On en reparle bientôt.
Jean-Claude Oliva
Président de la Coordination EAU Île-de-France
A suivre
Sur la route de Marseille (3)
En passant par Dakar

FAME 2012 : Sur la route de Marseille -(1)

Du côté du FME …

Un Forum mondial de l’eau (FME) se tient tous les trois ans : le dernier était à Istanbul en 2009, le prochain sera à Marseille en mars 2012. L’initiative en revient au Conseil mondial de l’eau qui regroupe multinationales et Etats les plus puissants. Son président est le Français Loïc Fauchon, PDG de la Société des eaux de Marseille, filiale de VEOLIA. Créé en 1995, le Conseil mondial de l’eau se veut « la voix de l’eau », c’est-à-dire qu’il élabore un discours de l’eau au niveau global. Que l’eau devienne un sujet politique majeur à l’échelle du monde est tout à fait souhaitable. Là où le bât blesse, c’est que cette tâche devrait revenir à une institution internationale placée sous l’égide de l’ONU, pas à un groupe privé. C’est un peu comme si à la place du conseil de sécurité de l’ONU, il y avait une assemblée de marchands d’armes et d’Etats, présidée par M. Dassault. De fait, cela dépasse de très loin le lobbying « ordinaire »: la politique est privatisée ! Sous la houlette des entreprises, le Forum mondial de l’eau mobilise et influe sur les décideurs politiques à tous les niveaux et se conclut par une déclaration des ministres ou des chefs d’Etat qui donne la feuille de route pour les prochaines années. Les 20 000 participants attendus à Marseille seront pour l’essentiel des élus, des fonctionnaires et des dirigeants d’entreprises publiques !

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Publier le message

Ecoutez les voix de l’eau!

Le combat pour l’eau a reçu en juillet 2010 une consécration historique avec la reconnaissance par l’Assemblée générale de l’ONU du droit à l’eau et à l’assainissement. Le Conseil mondial de l’eau qui prétend incarner « la voix de l’eau » devrait célébrer cet événement qui donne tout le sens et la portée de l’action pour l’eau. Il pourrait organiser une grande manifestation internationale pour donner un nouvel élan à la mobilisation mondiale en faveur de l’eau.

Vous dîtes ? Le Conseil mondial de l’eau organise un Forum mondial de l’eau en mars 2012 à Marseille ? Bravo, c’est l’occasion rêvée. Et donc le droit à l’eau et à l’assainissement sera évoqué …du bout des lèvres !

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Vote à Est-Ensemble: et après?


Voir la deuxième partie



ADHÉSION D’EST ENSEMBLE AU SEDIF: la tromperie est manifeste!

Communiqué de la Coordination Eau Ile-de-France
Le 30 novembre dernier, le Conseil communautaire d’Est Ensemble a voté dans des conditions invraisemblables, son adhésion au SEDIF, pour construire une régie publique de l’eau « d’ici le 1er janvier 2012 », selon la déclaration des maires socialistes…

Dès le 2 décembre, dans les Echos, M. Santini leur répondait : « >l’adhésion est conclue pour la durée du contrat, c’est-à-dire douze ans ».

Mais ce n’est pas la seule tromperie à laquelle ont souscrit, à leur insu de leur plein gré, les élus communautaires qui ont voté pour l’adhésion au SEDIF.En effet, il s’agissait selon le président de l’agglomération M. Kern et sa majorité socialiste (soutenue par la droite et une minorité des élus communistes), d’assurer la sécurité d’approvisionnement au 1er janvier 2011, devant « l’impossibilité juridique » de recourir à une nouvelle convention provisoire avec le SEDIF. Miracle !
Ce qui était soi-disant impossible dans la perspective d’une gestion publique en régie, devient possible pour adhérer au SEDIF.
En effet, le Conseil communautaire du 14 décembre est appelé à se prononcer sur une convention provisoire de trois mois (renouvelable !) entre le la communauté d’agglomération Est Ensemble, le SEDIF et VEOLIA.

Autre attrape-nigaud, la « baisse immédiate du prix de l’eau pour tous » au 1er janvier 2011. Outre que la baisse risque d’être de courte durée car les tarifs du SEDIF seront révisés tous les trois mois, la convention prévoit deux tranches pour les usagers domestiques. La seconde tranche qui concerne les familles les plus nombreuses (à partir de six personnes) ne sera pas concernée par la baisse : son tarif sera supérieur de 22% à la première tranche ! Par contre, la dégressivité continue de plus belle pour les (très) gros consommateurs : jusqu’à – 60% de rabais.
Ces derniers éléments ne font que renforcer la détermination de la Coordination Eau Île-de-France à poursuivre le combat engagé pour une gestion publique, transparente et écologique de l’eau : dans les prochains jours, un recours sera déposé contre une délibération qui constitue une tromperie manifeste.
…au Conseil Communautaire suivant, les élus
qui avaient voté contre l’adhésion au SEDIF le 30 novembre,
ont refusé de prendre part au vote sur la Convention provisoire
entre la CAEE, le SEDIF et VEOLIA.

Après le vote à Est Ensemble

Le conseil communautaire d’Est Ensemble a voté l’adhésion de l’agglomération au Syndicat des Eaux d’Île-de-France (SEDIF), ce qui revient à confier la gestion de l’eau à VEOLIA, par les 53 voix des élus du PS, de la droite (UMP et MODEM) et de certains élus du PCF (Bobigny et Le Pré). C’est un très mauvais coup pour tous ces habitants de Seine Saint-Denis qui vont continuer à payer un des tarifs les plus chers de France pour l’eau. Que les populations les plus démunies soient contraintes de verser une rente aux actionnaires d’une entreprise du CAC40, pour accéder à un droit fondamental, est une injustice absolue ! Que les questions légitimes posées sur la qualité de l’eau, et donc sur la santé des habitants, n’aient pas trouvé le plus petit début de réponse en dit long sur l’esprit de responsabilité des élus qui ont fait le choix du SEDIF/VEOLIA.

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