Coupure d’eau à La Réunion : le témoignage d’une jeune citoyenne indignée

Nous avons reçu récemment le témoignage saisissant de Mme A qui signale la coupure d’eau intervenue chez sa sœur, habitante de Saint Leu à  l’île de La Réunion, desservie en eau par la Cise, filiale de la Saur (témoignage ci-bas).

Pour aider sa sœur, Mme A contacte la presse locale et voici l’article publié >>> ici. On y apprend que la Cise prend l’initiative de conditionner l’application de la loi à l’ouverture d’un dossier auprès des services sociaux ! Et comme les autres fournisseurs qui enfreignent la loi Brottes, elle facture des frais de fermeture et d’ouverture des compteurs très élevés.

Le témoignage de Mme A :

« Chère Fondation,
Bonjour,

Merci à vous pour tout ce que vous faites pour les petits êtres humains que nous sommes. C’est grâce à votre site que j’ai eu connaissance de la loi Brottes. Il faut dire qu’à la Réunion les médias et associations de consommateurs n’ont pas diffusé la promulgation de cette loi. Je tenais à vous informer du cas de ma sœur. Je prends la parole à sa place car je suis révoltée du comportement de son distributeur d’eau. Elle m’a donnée son accord pour cette démarche.
Ma sœur, mère célibataire de deux enfants (1 et 5 ans) et en situation de précarité, a des difficultés pour payer ses factures comme pas mal de monde en France. Depuis la sortie de la loi Brottes, son distributeur a interrompu la distribution en eau chez elle au moins 4 fois. A chaque fois elle devait payer l’intégralité de la facture pour avoir de nouveau de l’eau. Une des coupures a même duré plus d’un mois. La 4ème fois c’était le 3 février 2015. Étant au courant de la loi, j’ai décidé de contacter la Cise pour elle. Dans mon imaginaire, je croyais en la bonne foi des gens qui y travaillent. Et ce fut la désillusion totale. J’ai pris contact par téléphone avec M. C du service recouvrement pour défendre le cas de ma sœur, et lui rappeler que nul n’est censé ignorer la loi. Au départ l’échange s’est bien passé mais dès que j’ai commencé à citer la loi, il m’a interrompu pour me dire que les gens lisent parfois n’importe quoi sur Internet. Pendant tout le reste de l’échange, il a été hostile et à la limite du grossier, m’interrompant sans cesse lorsque je voulais lui parler des dispositions de la loi. Je vais vous résumer à peu près ce que M. C m’a dit:

-La Cise est autorisée a couper l’eau chez une personne sauf quand cette personne a sollicité une aide spéciale auprès des services sociaux.
-Il s’est lui même renseigné sur cette loi et les « gens » croient ce qui les arrange.
-Aucune réouverture ne sera effectuée tant que m’a sœur n’aura pas payé l’intégralité de sa facture.
-Les gens font appel à cette loi alors qu’ils n’y connaissent rien. S’ils avaient lu l’intégralité de la loi, ils se rendraient comptent que la loi n’interdit pas les coupures d’eau en cas d’impayés.
-Cette loi ne concerne pas les fournisseurs d’eau mais uniquement les distributeurs de gaz, de chaleur et d’électricité.
-Le service juridique de la société s’est intéressé à cette loi. Selon ce service, la Cise a le droit d’interrompre la fourniture en eau chez les gens en cas d’impayés.

Voilà le compte rendu de ce que Mr C m’a dit. A la suite de notre échange, j’ai été sidérée d’une telle mauvaise foi. Je lui ai dit que moi aussi je me suis renseignée. J’ai cité « France libertés ». J’avais déjà contacté Energie info, allo service public, un avocat, une association de consommateurs pour me confirmer la promulgation de la loi. Ils m’ont tous confirmé que les coupures d’eau pour impayés sont illégales. Rien à faire, il m’a superbement ignorée et a été désagréable.

