Les gestionnaires publics de l’eau regroupés au sein de France eau publique (FEP), qui a tenu une conférence de presse le 29 juin, estiment qu’à trop focaliser sur les problématiques d’investissement dans les canalisations et de réduction des fuites, les Assises de l’eau font l’impasse sur des enjeux plus pressants comme la sécurisation du devenir des agences de l’eau, la stabilisation du paysage législatif et la solidarité entre services de l’eau pour pallier les difficultés des plus fragiles. Article de Morgan Boëdec dans Localtis.
Illustration extraite de l’agenda de l’eau 1955 de la chambre syndicale des fabricants de tuyaux en fonte.
« Les services publics de l’eau vont bien, merci ! » Le mot est de Célia Blauel, présidente de « Eau de Paris ». Le 29 juin France eau publique (FEP), auquel adhère la plus grande régie publique d’eau de France aux côtés d’autres opérateurs publics de toute taille et de collectivités, a salué la tenue des Assises de l’eau en tant qu’exercice mais moins pour son contenu et sa dimension centralisatrice.
Le plan de relance des investissements et de lutte contre les fuites auquel aboutira sa première séquence est annoncé pour le 17 juillet prochain. Il est d’avance mal perçu par les acteurs locaux de l’eau. A la tête de la FEP, Christophe Lime, maire adjoint de Besançon (Doubs) en charge de l’eau et de l’assainissement, détaille leurs craintes : « Très partagées sur le terrain, elles portent sur la vision donnée des services de l’eau. Certains d’entre eux sont en difficulté mais d’autres se portent très bien, assurent un service de qualité et peuvent être solidaires des plus fragiles – ce que ces assises ont tendance à occulter. »
Plusieurs syndicats des eaux ont appuyé ce propos. Par exemple celui de la Collectivité Eau du Bassin Rennais, une SPL dont le président, Yannick Nadesan, estime que « le retour d’une gestion publique de l’eau a permis dans ce bassin d’optimiser les investissements et de générer des économies qui sont réinjectées dans le service ». Le processus de professionnalisation a gagné ces structures : « Nous avons une vision entrepreneuriale, priorisons les investissements, préparons par exemple ceux que nécessiteront les stations d’épuration de troisième génération », illustre Denis Hommel, président du Syndicat des eaux et de l’assainissement Alsace-Moselle (SDEA).
Pour ces acteurs locaux et la FEP, la mobilisation des assises se résume à un plan d’investissements dans les canalisations qui occulte les autres enjeux de l’eau et de l’assainissement. « Or ce renouvellement est loin d’être le seul objectif des services d’eau et d’assainissement. C’est important mais pas forcément la priorité et nous ne voulons pas que des investissements nous soient imposés d’en haut au détriment des autres à réaliser », défend Christophe Lime.
Pilotage local
La FEP réclame qu’il soit laissé aux élus locaux la possibilité de définir les enjeux prioritaires en adéquation avec le contexte local. « L’eau ne se résume pas à des tuyaux. En aligner sans cerner et répondre aux besoins des territoires ne sert à rien », rebondit Yannick Nadesan. Même son de cloche dans l’Aube où le Syndicat départemental des eaux (SDDEA), à qui la ville de Troyes vient de transférer la gestion de l’eau depuis peu en régie, demande par ailleurs une pause législative et réglementaire : « Les textes n’ont cessé d’évoluer. Il nous faut du temps pour digérer les dispositions de la loi Notre », relève son président Nicolas Juillet.
Autant de positions affinées dans le livre blanc que la FEP diffuse à cette occasion. Elle y liste une quinzaine de propositions, par exemple pour sécuriser les régies communes d’eau et d’assainissement. Gérer les deux au sein d’une même entité serait source d’efficience. Maintenir deux régies et doublonner les procédures, outils et personnels sont des démarches allant à l’encontre des objectifs de rationalisation pourtant défendus par le gouvernement. La possibilité de créer des régies multi-services et multi-compétences environnementales est demandée. Notamment pour optimiser la productivité de ces structures et consolider leur assise financière : « C’est le cas à Rennes, nous ne pouvons pas intervenir sur les réseaux d’eaux des centres universitaires et CHU, leur proposer des prestations de travaux et donc valoriser des moyens dont nous disposons et améliorer notre équilibre financier », indique Yannick Nadesan. Ce livre blanc invite aussi à conforter les agences de l’eau dans leurs missions actuelles et en tant qu’actrices de la mise en œuvre des politiques de l’eau : « L’Etat parle d’augmenter les investissements dans les réseaux mais la ponction sur le budget des agences est en totale contradiction avec cette ambition. » Leurs budgets sont en effet sous forte contrainte et ces agences n’ont d’autre choix que de réduire les aides aux collectivités ou à les orienter vers le grand cycle au détriment du petit. « Sous-investir dans l’un pour mieux investir dans l’autre n’a guère de sens car les deux sont intimement liés », lit-on dans ce livre blanc.
A noter que la Coordination Eau Île-de-France et la Coordination Eau bien commun France ont été auditées pour la rédaction de ce livre blanc.
Voir aussi la lettre ouverte des associations:
Pour des assises de l’eau transparentes
A lire sur le site de France Eau Publique: