PUBLIÉ LE 20/08/2014 dans La Voix du Nord
MORAD BELKADI
La famille Aldadsi vit rue du Clairfayts à Solre-le-Château. Lundi, la société Noréade a coupé son compteur d’alimentation en eau en raison d’une facture impayée. Sauf que depuis le mois de février, la loi interdit une telle pratique. Les intéressés veulent engager des poursuites.
Cette histoire pourrait s’apparenter à un véritable imbroglio juridique pour qui ne maîtrise pas les rouages du droit français. Allons-y donc étape par étape. Lundi, un technicien de la société Noréade se rend au 46 de la rue du Clairfayts à Solre-le-Château pour couper un compteur d’eau. Les personnes visées sont Sabrina Aldadsi, son mari Walid, et leurs cinq enfants, dont un est âgé d’à peine cinq mois. Noréade leur reproche de ne pas avoir payé une facture datant du mois de mai. « Le problème c’est qu’on ne l’a jamais reçue », jure Sabrina. Une version que dément Didier Cattoen, directeur du site d’Avesnelles, assurant avoir multiplié les courriers de relance.
Ce que dit la loi
Après un utltime rappel en recommandé, le fournisseur d’eau a employé la manière forte en stoppant l’alimentation du logement. « Sauf que c’est illégal », assure-t-on dans la famille Aldadsi. Illégal ? Didier Cattoen rejette cette accusation d’un revers de main, et évoque la loi du 13 août 2008. Loi dont l’article premier stipule qu’en cas de facture impayée par un consommateur, sa fourniture pourra être « réduite ou interrompue pour l’électricité, le gaz, la chaleur ou l’eau. »
Là, ça se complique. Car cette loi a été modifiée le 27 février 2014, pour prendre en compte les évolutions apportées à l’article L.115-3 du code de l’action sociale et des familles. Vous suivez toujours. Nous avons consulté ce fameux article que nous vous livrons dans ses grandes lignes : « Du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l’année suivante, les fournisseurs d’électricité, de chaleur, de gaz, ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement de factures, de la fourniture d’électricité de chaleur ou de gaz aux personnes ou aux familles (…) Ces dispositions s’appliquent aux distributeurs d’eau pour la distribution d’eau tout au long de l’année. »
Vous avez bien lu, les sociétés d’eau font figure d’exception. Elles n’ont pas le droit de couper l’alimentation aux clients même en dehors de la trêve hivernale, pour une facture non réglée. La famille Aldadsi a raison et annonce son intention d’engager des poursuites judiciaires. Le couple a déjà contacté un avocat.
Et maintenant?
Durant quelques jours, la famille Aldadsi a dû vivre dans des conditions assez spartiates. « C’était surtout dur pour le bain des enfants », confirme Walid, le père de famille. Pour l’alimentaire, ils ont été achetés des bouteilles dans le commerce. Pour le reste, c’est la solidarité de leur propriétaire, qui vit juste en dessous de leur logement, sur laquelle ils ont compté. Louis Brulliard, scandalisé par cette affaire, les a invités à se fournir en flotte chez lui. Et maintenant ? Sabrina Aldadsi affirme qu’avec la rentrée scolaire, elle n’a pas les moyens de régler une facture qui avoisine les 250 €. La mère s’est tournée vers les services sociaux de la mairie de Solre-le-Château. Ces derniers devraient faire le nécessaire. L’alimentation en eau devrait être rétablie sous peu.
«La plupart des grandes sociétés font semblant de ne pas savoir»
Basée à Paris, la fondation Danielle Mitterrand France Libertés connaît par cœur le sujet des impayés d’eau. Contactée par La Voix du Nord, la fondation confirme l’esprit de la loi Brottes. « Les fournisseurs sont dans l’illégalité la plus totale en continuant à couper l’alimentation pour un impayé, explique-t-on. La plupart des grandes sociétés de l’eau, Véolia en tête, sont au courant, mais continue d’ignorer la loi ou font semblant de ne pas savoir. » La fondation envisage sérieusement d’engager une procédure en justice. En attendant, ses membres ont mis à disposition sur leur site Internet un petit guide pratique pour ceux qui devraient faire face à cette situation. Notamment un courrier type à adresser à son fournisseur ou au maire de la commune (les collectivités locales et territoriales ont toujours pour compétence la gestion de l’eau). Il est aussi conseillé de ne pas payer « toute majoration liée à cette coupure illégale. »