Les luttes contre les barrages de Villerest et Naussac ne vous disent rien ? François Guerroué raconte cet événement majeur pour l’histoire du bassin de la Loire.
Êtes-vous déjà tombé amoureux d’un fleuve ? Moi, oui. Je ne savais pas que c’était possible jusqu’à ce matin de mars 2020. Depuis le début de la pandémie de Covid-19, le temps, les travaux, la circulation, notre combat, tout était suspendu. Nous étions confinés sur les rives du fleuve qui offrait ses eaux peu profondes et le sable de ses îles tressées à mes pieds nus. Je respirais l’air frais de ce printemps silencieux, répit merveilleux qui ne présageait rien de bon. J’étais alors en train de découvrir les textes de l’écrivain et poète Maurice Genevoix, qui longtemps habita cette même ripisylve — milieu boisé présent sur les rives des cours d’eau.
« Sois la Loire. N’est-ce pas ainsi qu’il faut aimer ? » écrivait-il de son bureau avec vue sur le fleuve. Dans son roman Rémi des Rauches, véritable ode mystique à la Loire, Genevoix raconte l’épopée d’une crue et la vanité des hommes qui cherchent à exploiter le fleuve : « Personne ne connaît la Loire, ni moi ni personne. Elle est sauvage, sauvagement libre. Elle se garde et brise toute contrainte, d’où qu’elle vienne : malheur aux hommes, s’ils ont osé la contraindre ! » Défendre la Loire de ceux qui osent la contraindre : c’est un combat que d’autres avaient mené avant nous, avec son lot de victoires et de défaites.