Un tribunal arbitral international vient de condamner l’Argentine à verser près de 400 millions d’euros à Suez environnement, pour avoir renationalisé le service de l’eau de Buenos Aires en 2006, après des années de conflits. La firme française a eu recours aux mêmes mécanismes de « résolution des disputes entre États et investisseurs », ou ISDS, qui sont aujourd’hui au centre de la contestation du projet d’accord commercial entre Europe et États-Unis. Une décision qui illustre combien, dans leur fonctionnement actuel, les procédures ISDS ne tiennent véritablement compte ni des droits humains ni de la responsabilité des États vis-à-vis de leurs citoyens, en faisant primer la loi d’airain de la protection des investissements.
L’État argentin a été condamné par le CIRDI [1], un tribunal commercial dépendant de la Banque mondiale, à verser une compensation de 405 milliards de dollars US (380 millions d’euros) à Suez environnement, suite à l’annulation en 2006 du contrat de privatisation de l’eau de Buenos Aires. Un arbitrage rendu dans le cadre des procédures dites de « résolution des conflits entre États et investisseurs », ou ISDS, prévues dans le traité bilatéral d’investissement signé entre la France et l’Argentine dans les années 1990 – ces mêmes mécanismes qui font aujourd’hui polémique dans le cadre du débat sur le projet de « Pacte transatlantique de commerce et d’investissement » (communément désigné par les sigles TTIP ou TAFTA). La décision du CIRDI illustre parfaitement les raisons pour lesquelles les mécanismes ISDS se retrouvent aujourd’hui sous le feu des critiques.
Ces tribunaux arbitraux privés, dont le CIRDI est le principal au niveau mondial, sont accusés de fonctionner de manière opaque et d’être structurellement biaisés en faveur des intérêts privés. Surtout, ils prennent généralement leurs décisions en se référant uniquement aux dispositions des traités d’investissements et plus généralement du droit commercial privé, sans réellement tenir compte des autres dimensions du droit international, et notamment du devoir de protection des droits de l’homme. Le litige entre Suez et l’Argentine en constitue un exemple particulièrement emblématique, puisque le gouvernement argentin a tenté, sans succès, d’invoquer « l’état de nécessité » face au « péril grave et imminent » résultant de la dramatique crise financière de 2001-2002, ainsi que son devoir de protection du « droit à l’eau », pour justifier l’annulation du contrat qui le liait à Suez.
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Photo : Daniel Lobo CC
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