J’ai été moi même dans le même cas que ma sœur en août 2014. J’ai été privée d’eau pendant 5 semaines, jusqu’à ce que je tombe par hasard sur votre site. J’ai suivi les démarches. J’ai écris à mon fournisseur (Veolia) et au maire comme indiqué dans l’Aide mémoire. Veolia m’a appelé dès le lendemain et ma fourniture en eau a été rétablie. Le maire de ma commune lui ne m’a jamais répondu. Au vue du succès de ma démarche, j’ai voulu la réitérer pour aider ma sœur. Vu l’urgence de sa situation, j’ai décidé d’appeler directement la Cise pour faire avancer les choses. Ça n’a pas marché. A ce jour, ma sœur et ses enfants se retrouvent sans eau pour une facture de plus de 200 euros. Facture d’ailleurs qui présente des irrégularités. Les services sociaux refusent de l’aider car elle a déjà bénéficié d’une aide. Les demandes d’aide ne sont pas renouvelables autant que l’on veut.
Ma sœur le vit très mal et n’en peut plus de toutes ces coupures. C’est dans le but de faire avancer les choses en France que je vous écris.
A l’île de la Réunion, les coupures pour impayés sont courantes, il est dommage que les distributeurs ne respectent pas la loi par pure cupidité et nous privent d’une vie digne.

En espérant que mon témoignage pourra faire avancer votre combat,
je vous souhaite une bonne continuation pour les actions que vous entreprenez à travers le monde entier.

Bien cordialement

A, une jeune citoyenne française indignée. »

PAS de coupures en hiver ni pour l’eau, ni pour l’électricité

Henri Smets, Président de l’Association pour le développement de l’économie et du droit de l’environnement montre que l’amendement Cambon, non seulement revient sur la loi Brottes, mais supprime la trêve hivernale.

« Lorsqu’une famille n’a pas pu payer son loyer, elle n’est jamais expulsée de son logement pendant l’hiver (la fameuse « trêve » hivernale) quelles que soient les circonstances. Le bailleur ne peut pas couper le chauffage pour faire partir cette famille en détresse, ni rendre inutilisables sa salle de bain et ses toilettes en coupant l’alimentation en eau. Si la loi n’autorise pas le bailleur à couper l’eau pour des loyers impayés, il devrait en être de même pour le distributeur d’eau ayant une facture impayée.

Effectivement, depuis la loi Brottes (2013), les fournisseurs d’eau, d’électricité et de  gaz ne sont plus autorisés à interrompre leurs fournitures en hiver même s’il y a des impayés et cela quels que soient les revenus des ménages.  L’objectif est que le logement doit rester salubre tant qu’il est occupé. L’absence de coupures en hiver a été mise en œuvre avec succès en 2013 pour l’électricité et le gaz et n’a pas été accompagnée des effets pervers annoncés. Le printemps venu, les coupures ont repris.

Dans le cas de l’eau, les distributeurs ont refusé d’appliquer la loi Brottes et ont coupé l’eau des ménages comme si cette loi n’existait pas . Selon la même logique, une proposition de loi vient d’être présentée au Sénat pour officialiser la pratique des coupures d’eau en hiver.

Si cette disposition législative était adoptée, les locataires disposeront toujours de leur logement mais il aura été rendu insalubre  par le distributeur et constituera même un risque d’incendie pour les voisins . L’hygiène des enfants ne sera plus assurée et si la protection de l’enfance en est informée, elle pourra venir chercher les enfants pour les mettre en foyer.

Mettre fin à la trêve hivernale pour l’eau alors qu’elle existe pour l’électricité et le gaz serait une régression sociale injustifiée. Une meilleure solution a été avancée par le député Brottes qui propose de suspendre les coupures d’eau pendant l’hiver dans les mêmes conditions que pour l’électricité et le gaz. Le printemps venu, les usagers qui peuvent payer leurs factures d’eau ou d’électricité mais refusent de le faire, seront coupés s’ils n’ont pas de bonnes raisons à faire valoir tandis que les autres usagers probablement très démunis recevront l’eau nécessaire à leurs besoins essentiels. Cette solution est en retrait sur la loi Brottes mais permettra d’éviter les situations dramatiques de coupure d’eau que les tribunaux ont condamné. L’eau, source de vie, doit continuer à bénéficier de la trêve hivernale. »

La Cour des comptes dénonce les pratiques des agences de l’eau !

