Une alternative à la géo-ingénierie et à la fuite en avant techniciste, par Daniel Hofnung.
Le cinquième rapport du GIEC, publié le 27 septembre, considère qu’il est « très probable » que l’activité humaine soit responsable du réchauffement climatique.
Il préconise la baisse des émissions de gaz à effet de serre, mais on sait la difficulté de la communauté internationale à engager une bifurcation qui signifierait de s’inscrire dans le long terme, d’éviter le gaspillage des ressources naturelles et énergétiques d’un monde fini, et de tirer les conséquences du fait qu’elles ne sont pas illimitées.
Il évoque, pour la première fois une autre voie : la géo-ingénierie ou modification artificielle du climat, en le refroidissant, ce qui serait un constat d’échec des tentatives pour arrêter de le réchauffer.
Dans les chapitres 6 et 7, les rédacteurs consacrent une vingtaine de pages aux techniques « d’extraction du CO2 de l’atmosphère (CDR) ou de diminution du rayonnement solaire (SRM) » [1].
Cette issue est prise en compte par des décideurs, ainsi l’Union Européenne s’est dotée d’un organisme sur la question, EuTrace, en regroupant des chercheurs d’une petite dizaine de pays (pour la France : du CNRS) après avoir constaté que « l’Ingénierie Climatique (IC) attire rapidement l’attention des milieux scientifiques, politiques, commerciaux et l’opinion publique comme pouvant aller de pair avec l’atténuation du changement climatique » [2]
Une de ses missions est d’« identifier les failles les plus importantes dans la compréhension actuelle de l’Ingénierie Climatique. » : comment le comprendre ? Est-ce une préparation à la possibilité d’utiliser l’ingénierie climatique ?
Avec une telle option, les réponses au changement climatique seraient des artifices techniques basés sur l’épandage de produits chimiques dont on ignore les conséquences, à l’opposé de la mutation nécessaire de nos sociétés vers des sociétés du « bien-vivre » respectant les équilibres de la nature. Choisir la voie de la géo-ingénierie, c’est masquer les déséquilibres pour pouvoir continuer de polluer et de gaspiller sans rien changer, en s’engageant peu à peu vers un monde non vivable.
L’humanité n’a pas fait que développer les émissions de gaz à effet de serre ; elle a aussi gravement perturbé ou détruit le cycle de l’eau (pompage excessif dans les nappes, irrigation, artificialisation des sols…) Les rapports n’évoquent pas l’action du cycle de l’eau sur le climat, sujet rarement traité, mais peut-on le reprocher au GIEC ?
Non, il a travaillé sur la base d’un millier d’article publiés dans des revues à comité de lecture sur le sujet qu’il traite ; or si l’effet du changement climatique sur les cycles de l’eau est étudié, l’inverse, c’est à dire l’effet des modifications du cycle de l’eau sur le climat, n’est pas ou pour ainsi dire pas étudié [3]. Ce type d’étude n’est pas financé, ce qui fait que notre système s’est fermé à des réponses qui se placeraient non dans un cadre techniciste, mais au niveau de la restauration du rôle de l’eau dans l’environnement.