Intervention d’Ali Id Elouali (groupe des élus écologistes et citoyens) au conseil municipal de Choisy-le-Roi, le 6 novembre 2014.
Pour commencer, ce que ne dit pas le rapport Sedif-Veolia, c’est le manque de transparence dans la gestion que fait Veolia de l’eau, ce bien commun de l’humanité, et de l’argent des citoyens que nous représentons. En effet, en l’absence d’un véritable compte de résultat d’exploitation 2013 du Sedif, qui aurait pu mentionner le détail des coûts de la masse salariale, des loyers, des charges exceptionnelles, nous n’avons qu’une idée très parcellaire de l’utilisation de l’argent des citoyens.
Ce que ne dit pas le rapport Sedif Veolia, c’est qu’aucune instance représentative des citoyens ne figure dans le conseil d’administration du délégataire Veolia, où l’on retrouve de « bien belles » personnalités issues de ces mêmes systèmes financiers, comme BNP Paribas, la banque Rothschild ou la banque d’investissement Qatarie, ceux-là même décriés à longueur d’incantations par la gauche.
Ce que ne dit pas le rapport Sedif Veolia, et qui devrait pourtant scandaliser les élus de gauche attachés à la solidarité, c’est le nombre important de coupures d’eau pratiqués par Véolia sur tout le territoire Français, pratique pourtant interdite depuis la loi Brottes de 2013 qui interdit aux distributeurs d’eau toute coupure y compris pour non-paiement. Qu’un salarié désobéissant soit licencié par Veolia parce qu’il a refusé de couper l’eau aux familles en peine de payer, ça non plus le rapport ne le dit…
Ce que ne dit pas le rapport Sedif Veolia dans son chapitre consacré au prix de l’eau, c’est que le coût élevé de ses tarifs ne provient pas de la cherté des traitements de l’assainissement, comme le Sedif veut nous le faire croire, mais bien de l’eau elle-même : une simple comparaison avec Paris nous le démontre, avec des prix de l’eau de 1,07€/m3 pour Paris contre 1,47€ pour le Sedif, soit une différence de 37%.
Ce que ne dit pas le rapport Sedif Veolia, c’est que le soit disant « tarif multi-habitat » a tout l’air d’une tromperie. Avant cette grille tarifaire qui date de 2011, les bailleurs ou les syndics négociaient un tarif « grande consommation » par immeuble ou groupe d’immeubles et ne payaient qu’un seul abonnement par contrat. Désormais, avec le multi-habitat, non seulement c’est le tarif général qui est appliqué, mais cerise sur le gâteau, le tarif d’abonnement est multiplié par le nombre de logements.
Ce que ne dit pas le rapport dans son chapitre consacré à la qualité de l’eau, c’est que les grandes opérations d’investissement du SEDIF visent à une eau brute de plus en plus polluée. Or, en écologie, la meilleure lutte contre la pollution, c’est d’abord ne pas en faire. Et cela, les villes de Paris et de Munich par exemple l’ont bien compris. Elles ont installé des champs d’agriculture biologique au-dessus des nappes phréatiques qui alimentent leurs réseaux de manière à préserver la ressource et prévenir les pollutions au lieu de gaspiller de l’argent à coût de traitement chimique.
Ce que ne dit pas ce rapport, c’est le gaspillage de la ressource auquel incite la politique de Veolia à travers ses tarifs « grande consommation » et « tarif voirie publique ». Le premier est un tarif à rebours des préoccupations écologiques et économiques des usagers. Son message c’est de dire : plus vous consommez, moins vous payez. En ces temps de la raréfaction de la ressource naturelle, si précieuse, c’est exactement le contraire de ce qu’il faudrait faire, c’est-à-dire un tarif qui augmente avec la consommation, pour préserver les ressources et inciter à la responsabilité.
Le tarif « voirie publique » destiné aux collectivités est de 50% moins du tarif général, que payent les particuliers. Est-il nécessaire de rappeler que l’eau potable est une production industrielle qui consomme de l’énergie, des substances chimiques, qui rejette du CO2, et dont l’usage premier est le maintien de la vie : tout cela pour nettoyer la voirie ? Ne peut-on pas développer et promouvoir des solutions alternatives et peu coûteuses, comme à Paris, où la voirie est nettoyée avec un second réseau d’eaux brutes.
Le rapport annuel Sedif Veolia est curieusement muet sur les fuites d’eau dans les villes gérées par Veolia en Ile-de-France. Pourtant, selon une enquête menée par la Fondation France Libertés et 60 Millions de consommateurs en mars dernier, 1 300 milliards de litres d’eau, soit l’équivalent 430 000 piscines olympiques par an, sont perdus dans les fuites, payées par les consommateurs. C’est donc une sorte d’ « open bar » permanent et inutile que l’usager paye à son insu. Lorsque le réseau de l’eau potable est géré par une collectivité, et n’a donc aucun intérêt à laisser ces fuites, leur taux tombe en-dessous des 10%. Mais après tout, pourquoi une multinationale devrait-elle encourager les économies, alors qu’elle vit de nos dépenses ?
Ce que ne dit pas non plus le rapport Sedif Veolia dans son chapitre consacré à la solidarité internationale, c’est l’implication de Veolia dans des projets comme le tramway qui devait traverser la zone occupée de Jérusalem au mépris du droit international, les scandales de pollution dans les rivières de Bruxelles ou de Lanzhou en Chine, les hausses de prix en Inde où des salariés sous-payés sont entrés en grève de la faim, ou encore au Maroc où des citoyens désabusés ont manifesté en scandant « Veolia dégage ».
Enfin, ce que ne dit pas le rapport Veolia Sedif, et que notre groupe d’élus écologistes disent ici avec la plus grande assurance c’est qu’il y a des raisons pour espérer. Oui il y a des raisons pour espérer que la gestion de l’eau, ce bien commun de notre humanité, échappe enfin au marché du CAC 40 pour retrouver le giron d’une gestion publique et transparente. En février 2013, un collectif Eau Ivry Choisy Vitry a été créé pour exhorter les maires de nos trois villes pour élaborer un scénario technique permettant le passage vers une gestion publique et directe de l’eau potable. Dans la même veine, le Conseil Régional d’Île de France propose des aides aux collectivités souhaitant étudier la faisabilité technique, juridique et financière pour sortir du Sedif : la ville de Vitry est candidate. Qu’attend Choisy ?!
Des alternatives tarifaires à la pseudo politique sociale du Sedif-Veolia sont également possibles : ainsi, une première tranche gratuite ou à bas prix, suivie d’un tarif progressif, répondrait à la fois à la justice sociale et à l’urgence écologique de préservation de la ressource. La loi Brottes permet ce genre d’expérimentation pour cinq ans, à condition que les collectivités se manifestent avant le 31 décembre 2014. Je saisis cette occasion pour que notre assemblée demande une expérimentation à Choisy-le-Roi, voire à l’échelle de notre communauté d’agglomération.
Enfin, permettez-moi de vous faire observer que tout au long de ces dernières années, il n’existe aucun cas de régie municipale qui soit repassée au privé. En revanche, je me réjouis que le chemin inverse soit souvent emprunté par des collectivités de gauche comme de droite, à l’instar de Grenoble, Annecy, ou même Nice. Avec mes collègues du groupe des élus écologistes et citoyens, je fais le vœu ce soir que notre commune puisse rapidement les rejoindre.
(A noter que l’ensemble du Conseil Municipal s’est déclaré en faveur d’une régie publique de l’eau)
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