Dans son rapport annuel qu’elle a présenté le 11 février 2015, la Cour de comptes fait une analyse des nombreux (et importants) dysfonctionnements des Agences de l’eau, qu’elle a auditées pour la période de 2007 à 2013. D’une manière générale, si ce rapport n’apprend rien de nouveau, que les personnes impliquées dans la gestion de l’eau ne savent déjà, il fait par sa cohésion jaillir une vérité que d’aucuns voudraient nous cacher.

En 2013, ces agences ont collecté 2,2 milliards d’euros de redevances auprès des usagers et en ont distribué 1,9 (90,3 % des recettes) sous forme d’aides. C’est par exemple le cas lorsqu’une commune exécute des travaux de rénovation de son réseau d’assainissement eaux usées : elle reçoit alors une subvention (ou un prêt à taux zéro) de l’agence de l’eau dont elle dépend. Ces agences financent aussi des actions conduites par des industriels ou des agriculteurs (épuration des eaux, restauration et entretien des milieux aquatiques, etc.) On se rappelle à ce sujet comment l’agence Adour-Garonne avait subventionné le projet de barrage de Sivens !

Pour 2013, les usagers de l’eau paient l’essentiel (87 %) de la redevance qui alimente les recettes des agences, le solde étant payé par les industriels (7 %) et les agriculteurs (6 %). Selon les bassins, ces pourcentages varient, mais au contraire de ce que l’on pouvait attendre, plus vous polluez, moins vous payez. Ainsi, dans le bassin Rhin-Meuse, où l’activité industrielle a été particulièrement polluante, la contribution des entreprises baisse de 22 % à 11 % en 6 ans ! Dans les bassins Rhône-Méditerranée et Adour-Garonne où l’irrigation représente 70 % du prélèvement d’eau de surface, la redevance payée par les agriculteurs ne représente que 3 % du montant total des redevances ! Quant à l’agence de la Seine-Normandie, elle avait décidé un moment de faire peser 92 % de ses recettes sur les seuls usagers.

Plus on rentre dans le détail, plus la situation est ubuesque. En Loire-Bretagne, la part de la redevance acquittée par les agriculteurs ne s’élève qu’à 10 %, dont seulement 0,6 % pour l’élevage ! C’est pourtant dans cette région que l’on trouve les plus grandes concentrations d’animaux d’élevage rejetant quantité de nitrates, provoquant la prolifération des algues vertes. Au contraire de toute attente, la redevance payée par les éleveurs n’était que de 3 millions d’euros en 2013 alors que le seul coût du nettoyage des algues vertes sur le littoral était estimé au minimum à 30 millions d’euros par an.

Si les usagers domestiques apportent l’essentiel des recettes, ils sont, pour autant, sous-représentés au sein des organes dirigeants. Théoriquement, ils devraient représenter 40 % des membres des comités de bassin (+ 40 % pour les collectivités et 20 % l’État). Sauf que les industriels et les agriculteurs sont eux surreprésentés dans le collège des usagers. Par exemple, les « entreprises à caractère industriel et commercial » constituent plus de 40 % du collège des usagers dans les bassins Seine-Normandie, Rhin-Meuse et Rhône-Méditerranée. D’une manière analogue, dans des bassins dans lesquels les pollutions d’origine agricole sont fortes (Adour-Garonne, Loire-Bretagne), le sous-collège « agriculture, pêche, aquaculture, batellerie et tourisme » représente plus du tiers du collège des usagers. Pour Seine-Normandie, les « vrais usagers », les consommateurs n’occupent que 9 % des sièges.

Enfin comment passer sous silence les nombreux conflits d’intérêts relevés dans l’attribution des aides qui, d’une manière générale, semble insuffisamment transparente. Il n’est pas rare de constater que certains membres des conseils d’administration (représentant des entreprises, des collectivités ou des associations) peuvent à la fois bénéficier de subventions (parfois très élevées) et siéger et voter dans les commissions qui attribuent ces aides !

Dans un communiqué paru la veille de la publication du rapport, la ministre Ségolène Royal prend les devants, soutient les recommandations de la Cour des comptes et annonce qu’elle a déjà décidé (lors de leur renouvellement) d’allouer plus de sièges aux représentants des associations (consommateurs et protection de la nature). Elle veut également améliorer la représentation de l’agriculture biologique. La prévention des conflits d’intérêts devrait aussi être renforcée par de nouvelles règles qui seront édictées avant l’été par décret.

