Vendredi 21 décembre, après 40 jours d’audience, le tribunal d’Ovalle a décidé à l’unanimité, d’acquitter le dirigeant du Comité de Caimanes et les quatre avocats défendant la communauté.
Les quatre avocats et le dirigeant de Caimanes étaient accusés d’association illicite, de désordre public et de prévarication alors qu’ils avaient mis en place une série d’actions juridiques contre le fonctionnement du bassin d’El Mauro, appartenant à l’entreprise minière Los Pelambres. Construit en 2008 à huit kilomètres du village, ce réservoir de déchets miniers –le 3ème plus grand au monde- a coupé l’accès à l’eau de la communauté villageoise et contaminé les réseaux d’eau potable.
Malgré toute la virulence des procureurs de la République qui, aux côtés des avocats de l’entreprise minière Los Pelambres, portèrent l’accusation avec conviction, leurs arguments n’ont pas réussi à convaincre le tribunal.
Outre le rejet des accusations émises, le tribunal a reconnu implicitement les faits : « Bien qu’il n’était pas de son ressort de se prononcer sur l’existence d’une contamination environnementale à Caimanes, on ne pouvait pas qualifier de fausses, les dénonciations de contamination environnementales ». Ainsi, alors que les accusateurs prétendaient que la contamination environnementale avait été inventée de toute pièce pour extorquer de l’argent à la Mine Los Pelambres, le tribunal a ouvert la voie au thème de la pollution minière, encore tabou dans un pays où la primauté absolue donnée aux projets miniers semblait interdire la moindre remise en cause du modèle extractiviste.
Cet acquittement redonne symboliquement la force du droit à la justice chilienne puisqu’un tribunal n’a pas cédé à l’absurde accusation portée par la plus riche famille du Chili, Los Luksic, propriétaire de l’entreprise minière Los Pelambres. Toutefois, il y a encore bien du chemin à faire pour que justice soit rendue aux communautés affectées par les mégaprojets miniers au Chili. Si les défenseurs des droits sont soulagés : « ils n’iront pas en prison pour avoir défendu une communauté », et si en définitive au terme de ce procès aux relents kafkaïens, « le droit des communautés à se défendre à été reconnu », les habitants de Caimanes en revanche sont encore bien loin de célébrer la victoire. Leur village est déchiré par les pratiques délétères de la mine, aucune solution n’a été apportée au problème de contamination de l’eau qui continue à être nié par les autorités sanitaires et, hormis ceux qui ont les moyens d’acheter de l’eau, les habitants continuent de consommer une eau dans laquelle la présence de mercure-nickel-manganèse a été attestée, mettant en danger la santé.s
Les avocats, désormais acquittés, se disent déterminés à poursuivre leurs actions pour la défense de Caimanes, pour que la mise en péril de la communauté – par le monstrueux bassin minier dressé au-dessus de la tête des habitants- soit enfin reconnue et qu’une solution soit apportée.
Nombreux sont ceux qui, à Caimanes comme ailleurs, espèrent qu’un jour prochain, ce ne seront non plus les défenseurs des droits humains qui seront assis sur le banc des accusés des Tribunaux, mais les vrais responsables des désastres sociaux et environnementaux, et qui attendent ainsi que les dirigeants des entreprises viennent assumer leurs responsabilités … pour que le sacrifice de Caimanes n’ait pas été vain.