Pour la journée internationale des droits des femmes, la réalisatrice, observatrice internationale et défenseure du droit à l’eau en Amérique Latine Elif Karakartal, en tournage au Chili, à Caimanes, où des entreprises minières ont choisi l’amont d’une vallée pour déposer leurs déchets, nous a envoyé quelques paroles des femmes de Caimanes.
Voici les images et ci-bas les paroles traduites en français.
Le village de Caimanes dans la 4ème région du Chili a été la scène de grandes violences avec l’installation de la plus grande décharge de déchets miniers d’Amérique Latine. Depuis plus de 10 ans, le village de Caimanes est engagé dans une lutte de résistance contre l’entreprise minière Los Pelambres, filiale du géant Antofagasta Minerals.
Voici les paroles des femmes de Caimanes pour la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2015…
EK :Toute cette lutte, cette résistance, vous avez appris en faisant, n’est-ce pas ?
Femme 1 : Oui, oui, en faisant…
EK : Votre maman, vos grand-parents ne vous ont pas transmis ça ?
Femme 1 : Non, eux moins que quiconque, ils n’étaient pas habitués à ça.
EK : … à se rebeller contre une autorité
Femme 1 : Oui c’est ça. Et on a appris comme ça… Parce qu’avant, non, on vivait ici, simplement, tranquillement, sans peur. Mais maintenant c’est différent.
Femme 2 : Je suis d’ici du village de Caimanes, où je suis née et j’ai grandi. Et j’ai vu beaucoup de division entre les personnes, qui se sont produites depuis l’arrivée de la minière Pelambres.
Femme 3 : Des hommes multi-millionaires nous ont retiré l’eau et nous ont mis depuis en grand danger là où nous vivons. Nous risquons de tout perdre, la vie, nos coutumes, tout.
Femme 4 : Moi, je suis née et mes enfants sont nés dans un endroit où un barrage géant a été construit pour y jeter les déchets miniers de l’entreprise Los Pelambres qui appartient à Monsieur Luksic. Nous avions de tout avant, de l’eau en abondance, c’était la source de toutes les eaux qui s’écoulent dans la vallée de Pupio.
Femme 2 : On s’est réuni pour organiser à une occupation qui a duré 76 jours, tout a été pacifique, et la presse…
(Hélicoptère)
EK : Continue…
Femme 2 : Et la presse nous confond parfois…
Dernièrement on a vu beaucoup d’hélicoptère qui passent…
Femme 1 : Jamais, à l’âge que j’ai, jamais je n’avais vu ça. Un jour où j’y vais, un gendarme veut me prendre la banderole, et je lui dis, « non ! cette banderole est à moi ! », et alors il me dit, « passez-la moi par ici ! », et il me l’a prise des mains et après j’ai su qu’ils jetaient tout ça à la poubelle. C’est la première fois que je me confronte comme ça à un gendarme. Et on ne se sent pas bien mais ça donne de la force. Je ne sais pas si c’est la colère, l’impuissance qui nous prend. On ressent la colère, la tristesse de ce qui se passe devant nous. Mais c’est aussi comme ça qu’on obtient les choses et qu’on apprend.
Femme 5 : Nous sommes allé passer 75 jours là-haut à une manifestation pour réclamer notre eau. Et grâce aux femmes là-haut on a obtenu beaucoup et je crois que nous devons donner plus d’espace aux femmes pour qu’elles se développent parce que je crois que si on les laisse agir on obtiendra beaucoup plus.
Femme 6 : Nous étions à la manifestation et les femmes jouent un rôle très important, nous organisons les déjeuners, les « onze », la nouvelle année, Pâques, nous avons passé tout ce temps là-haut à la manifestation, ensemble, unies. Et pour nous le soutien des plus âgées, des jeunes, était très important. Nous nous soutenions les unes les autres et cela a conduit à ce que la manifestation soit un véritable succès. Ça a duré 75 jours et ça a été l’union. Alors nous sommes heureuses d’être des femmes et d’être des caimaninas.
Sur la voiture : « Je soutiens Caimanes »
Femme 3 : Ce que nous avons appris, c’est que comme femme nous devons empêcher que l’on nous humilie. Continuer à lutter et ce n’est pas parce que ce sont des hommes qui sont en train de faire ça, que nous allons leur permettre de de nous humilier.
Femme 7 : Je suis une femme en lutte. Je suis en lutte contre Los Pelambres. J’envoie un salut à toutes les femmes du Chili et du monde et un gros bisous !
Femme 8 : A Caimanes toutes les femmes nous sommes en lutte. Et un grand salut à tous par là-bas.
Slogan : « Ils sont ici, ce sont eux qui volent la nation. »
Slogan : « Caimanes uni, jamais ne sera vaincu »
Femme 1 : J’envoie un grand salut à toutes les femmes de France et du monde entier. Parce qu’on est toujours aux premières lignes, les femmes, et à croire qu’on est les plus vaillantes et donc un salut, je vous embrasse et un gros bisou à toutes les femmes.
Femme 4 : J’envoie un grand salut et j’embrasse toutes les femmes de France qui nous conseillent et nous aident énormément. Parce que nous avons besoin du soutien des femmes de France et du monde entier. Parce que nous en ce moment, nous sommes enfermées dans ce village parce qu’il y a des gendarmes à tous les coins de rue. Et ça n’était jamais arrivé.
Femme 2 : J’aimerais embrasser fort et envoyer un gros bisous à toutes les femmes du monde, à toutes les chiliennes, à tout le monde.
Femme 5 : Je veux dire à toutes les femmes que nous avons toujours beaucoup de force et que parfois, quelque soit les problèmes qui arrivent, que nous continuons à aller de l’avant. Et j’envoie un grand salut et que nous ayons beaucoup de force, car nous souffrons depuis longtemps et moi, à mon âge, j’ai su faire face. Alors je demande beaucoup de force comme femme chilienne.
Femme 4 : Qu’est-ce que je vais raconter à mes petits enfants quand ils grandiront ? Que je vivais là, en dessous de cette décharge? Là où il y a cette décharge, je vivais autrefois ?
Chanson des enfants : « Petit cheval blanc, emmène-moi d’ici, emmène-moi à mon village, celui où je suis né.
Moi j’ai, moi j’ai, moi j’ai, toi tu n’as rien, j’ai trois moutons dans une petite cabane. L’une me donne du lait, l’autre me donne la laine, et l’autre du beurre pour toute la semaine… »
Femme 5 : J’envoie un salut à toutes les femmes, parce que je crois que nous sommes un pilier fondamental de notre pays.
Slogan : Eau oui, décharge non, eau oui, décharge non
Depuis la commune de Caimanes, 4ème région du Chili, un salut à toutes les femmes en lutte du monde.
Aujourd’hui, les citoyennes et tout le village de Caimanes, non seulement affrontent Los Pelambres, mais sont aussi la cible du harcèlement politique. L’État chilien semble plus occupé à protéger les intérêt de Luksic qu’à faire respecter le jugement de la Cour Suprême. Ce jugement du plus haut tribunal de la République du Chili, rendu le 21 octobre 2014, reconnaît la responsabilité de l’entreprise minière Los Pelambres dans la spoliation de l’eau de la communauté et ordonne, dans le cas où la minière ne peut pas redonner le débit naturel des eaux, la destruction du barrage de la décharge!