En matière de confusion des genres, on a tous en mémoire la période (2005 à 2013) où André Santini, député-maire d’Issy-les-Moulineaux, président du syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF), présidait aussi le comité de bassin de l’agence de l’eau Seine-Normandie. Pour son élection à ce poste, il avait pu compter, sur le soutien des représentants de Veolia, Suez-Environnement, de la majorité des agriculteurs ainsi que de la FNSEA. Le SEDIF, le plus gros syndicat intercommunal de France (144 communes), ne venait-il pas de renouveler son contrat avec Veolia en 2010 ? Seriez-vous étonné d’apprendre que le vice-président de Santini au comité de bassin de l’agence de l’eau n’était autre que Paul-Louis Girardot, ancien directeur de Veolia toujours membre du conseil d’administration de cette société ? Il faut savoir rester entre soi.

Ce que la Cour des comptes ne dit pas dans cette affaire, c’est que l’État a su lui aussi ne pas respecter le fameux (contestable ?) principe : « l’eau paie l’eau » puisqu’il a mis les doigts dans le « pot de confiture » et a prélevé de l’argent dans les caisses des agences pour son propre usage. Ainsi pour l’année 2014, il a prélevé 210 millions d’euros et se propose de faire de même les 3 prochaines années (2015 à 2017) à hauteur de 175 millions !

La seule solution pour mettre fin à tous ces petits arrangements avec le diable, ce n’est pas d’introduire plus d’État (qui comme on le voit sait aussi transgresser les règles), mais plus de démocratie ! Pourquoi arrive-t-on toujours aux mêmes conclusions ?

Coupures d’eau : l’amendement scélérat du sénateur Cambon

 

Le rapport public annuel de la Cour des comptes vient de pointer, une fois de plus, le fiasco de la politique de préservation de l’eau en France, le manque de transparence et la mainmise des lobbies,  conduisant à ce que « plus on pollue l’eau, moins on est taxé ». C’est le moment choisi par le sénateur (UMP) Christian Cambon, l’un des piliers de ce système (1), pour déposer un amendement scélérat  visant à rétablir les coupures d’eau pour impayés, rendues illégales par la loi Brottes ! Fidèle à la règle de l’opacité,  l’amendement a été déposé, en catimini, dans le projet de loi sur la transition énergétique…

La loi Brottes a interdit les coupures d’eau pour impayés dans les résidences principales, tout au long de l’année et pour tous. C’est sur cette disposition que voudrait revenir M. Cambon, en limitant la protection de la loi aux personnes connaissant des difficultés particulières, en pratique les bénéficiaires du FSL ou d’autres dispositifs sociaux, mais pas à tous les citoyens, pour ne pas encourager « les mauvais payeurs ».

Ce raisonnement est très loin des réalités. Les personnes en difficultés financières, passagères ou durables, ne se réduisent pas aux ménages aidés, loin s’en faut. D’abord, nombre de ceux qui pourraient prétendre à des aides, n’en bénéficient pas. C’est le phénomène du non-recours aux aides sociales, qui est massif (Cela représente 35% de ceux qui pourraient bénéficier du RSA socle, près de 70% pour le RSA activité,). Double peine, ceux-là  qui ne touchent pas d’aide sociale, bien qu’ils y aient droit, pourraient se voir couper l’eau, grâce à M. Cambon !

Ensuite, des gens en réelles difficultés se trouvent aussi parmi les travailleurs pauvres qui n’ont pas droit aux aides sociales. Ceux-là aussi pourraient se voir couper l’eau, grâce à M. Cambon.

La seule façon de s’assurer que toutes les personnes en difficultés soient à l’abri d’une coupure d’eau, c’est qu’il n’y ait plus aucune coupure d’eau, comme le prévoit la loi Brottes. C’est le respect du droit à l’eau pour tous qui permet de garantir l’eau aux plus démunis.

On ne dira jamais assez la violence exercée par les coupures d’eau, l’atteinte à la dignité humaine que cela constitue. Les enfants qui ne vont plus à l’école. Les risques pour la santé des plus petits et des plus âgés. Les personnes qui sont isolées de ce fait. Et de l’autre côté, chez les distributeurs d’eau, les salariés qui sont malades de faire ce sale boulot, qui se cachent pour couper l’eau…  Il faut en finir avec les coupures d’eau pour le bien de tous.

L’amendement de M. Cambon est une déclaration de guerre aux pauvres, pour préserver le business des coupures d’eau, pour accroître encore la puissance des plus forts. Mais il n’est pas dit que le « talon de fer » l’emporte : maintenant que l’amendement scélérat est révélé au grand jour, que des associations et des citoyens le dénoncent, les parlementaires peuvent s’y opposer et le rejeter.

Dans ce cas, on retiendra seulement que M. Cambon reconnaît que la loi Brottes interdit les coupures d’eau. Une réalité niée par les distributeurs qui continuent à couper l’eau. Et qui leur vaut des condamnations régulières par les tribunaux. A la prochaine audience contre les coupeurs d’eau, nous citerons donc M. Cambon. Qui, pour une fois, servira le droit à l’eau malgré lui….

 

 

(1) Christian Cambon est le plus ancien vice-président du SEDIF où il a assuré, aux côtés de M Santini, le renouvellement du contrat de délégation au bénéfice de Veolia ; il est maire de Saint Maurice ; son adjoint aux finances appelé à lui succéder, Igor Semo est directeur des relations extérieures de la Lyonnaise des Eaux (Suez) et trésorier de Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E). Proche à la fois de Veolia et de Suez, Christian Cambon est idéalement placé pour porter la voix du lobby de l’eau au sénat.

Pour un service public métropolitain de l’eau

La Ville de Paris s’apprête à renouveler son contrat d’objectif avec sa régie municipale. Après cinq ans d’existence, ce modèle a désormais vocation à s’étendre aux communes du Grand Paris. Une tribune de Célia Blauel parue dans Les Échos le 6 février.

« Il y a tout juste 5 ans, la Ville de Paris créait Eau de Paris, première entreprise publique européenne d’eau potable avec plus de 3 millions d’usagers quotidiens. La régie Eau de Paris incarne aujourd’hui la réussite d’un modèle intégré maitrisant l’ensemble de la filière de production et de distribution d’eau potable, dans le double objectif de protéger la ressource et d’en assurer l’accès à tous.
En faisant le choix d’une gestion directe du service de l’eau par un opérateur unique, Paris a marqué une rupture dans le rapport jusque-là entretenu par la plupart des villes avec cette ressource rare en se fondant sur un principe politique fort : l’eau, ressource naturelle par excellence, reconnue comme un bien commun universel, a besoin d’une pleine maîtrise publique dans sa gestion.
En créant ce véritable service public parisien de l’eau, Paris et sa régie décidaient de placer l’usager au cœur de leur démarche, grâce à une gestion exemplaire, à la fois transparente et ouverte.

Remunicipalisation

Ainsi, les représentants d’usagers détiennent désormais des voix délibératives au sein d’Eau de Paris. Et l’Observatoire Parisien de l’Eau, qui rassemble tous les acteurs et institutions de la filière, lieu majeur de débat, d’information, de concertation et d’études, est associé à toutes les étapes de la vie de la régie publique.
L’exigence démocratique et de transparence dans la gestion publique de l’eau a constitué le socle fondamental de la remunicipalisation. L’exigence environnementale et la responsabilité sociale en sont les corolaires indissociables.
La Ville de Paris renouvelle en février 2015 son contrat d’objectif avec sa régie Eau de Paris. Cet acte 2 de la remunicipalisation répond aux enjeux contemporains, en particulier la préservation de la ressource, l’adaptation au réchauffement climatique et l’accès de tous à l’eau potable.
Dans un contexte de raréfaction de la ressource en eau potable, et alors que le plan national d’adaptation au changement climatique adopté en 2011 a fixé un objectif d’économiser 20 % de l’eau prélevée à l’horizon 2020, la régie Eau de Paris s’engage également en développant parallèlement son réseau d’eau non-potable, aussi utile pour les services urbains quotidiens qu’en cas de pics de chaleur.

