Une proposition de loi visant à la mise en oeuvre effective du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement a été déposée le 18 septembre à l’assemblée nationale par Jean Glavany et des députés des différents groupes de gauche, écologiste et du centre
Un constat…
Si le territoire national dispose d’une bonne couverture en alimentation en eau potable et en assainissement, la Commission nationale consultative des droits de l’homme indiquait en juin 2011 que « l’on peut dénombrer en France plus de deux millions de personnes pour qui le droit à l’eau potable et à l’assainissement demeure insatisfait ».
Cela recoupe en partie les plus de trois millions de personnes ne disposent pas de logement adéquat et connaissent des difficultés au regard de l’eau et de l’assainissement. C’est le cas notamment des sans domicile fixe, des personnes et familles sans logement, des personnes logées dans des conditions indécentes, des personnes vivant en habitat précaire, des sans domicile, etc.
La reconnaissance du droit à l’eau, qui intéresse tout être humain, vise à répondre à la détresse de ces populations, mais aussi à celles et ceux qui éprouvent des difficultés financières et se trouvent dans l’impossibilité d’honorer une facture d’eau ou d’assainissement dans un cadre individuel ou familial. Ce droit vient ainsi conforter les systèmes de solidarité en vigueur (fonds social logement par exemple) afin de répondre à une urgence humanitaire.
Une loi pour y répondre…
Une proposition de loi a été élaborée, à l’initiative de la « Fondation France Libertés », par un groupe de travail avec notamment Henri Smets de l’Association pour le développement de l’économie et du droit de l’environnement (ADEDE) et Bernard Drobenko, professeur de droit, auquel a participé la Coordination EAU Île-de-France ainsi que de nombreuses associations.
Le soutien apporté par la France pour la reconnaissance du droit à l’eau, notamment aux Nations Unies et à Rio engage le pays à servir d’exemple en reconnaissant et en mettant en œuvre le droit à l’eau, au moins par un acte législatif. Elle doit aussi en assurer la promotion pour sa reconnaissance au niveau européen. L’ensemble de ces éléments légitime bien la reconnaissance législative par la France du droit à l’eau. Pour autant à ce jour, force est de constater que le droit à l’eau potable et à l’assainissement ne figure toujours pas dans le droit français.
L’adoption de cette loi serait l’expression de plusieurs valeurs :
- Politique (cohérence du législateur avec quelques principes aujourd’hui largement admis).
- Philosophique, car elle place la France dans la continuité de son approche philosophique des droits de l’Homme.
- Symbolique, car elle constituera un encouragement pour d’autres États à reconnaître ce droit.
- Pragmatique, car elle impose des modalités opérationnelles de mise en œuvre.
L’affirmation d’un principe…
Tout commence par l’insertion d’un nouvel article au code de la santé publique qui affirmerait que le droit à l’eau et à l’assainissement est un droit de l’homme qui comprend la mise à disposition d’eau potable, pour les usages personnels et domestiques qui doit être accessible en quantité suffisante et constante et d’un équipement d’assainissement adéquat pour le respect de la santé, la dignité.
Pour atteindre ces objectifs, trois familles de mesures sont proposées dans cette proposition de.
Premièrement, des mesures très concrètes…
Une fois ce principe réaffirmé, il s’agirait d’en tirer les conséquences très concrètes. Ainsi, pour ce faire :
- Les communes installeraient et entretiendraient des points d’eau potable destinés à l’accès public, gratuit et non discriminatoire.
- Les communes de plus de 3 500 habitants installeraient et entretiendraient des toilettes publiques gratuites accessibles à toute personne.
- Les communes de plus de 15 000 habitants installeraient et entretiendraient des douches publiques qui seraient gratuites pour les personnes vulnérables. Elles pourraient, le cas échéant, prendre des dispositions pour permettre à ces personnes d’avoir accès à des équipements existants déjà utilisés par le public (par exemple gymnases, piscines, etc.).
Deuxièmement, une tarification adaptée…
Le montant de la facture d’eau pourrait être calculé en fonction de tranches de consommation sur la base d’une tarification à une ou plusieurs tranches avec la possibilité d’une première tranche de consommation gratuite ou à prix réduit.
Au-delà de cette première tranche, l’eau potable peut être facturée de manière progressive en considérant les quantités d’eau consommées et la nature des usages, notamment professionnels.
Des dispositions spécifiques seront prises au bénéfice des familles les plus démunies et de grande taille dès lors que de telles dispositions pourraient les défavoriser.
La facture fait apparaître le prix du litre d’eau.
