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Il est urgent que l’Etat réconcilie la politique de l’eau et la politique agricole

Une tribune d’Anne Le Strat (adjointe au maire de Paris, chargée de l’eau, présidente d’Eau de Paris et Aqua publica europea) publiée dans Le Monde du 20 septembre 2013.

Rarement autant d’études et de rapports auront été publiés en une année pour analyser la politique de l’eau en France. Il faut dire que les enjeux sont de taille : dégradation de la qualité des ressources, conflits d’usages, problèmes de financement, manque de régulation et de contrôle démocratique. Autant de sujets qui devront être discutés lors de la conférence environnementale. Car, au regard du bilan, le modèle français de l’eau, tant vanté par certains, montre ses limites.

Un des défis majeurs concerne la qualité de la ressource. Depuis quarante ans, on constate une très nette régression des pollutions industrielles, domestiques et urbaines, mais un accroissement des pollutions agricoles et d’élevage liées aux nitrates et pesticides. Le constat est alarmant : 90 % des cours d’eau du pays connaissent, selon le Commissariat général au développement durable (CGDD), une « présence généralisée » de pesticides, et il est évident que nous ne pourrons pas atteindre le bon état écologique des masses d’eau d’ici à 2015, objectif assigné par la directive-cadre européenne sur l’eau, pour deux tiers d’entre elles. Un contentieux communautaire est en cours contre la France pour non-respect de la directive nitrates.

CAPTAGES DEVENUS IMPROPRES

Or ces pollutions diffuses ont de lourdes conséquences sur la santé publique. Elles ont également un coût colossal qui pèse en grande partie sur les ménages et conduisent à investir dans des usines de dépollution, quand elles n’obligent pas à l’abandon de captages devenus impropres à la production d’eau potable. Le coût complet du traitement annuel de ces excédents d’agriculture et d’élevage dissous dans l’eau serait supérieur à 54 milliards d’euros selon le CGDD, qui estime que ces pollutions agricoles génèrent sur la facture d’eau des dépenses supplémentaires comprises entre 640 et 1 140 millions par an, soit de 6,6 % à 11,8 % de la facture d’eau des ménages, en contradiction avec le principe pollueur-payeur.

Cette situation est le résultat de décennies d’encouragement au productivisme avec des pratiques marquées par le choix d’une agriculture intensive, et aussi d’une obstination à régler le problème de la pollution de l’eau dans une logique curative plutôt que préventive. Cet état de fait est aussi le fruit d’une carence démocratique au sein des comités de bassin des agences de l’eau qui font la part belle aux intérêts des représentants de l’industrie et de l’agriculture conventionnelle au détriment des usagers domestiques et des associations.

Alors qu’ils sont les principaux contributeurs financiers, les usagers représentent moins de 10 % des membres et ne peuvent donc influer sur les grandes orientations des programmes d’action.

Il est urgent d’inverser la tendance et de réconcilier politique de l’eau et politique agricole, en liant logiques économiques et environnementales. Il faut revoir nos instruments d’intervention, adapter nos leviers fiscaux et rendre plus efficaces nos outils de financement afin de promouvoir des pratiques agricoles compatibles avec la protection des milieux et des ressources aquatiques. Privilégions, au niveau des agences de l’eau, les politiques préventives pour maintenir une activité agricole sur le territoire tout en préservant la ressource à des coûts moindres. D’ores et déjà, des expériences en France et ailleurs ont démontré la pertinence de ce modèle préventif. Mais ces expériences locales ne font pas une stratégie nationale. Il est impératif de changer d’échelle et de passer à une agroécologie « systémique ».

FAIRE ÉVOLUER LA FISCALITÉ

Trois outils d’intervention peuvent être mobilisés. Tout d’abord, le projet de loi de finance 2014 doit donner un signal clair en faisant évoluer la fiscalité de l’eau, avec une augmentation de la fiscalité sur l’azote et de celle sur les pesticides. Les ressources complémentaires dégagées seraient affectées à des changements de pratiques culturales.

Il est ensuite essentiel de valoriser l’important service environnemental rendu par les agriculteurs, lorsque les modes d’exploitation respectent le milieu naturel. Cela passera par des aides financières en contrepartie d’une modification des pratiques agricoles. Il faut engager le budget du deuxième pilier de la politique agricole commune qui soutient les futurs programmes d’action agri-environnementaux, pilotés au niveau régional. Leur succès requiert que les collectivités et leurs services d’eau soient associés à leur conception et à leur négociation.

Mais, face au rouleau compresseur que représente en France le premier pilier de la PAC consacré au soutien à la production, il est enfin urgent d’imaginer d’autres outils financiers. Cela pourrait passer par des formes de contractualisation entre les collectivités et le monde agricole engagé dans des démarches d’innovation agronomique préservant les ressources en eau.

Nombreux sont les acteurs prêts à expérimenter des dispositifs garantissant le maintien d’une activité agricole dynamique et génératrice de revenu tout en concourant à la protection de la qualité de l’eau. Mais seul l’Etat peut impulser une stratégie à la hauteur du défi, et en rupture avec les choix passés. C’est en ayant le courage de remettre en cause le modèle français de l’eau que demain nous répondrons aux exigences d’une politique de l’eau novatrice et démocratique. C’est l’un des grands enjeux de cette conférence environnementale.

Veolia quitte Berlin : « plan d’économies » ou remunicipalisation ?

Le géant français de l’eau a annoncé publiquement avoir trouvé un terrain d’entente avec les autorités berlinoises pour leur revendre ses parts dans le service de l’eau de la capitale allemande. Un accord présenté par Veolia et par la presse française comme une contribution au « plan d’économies » du groupe, mais qui cache bel et bien une remunicipalisation du service de l’eau, obtenue de haute lutte par les citoyens berlinois.

Le contrat initial, signé en 1999, représentait le plus important partenariat public privé (PPP) de l’histoire, en Allemagne. Il avait été conclu dans des conditions particulièrement opaques : Veolia était associée à l’entreprise énergétique allemande RWE et, au départ, à l’assureur Allianz. À l’origine, la teneur du contrat était maintenue secrète, sans doute parce qu’il offrait des conditions particulièrement favorables aux partenaires privés en termes de profits garantis.

Face à l’augmentation des prix, les citoyens berlinois ont organisé un référendum populaire, en 2011 (une possibilité prévue par la constitution berlinoise), malgré l’opposition acharnée des gouvernants de la ville. 660 000 Berlinois, soit plus d’un quart de l’électorat, ont pris part à ce vote, se prononçant massivement pour la divulgation des contrats et le retour sous régie publique. Commission européenne et Commission allemande de la concurrence s’en sont également mêlées. Cette dernière a estimé que le contrat signé avec Veolia violait la loi allemande, et a imposé une baisse de 18% du prix de l’eau.

La ville-État de Berlin – aujourd’hui à nouveau gouvernée par une « grande coalition » entre socio-démocrates et conservateurs – a finalement cédé à la pression. Elle a décidé de remunicipaliser le service, à l’image de la capitale française et de nombreuses villes européennes. C’est RWE qui a fait le premier pas, en 2012, en revendant ses 25% de parts dans le service de l’eau berlinois, malgré les pressions et recours judiciaire de Veolia.

L’entreprise française va finalement vendre ses 25% de parts restantes dans Berlinwasser pour 590 millions d’euros. A cela s’ajoutent 54 millions supplémentaires liés à des opérations financières diverses. Le groupe omet toutefois de préciser qu’il s’est battu bec et ongle contre la remunicipalisation. Il présente désormais cette opération comme une contribution à son repositionnement stratégique et au « plan d’économies » global qu’il a lancé pour éponger sa dette – une version largement reprise par la presse française.

Porte-parole des opposants à la privatisation, la Berliner Wassertisch ou « Table-ronde berlinoise de l’eau » s’est félicitée du départ définitif de Veolia, mais estime que la somme consentie à la firme française est trop importante. Les militants craignent qu’elle pèse sur la gestion du service pendant de nombreuses années. Cela empêcherait notamment une future baisse du prix de l’eau, ce qui s’est produit à Paris, suite à la remunicipalisation. Les militants estiment que Veolia et RWE ont déjà engrangé suffisamment de profits, depuis 1999, grâce à la hausse des prix et à la réduction drastique des effectifs, des travaux de maintenance et des investissements effectués.

L’Allemagne connaît depuis quelques années un vigoureux mouvement de remunicipalisation des services publics. Le 3 novembre prochain, les Berlinois se prononceront dans le cadre d’un nouveau référendum populaire sur le retour en régie publique de leur réseau de distribution d’électricité.

La « Table-ronde berlinoise de l’eau » ne compte d’ailleurs pas en rester là. « Maintenant, nous devons contrôler et pousser vers l’avant nos politiciens », déclare Dorothea Härlin, membre fondatrice de la Table-ronde. « Nous devons les empêcher de poursuivre la gestion de l’eau orientée vers les profits qui a si longtemps prévalu ici. C’est pourquoi la Table berlinoise de l’eau a déjà publié l’ébauche d’une ‘Charte berlinoise de l’eau’ comme instrument participatif de démocratie directe, en vue d’une gestion démocratique, transparente, écologique et sociale de l’eau à Berlin. »

Olivier Petitjean dans l’observatoire des multinationales

 

Schistes: une brigade de clowns s’invite au Conseil Constitutionnel

Ce mardi 24 septembre, vers 12h30, une brigade de clowns sort de la bouche de métro devant la Comédie Française.

Ils sont venus demander audience au Conseil Constitutionnel qui examine la Question Prioritaire de Constitutionnalité posée sur la loi du 12 juillet 2011 (dite loi Jacob) qui interdit la fracturation hydraulique en France.

Clowns against shale gas drilling

Les clowns, très rapidement encerclés par des policiers, ne pourront pas atteindre le Conseil Constitutionnel. Ils délivrent leur message, extrêmement cynique comme à leur habitude, devant la Comédie Française – ce qui n’est pas moins symbolique après les actions des « dindons de la farce » du dimanche précédent (voir >>> ici).

Tarifs et compteurs

Communiqué de l’Association pour le retour de l’eau en régie publique dans la CAMY.

Depuis juillet 2011, les délégataires privés chargés de la distribution de l’eau potable (Veolia et Suez) ont été amenés à concéder des baisses significatives sur le prix de l’eau (abonnement et tarif 1 – les 49 premiers m3) dans le périmètre de la CAMY d’avant le 1 er janvier 2013. 

Ceci s’applique pour tous les particuliers qui disposent d’un compteur individuel et d’un abonnement.

Mais un certain nombre de copropriétés ou d’immeubles collectifs qui ne disposent que d’un seul compteur pour tout l’immeuble se retrouvent lésés par cette disposition !

Car, si un seul abonnement leur est facturé (soit 20 € par an environ), en revanche, le tarif réduit ne leur est appliqué que pour les 49 premiers m3 pour tout l’immeuble, soit 1 seul m3 par appartement pour un immeuble qui comporterait 50 appartements, par exemple !

Dans ce cas d’espèce, le manque à gagner pour chacun (différence entre 48 m3 au tarif 2 et 49 m3 au tarif 1)  peut être évalué à environ 50 €, auxquels s’ajoutent les frais réclamés par le syndic qui facture les services d’une société spécialisée (jusqu’à 65 € par an) pour le relevé des indices individuels – alors que c’est normalement le travail du syndic pour la répartition des charges !

Or la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et milieux aquatiques prévoit :

« Dans toute construction d’immeuble neuf, un compteur d’eau froide sera posé dans chaque appartement ainsi qu’un compteur dans les parties communes. La loi permet aussi, pour les immeubles déjà construits, le vote par la majorité des membres du syndicat de copropriété pour l’individualisation des contrats de fourniture d’eau et la réalisation des études et travaux nécessaires à ce projet ».

En application de la loi citée ci-dessus, l’AREP-CAMY considère que, dès lors que l’immeuble dispose d’un compteur pour les parties communes d’une part, et de compteurs individuels, d’autre part, chaque appartement doit être considéré comme un « abonné » responsable de sa propre consommation et disposer des mêmes dispositions tarifaires que les pavillons individuels.

 

L’AREP-CAMY alerte les autorités (CAMY, délégataires, municipalités…) pour que ce problème soit examiné et résolu dans l’intérêt des habitants – locataires ou propriétaires – concernés.

L’AREP-CAMY invite les copropriétés concernées à entamer les démarches nécessaires auprès de leur syndic pour qu’il en soit ainsi et que le relevé des compteurs soit effectué gratuitement par le délégataire sans charge supplémentaire.

L’AREP-CAMY, le 12 septembre 2013

Lire aussi pas de tarif réduit pour les copros « pas de tarif réduit dans les copros » dans le Courrier de Mantes du 18 septembre 2013.

 

 

 

 

NB: ce cas particulier, dans le contexte d’une forte baisse de l’abonnement et tarifs gagnée par les usagers avec l’AREP-CAMY, ne doit pas cacher qu’en général, les usagers n’ont pas intérêt à l’individualisation des contrats qui se traduit par un abonnement pour chaque usager au lieu d’un abonnement collectif, donc une augmentation importante pour le plus grand bénéfice des multinationales de l’eau.

Schistes : Josh Fox en Seine et Marne

« Mon premier film était sur le gaz qui met le feu aux maisons, celui-ci est sur l’industrie qui met le feu à notre démocratie. » Rencontre à Jouarre des militants franciliens contre les gaz et pétroles de schiste, avec Josh Fox, réalisateur de Gasland

Jeudi 5 septembre à Jouarre, à un kilomètre de la plateforme de forage de la Petite Brosse (coordonnées GPS: 48°52’51 N, 3°4’26 E), les membres du collectif fertois contre les gaz et pétroles de schiste sont impatients ! Ils attendent Josh Fox, réalisateur de Gasland et du tout récent Gasland II, dont il vient faire la tournée de promotion en Europe.

Les membres du collectif et les militants franciliens qui les ont rejoint sont émus de rencontrer le réalisateur du film sur lequel se sont appuyées les premières actions visant à sensibiliser le grand public et attirer l’attention sur les dangers de la fracturation hydraulique.

Une fois Josh arrivé et nourri, commence un jeu d’interviews croisées. Les journalistes interrogent Josh Fox, sur son nouveau film, sur sa relation aux militants pour qui son premier film a été un outil essentiel, sur une future sortie « officielle »… Les militants, eux, demandent des nouvelles du front étatsunien et l’avis de Josh sur les évolutions possibles des stratégies énergétiques et climatiques. Josh, lui, ne sait pas grand chose de la situation en France. Curieux, il cherche à comprendre le contexte politique. Une question le tracasse : « Mais votre président, Hollande, il a bien dit qu’il n’y aurait pas de fracturation sous son mandat !? »

Questions des journalistes sur le film. Josh nous explique qu’avec Gasland II il a voulu explorer plus à fond les questions que le dossier gaz et pétroles de schiste soulève sur les processus démocratiques : la facilité avec laquelle les compagnies pétrolières et de forage réussissent à contourner ces processus, les difficultés des citoyens à être réellement représentés à tous les niveaux politiques. « Le premier film était sur le gaz qui met le feu aux maisons, celui-ci est sur l’industrie qui met le feu à notre démocratie. » Selon Josh, la démocratie est devenu inefficace dans son rôle de représentativité et tant que nous ne sortons pas de l’ère des hydrocarbures, il en sera ainsi : les enjeux financiers et le pouvoir des pétroliers sont bien trop grands.

Mais la persévérance et l’application des militants à faire valoir les intérêts des citoyens et à mettre à jour la vérité sur les vrais impacts écologiques – bien plus graves que ce qu’on veut nous faire croire – et économiques – bien moins positifs que ce qu’on nous vante, nourrit l’espoir et amène des victoires…

Au fil de la discussion, les militants français et Josh découvrent que leurs territoires, la Seine et Marne et la Pennsylvanie, sont visés par la même compagnie : Hess Oil. Josh nous annonce joyeusement que dans son district, ils ont réussi à mettre Hess dehors ! Militants et citoyens touchés par les dégâts de la fracturation hydraulique ont créé un contexte politique défavorable aux activités de Hess. Une grande victoire pour ce territoire ! Et la question de Josh revient : « Mais vous, votre président Hollande, il s’est bien prononcé contre la fracturation hydraulique ? »

Et le contexte en France, alors ? 