Moins de 1 euro/m3
Depuis sa création, la régie publique Eau de Paris s’est résolument mobilisée pour faire face aux mutations démocratiques, environnementales, sociales auxquelles sont confrontés les services publics locaux. A Paris et en Ile de France, avec la construction de la métropole du Grand Paris, ces mutations sont également urbaines et territoriales. Le Grand Paris sera, n’en doutons pas, l’occasion de mettre en débat l’avenir de nos ressources naturelles et des besoins sociaux des habitants de la métropole. L’accès à l’eau fait partie de ces grands enjeux.
La gestion publique, choisie et assumée, permet aux parisiens de bénéficier aujourd’hui d’une eau de qualité à un juste coût, inférieur à 1euro / mètre cube. Ce n’est pas le fruit du hasard si ce prix demeure le moins cher de la métropole, là où partout ailleurs le choix a été fait de déléguer le service aux multinationales de l’eau.
Alors qu’une récente étude montre que la remunicipalisation des services d’eau ou d’assainissement s’inscrit dans un mouvement mondial, passant de 3 villes en 2000 à 180 en 2014 dont 49 en France et 59 aux USA, en tête du podium, il n’est pas étonnant que les multinationales de l’eau saisissent la perspective du Grand Paris pour tenter de reprendre la main.
Alors oui disons-le nettement : le modèle de la gestion publique de l’eau, dont Eau de Paris est aujourd’hui la traduction concrète de son efficience économique et de son exemplarité sociale et environnementale, a vocation à s’étendre à la Métropole du Grand Paris. Eau de Paris se prépare à accueillir les collectivités qui feront le choix de ce modèle. Cela permettrait notamment d’harmoniser vers le bas les tarifs dans la Métropole au bénéfice des Grand Parisiens, et d’agir plus efficacement contre la pollution de l’eau.  C’est un enjeu démocratique majeur. C’est aussi une garantie pour l’avenir de la ressource vitale qu’est l’eau. »

Célia Blauel, est adjointe à la Maire de Paris chargée de l’environnement, du développement durable, de l’eau, de la politique des canaux et du plan climat énergie territorial, et présidente de la régie Eau de Paris

Bagnolet: le conseil municipal se prononce contre les coupures d’eau

Par un vœu adopté à l’unanimité jeudi 29 janvier, le Conseil municipal de Bagnolet demande au gouvernement de rappeler avec fermeté la loi qui interdit les coupures d’eau pour impayés, dans les résidences principales, tout au long de l’année, aux distributeurs d’eau. Le Conseil municipal de Bagnolet demande au Président du SEDIF d’appliquer un moratoire immédiat sur les coupures d’eau et d’organiser un débat à ce sujet au sein du conseil syndical.

Le vœu, présenté par Bagnolet initiatives citoyennes -EELV, était motivé ainsi:

« Nombre de familles rencontrent des difficultés pour payer leurs services essentiels comme la fourniture d’eau et sont confrontées à la violence insupportable des coupures d’eau dans leur lutte pour les surmonter.

Depuis six mois, la Fondation France Libertés et la Coordination Eau Île-de-France ont recueillis près de 500 témoignages de cette pratique devenue illégale avec la loi Brottes d’avril 2013.

Personnes âgées isolées, personnes handicapées, familles nombreuses avec des enfants en bas âge, patients hospitalisés, etc., les coupures d’eau sont appliquées sans discernement et sans humanité. Les conséquences sont dramatiques dans tous les cas, pour l’hygiène, la santé, les enfants qui peuvent être déscolarisés, les adultes qui se désocialisent…

Le tribunal de Thionville vient de condamner le propriétaire et la régie publique d’une famille soutenue par les associations. C’est une décision extrêmement représentative de ce qui se passe pour plus de 120 000 familles par an.

L’exemple est fort car Mme M. règle son loyer chaque mois, paye ses charges aux échéances prévues, et s’est vue couper l’eau parce qu’il y avait un conflit entre son propriétaire et sa régie. Le juge a bien évidemment condamné cette pratique, mais qu’en est-il des nombreux cas pour lesquels les distributeurs ont fait pression sur les locataires afin qu’ils payent, eux-mêmes, la dette de leur syndic pour pouvoir retrouver l’eau ? Il s’agit d’un racket, d’une utilisation de la force pour récupérer quelques centaines ou quelques milliers d’euros.

Alors que les attentats de ce début janvier sont présents dans nos esprits et nos cœurs, alors que l’on nous annonce des décisions sécuritaires avec plus de protection contre une menace invisible, nous avons aussi le devoir d’inventer de nouveaux chemins de paix et de réconciliation pour moins de violence.