Troisièmement, des aides pour les personnes en difficulté…
En cas de non-paiement des factures d’eau, les services sociaux devront être immédiatement saisis par le fournisseur qui doit alors maintenir un service restreint répondant à la satisfaction des besoins fondamentaux de la personne (qu’un décret définira). Dès lors que l’usager en difficulté relèverait de la compétence des services sociaux, une procédure de solidarité est alors mise en œuvre via un fonds départemental de solidarité pour le logement visant à la mise en œuvre du droit au logement.
Un dispositif préventif d’aide serait mis en œuvre par l’intermédiaire des caisses d’allocation familiale (CAF). Détentrices des informations nécessaires à la prise en charge des plus démunis, elles contribueraient avec les services compétents de l’État et des collectivités territoriales à la réalisation du droit à l’eau.
Ainsi dès que le montant de la facture d’eau nécessaire pour mettre en œuvre le droit à l’eau d’un ménage (toutes taxes et redevances comprises) excéderait 3 % des ressources prises en compte pour le calcul de l’aide au logement un dispositif serait déclenché. Au-delà de ce seuil, la prise en charge de l’approvisionnement en eau potable est assurée par un Fonds national de solidarité du droit à l’eau via le fonds départemental de solidarité du logement. L’éligibilité à ce droit sera déterminée en fonction de critères comme la composition du ménage, ses ressources et le prix moyen de l’eau dans le département.
Ce fonds national de solidarité du droit à l’eau, ainsi institué pour la mise en œuvre de ce droit à l’eau et à l’assainissement, est administré par un comité de gestion, qui fixe les orientations et affecte les crédits aux fonds départementaux de solidarité pour le logement. Pour ce faire, ce fonds national disposerait de recettes qui pourraient être constituées par une taxe sur toute production ou commercialisation d’eau emballée (bouteille, bonbonne ou autre emballage) produite en France ou importée. Si cela était insuffisant, d’autres recettes pourraient être envisagées telles que :
- une taxe sur toute production ou commercialisation d’eau (bouteilles, bonbonnes) ainsi que sur son importation
- une contribution sur le chiffre d’affaires des sociétés de distribution d’eau
Ce fonds national de solidarité du droit à l’eau serait également chargé, via le fonds départemental de solidarité pour le logement, de financer l’aide personnalisée pour l’amélioration des structures d’assainissement non collectif pour les populations défavorisées.
Enfin, de cas de litige relatif à la mise en œuvre du droit à l’eau et à l’assainissement, toute personne concernée ainsi que les associations d’action humanitaire pourraient saisir l’autorité compétente par un recours amiable, en urgence. À défaut de réalisation du droit à l’eau sous huit jours, elles pourraient alors saisir, en procédure d’urgence, le tribunal compétent, le juge des référés se prononçant dans un délai de quarante-huit heures.
Comment continuer ?
Les propositions contenues dans cette proposition de loi sont dans le droit-fil des réflexions issues de l’atelier inter-associatif de la Seine-Saint-Denis : « Accès à l’eau pour tous, ici et maintenant ! » réuni en 2011 dans le cadre des Assises régionales des associations pour l’eau en Île-de-France. À partir de la situation des populations privées d’eau et d’assainissement en Seine-Saint-Denis (familles précaires, gens du voyage, squatters, SDF, etc.), cet atelier avait dressé un état des lieux pour proposer des solutions applicables immédiatement, ici et maintenant:.
A la suite des Assises, une action pilote « eau dans la ville et accès à l’eau et à l’assainissement » est menée par la Coordination EAU Île-de-France dans la ville de Saint-Denis. Il s’agit d’estimer les populations privées de cet accès vital et d’élaborer des recommandations précises, avec l’objectif d’aller jusqu’à un agenda de mise en oeuvre.
A l’action de terrain répond maintenant la proposition de loi. Bien qu’encore imparfait, ce texte doit permettre à un ensemble de parlementaires, dans la plus grande diversité, d’engager le travail. En tout cas le temps presse. Un débat sur ce texte, solide base de départ selon les parlementaires qui ont participé à ce premier travail de rédaction, doit rapidement arriver dans le calendrier parlementaire.
En tout cas, quand ont les regarde dans la durée, les actions conduites par les diverses associations (et par la Coordination Eau Île-de-France en particulier) sont cohérentes. Cette première rédaction d’un texte législatif qui vient de se terminer, montre le chemin parcouru, mais n’en constitue qu’une étape.
Cela engage à poursuivre les échanges et les réflexions au parlement, mais aussi dehors, avec les associations et avec les citoyens.
Lire article d’actu-environnement: vers un droit à l’eau opposable