FORUM DES MOUVEMENTS DE L’EAU

De multiples mouvements ont prospéré durant les 30 dernières années et particulièrement ces dernières années. Luttes contre les méga-bassines et les retenues collinaires, contre les industries des eaux en bouteille qui sur-pompent dans les nappes, contre la production de neige artificielle, contre les grands projets inutiles qui endommagent les nappes ou les zones humides. Luttes contre les barrages illégaux construits par les agriculteurs productivistes et la multitude de projets de micro-barrages. Luttes contre les barrages hydro-électriques détruisant le cours naturel de l’eau. Projets culturels et juridiques pour reconnaître aux fleuves des droits. Luttes contre la pollution des rivières par les rejets des méthaniseurs, par les rejets industriels et les pesticides. Recours juridiques contre la pollution aux PFAS. Combats contre l’osmose inverse en Ile-de-France, contre la consommation en eau excessive des centrales nucléaires ou des usines de haute technologie. Batailles pour avoir une eau potable au robinet aux Antilles et à la Réunion et disposer d’un raccordement au réseau à Mayotte et en Guyane. Mobilisations contre la gestion de Veolia et Suez, pour la gestion publique de l’eau, pour la gratuité des premiers mètres cubes et la tarification progressive. Mobilisations pour rouvrir les bains publics, installer des fontaines et des toilettes publiques, raccorder les camps de réfugiés et les bidonvilles à l’eau potable et à l’assainissement. Actions pour collecter et utiliser l’eau de pluie, et plus généralement, restaurer le cycle de l’eau…

Nos mobilisations qui concernent, une fois rassemblées, l’ensemble du cycle de l’eau témoignent de l’importance de la question de l’eau pour la société française. Toutes, à des échelles et des niveaux différents, portent une opposition au système écolomique actuel et défendent les principes de droit à l’eau et des communs.

Nos mouvements ont des modes d’action multiples et différents : manifestations, plaidoyer, interpellation des pouvoirs publics, désobéissance civile, sollicitation des élus, expertise environnementale, réunions publiques, relevés scientifiques, recours juridiques, participation aux instances de gestion de l’eau, campagnes de mobilisation etc. Nos relations avec les pouvoirs publics peuvent être conflictuelles ou relever de la négociation.

Ces luttes, initiées par nos mouvements dans leur diversité, sont des luttes pour la dignité humaine, pour les droits humains, pour les droits de la nature, pour préserver l’habitabilité de la Terre pour les humains et pour tous les êtres vivants. Ces luttes sont autant sociales qu’écologiques, autant politiques que culturelles. Locales le plus souvent, elles ont une résonance nationale et internationale parce que les mêmes intérêts privés procèdent de manière identique aux quatre coins du pays et du monde.

Pour autant, nous avançons et nous mobilisons souvent seuls, parfois en binôme, rarement de manière coordonnée entre nos associations, collectifs, syndicats et autres regroupements. Nos revendications, nos modes d’action, nos mots d’ordre n’englobent pas l’ensemble du cycle de l’eau. Nous ne faisons pas suffisamment le lien entre les enjeux sociaux et écologiques, entre la rivière et l’eau potable, entre l’assainissement et le fleuve, entre l’amont et l’aval. Nos mouvements ne pointent pas suffisamment la convergence objective de différents secteurs industriels pour une logique techno-solutionniste qui s’applique aux méga-bassines, aux neiges artificielles, aux usines de traitement ou à la réutilisation des eaux usées. Les pouvoirs publics, les partis politiques, les élus, les médias nous sollicitent ou nous invitent en ordre dispersé. Rares sont ceux qui parviennent à une cohérence d’ensemble. Cela ne permet pas aux citoyens de comprendre les enjeux de l’eau et de donc de se mobiliser. Pourtant l’urgence climatique et écologique le commanderait.

Pourquoi cette absence de coordination ? Probablement est-ce dû à un défaut d’interconnaissance. Nous venons de milieux militants différents, nous n’avons pas toujours les mêmes cultures associatives, syndicales, partisanes. Nous ne sommes pas implantés dans les mêmes territoires : certains sont plus urbains, d’autres plus ruraux. Souvent nous ne dépassons pas la barrière historique entre petit et grand cycle, que nous avons nous-mêmes intégrée dans nos schémas de pensée.

En d’autres termes, il n’existe pas en France une représentation coordonnée du mouvement social de l’eau.

La coordination Eau bien commun France (EBC – composée de coordinations régionales, d’associations et de collectifs locaux) estime cependant que la survenue de l’eau parmi les priorités de l’agenda politique du pays nous oblige. Elle nous oblige à mieux nous connaître, à partager nos expériences, à échanger et apprendre de nos défaites et de nos victoires. Elle nous oblige à montrer un front uni – dans la diversité des formes, des modes d’actions et d’organisations – pour résister aux atteintes toujours plus nombreuses aux libertés associatives en France. Elle nous oblige à porter un socle de messages communs qui font consensus, dans le respect et la confiance dans l’expertise de chacune de nos organisations. Elle nous oblige à coordonner nos actions, à partager des combats, à inventer une hybridation de nos luttes.

un réseau qui réunit citoyens et associations autour de la ressource en eau en Île-de-France et sur tout le territoire français, sur tous les aspects: social, environnemental, économique, juridique, de la santé, culturel…