Pour la mise en œuvre du service public de l’eau, nous demandons que cesse l’injustice et que les distributeurs d’eau saisissent l’opportunité de cette grande réconciliation possible avec leurs clients. Nous ne pouvons nous satisfaire d’un service public qui ne voit dans le recouvrement de ses factures qu’un rapport de force qui l’oblige régulièrement à prendre ses propres clients en otage, alors que ces coupures d’eau sont reconnues illégales par la loi.

En effet, l’article L115-3 du Code de l’action sociale et de la famille (CASP) a été modifié par la loi n°2013-312 du 15 avril 2013-art.19 (dite loi Brottes) et comprend le paragraphe suivant, tout à fait clair sur le fond :

« Du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l’année suivante, les fournisseurs d’électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement de factures, de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou aux familles. Les fournisseurs d’électricité peuvent néanmoins procéder à une réduction de puissance, sauf pour les consommateurs mentionnés à l’article L 337-3 du code de l’énergie. Un décret définit les modes d’application du présent alinéa. Ces dispositions s’appliquent aux distributeurs d’eau pour la distribution d’eau tout au long de l’année. »

La lecture de cet article montre sans ambiguïté qu’il est interdit d’interrompre la distribution d’eau tout au long de l’année dans une résidence principale, pour tous les abonnés.

Malheureusement les coupures d’eau continuent ; certains distributeurs d’eau recourent toujours et de façon massive aux coupures d’eau pour recouvrer les impayés. Par exemple, à Saint-Denis, ville qui fait partie du SEDIF, il y avait 15 avis de coupures d’eau entre le 12 et le 20 janvier !

Gérard Cosme, président de la Communauté d’agglomération Est Ensemble, a d’ailleurs rédigé un courrier à M. Santini, président du Syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF), demandant « un moratoire sur les coupures d’eau » et proposant un débat au sein des instances du Syndicat.

Ces faits concernent l’habitat individuel mais aussi l’habitat collectif, comme c’est le cas dans les exemples ci-dessous, dans notre département :

– Gagny (93) : un immeuble a subi trois coupures d’eau pour cause d’impayés de la part de certains propriétaires.
– Montfermeil (93) : menace de coupure d’eau dans tout l’immeuble pour impayés de deux factures.
– La Courneuve (93) : le syndic n’a pas réglé la facture d’eau et les 19 foyers de la copropriété ont subi deux coupures d’eau.

– Saint Denis (93) : un immeuble resté sans eau pendant près d’une semaine à cause d’un impayé de la part du syndic pour quelques propriétaires négligents qui ne payaient pas leur part de charges.
– Montreuil (93) : un immeuble menacé de coupure d’eau suite à une facture bien trop élevée que les locataires et propriétaires tentaient de clarifier avant de payer, sans succès : silence de Veolia. La facture a finalement été réglée sans plus d’information sur sa justification.

– Saint Ouen (93) : Suite à un retard de règlement de la part du syndic, cette copropriété s’est trouvée privée d’eau pendant plusieurs jours.

Suite à l’action de la fondation France Libertés et de la Coordination Eau Île-de-France, quatre jugements en référé ont déjà condamné des distributeurs d’eau à rétablir le service, quelle que soit la situation de l’abonné (déclaré ou non en situation de précarité). En outre, Suez a été condamné à 8000€ d’amende par le tribunal de Soissons, Veolia a été condamné à 9620€ d’amende par le tribunal de Bourges, la régie Noréade a été condamnée à 5501€ d’amende. par le tribunal de Valenciennes, le Syndicat des Eaux et Assainissement de Fontoy-Vallée de la Fensch a été condamné à 1700€ d’amende par le tribunal de Thionville.

Les distributeurs doivent cesser maintenant les coupures d’eau, trouver les modes opératoires leur permettant de se réconcilier avec les usagers et tisser les liens qui sont nécessaires au bon fonctionnement de notre société afin que nous trouvions, ensemble, les moyens d’aider ceux qui n’arrivent pas à payer leurs factures. »

un réseau qui réunit citoyens et associations autour de la ressource en eau en Île-de-France et sur tout le territoire français, sur tous les aspects: social, environnemental, économique, juridique, de la santé, culturel…