A sa dernière intervention sur le sujet, le 14 juillet, le président a déclaré: « Tant que je suis président, il n’y aura pas d’exploration de gaz de schiste ». Cette déclaration a suscité bien des débats sur un possible lapsus avec le mot « exploitation ». On comprend pourquoi: vu la durée des phases d’exploration (permis pour 5 ans), et l’automaticité de fait du passage des permis exclusifs de recherche à des titres d’exploitations (concessions), les pétroliers veulent savoir ce qu’il y sous nos pieds et se tenir prêts… Pourtant la position de François Hollande est claire, il a déjà déclaré qu’il n’y aurait pas de fracturation hydraulique en France.

Le président a  laissé de côté la question du pétrole de schiste. Et c’est bien le pétrole de schiste, aussi appelé huile de roche mère, qui est visé par les prospecteurs en Seine et Marne. Détail intéressant, en attendant d’obtenir son titre d’exploitation, en phase de recherche, l’industriel a le droit de vendre les substances extraites ! Quelle différence alors entre l’exploitation et l’exploration? Les taxes : les produits sont bien moins taxés en phase de recherche qu’en phase d’exploitation…

Et si l’on considère la lourdeur des investissements pour le forage en phase de recherche (même technique qu’en phase d’exploitation), il peut devenir très coûteux pour l’Etat de ne pas attribuer systématiquement le permis d’exploitation. Les industriels ayant réalisé des investissements attendent un maximum de retours qui ne peuvent venir qu’avec la vente de tous les hydrocarbures visés… Ou des poursuites judiciaires qu’ils n’hésitent pas à lancer contre les Etats qui leur refuseraient les concessions après les avoir laissé prospecter ! CA des ventes ou indemnités, les pétroliers y trouvent toujours leur compte.

Et Josh tombe bien, l’actualité toute fraîche du dossier en France est brûlante. Si l’opinion publique, endormie par une loi qui interdit la fracturation hydraulique adoptée en 2011, ne s’inquiète pas plus que ça des dangers écologiques et économiques et des rapports de force en jeu, les militants eux sont sur le qui-vive.

Jusque là, les annonces politiques sous Sarkozy, comme sous Hollande, en défaveur du développement des activités schisteuses en France, sont des outils puissants pour les militants. Logiquement, leur action citoyenne se situe du côté des majorités successives qui sont d’accord sur ce dossier. Mais, suite à une « Question Prioritaire de Constitutionalité » posée par la société américaine Schuepbach relative à la loi Jacob du 13 juillet 2011, qui interdit la fracturation hydraulique en France, le Conseil Constitutionnel doit se prononcer: la loi Jacob sera-t-elle déclarée constitutionnelle ?

Le rapport de la QPC est attendu le 24 septembre et la décision du CC devra être prise avant le 10 octobre. Si la loi est jugée non constitutionnelle elle tombe, et si elle tombe, tous les arrêts fondés sur cette loi, annulations de permis, blocages et rejets de demandes, tombent automatiquement. Et ce malgré l’opposition affichée du gouvernement à l’exploitation des gaz de schiste.

Ce qui signifie que la foreuse de Jouarre, pourrait bien commencer à forer horizontalement (ce qu’elle fait peut-être déjà, c’est en fait difficile à vérifier) et à « stimuler » la roche par la fracturation hydraulique, avant de se déplacer pour forer ailleurs. Le permis qui concerne ce forage, dit « permis de Château Thierry », a été délivré pour un territoire d’une superficie de 779 kilomètres carrés environ. Sous nos pieds, bien avant la roche mère qui enferme, avant fracturation de manière étanche, le pétrole de schiste, une vaste nappe phréatique, qui alimente en eau potable l’Est du bassin parisien est menacée.

Ailleurs en France des permis ont été délivrés pour le gaz de couche, dernier avatar des explorateurs. Il se situe en dessous du gaz de houille ou gaz de mine des anciennes mines de charbon. Et il nécessite la fracturation hydraulique. Des centrales sont déjà en projet pour produire de l’électricité avec le gaz de mine, qui est extrait en phase un mais s’épuise rapidement. Il semble donc inévitable que le gaz de couche lui succède pour alimenter ces centrales…

Pour forcer la fracturation hydraulique malgré les réticences politiques, les compagnies ont donc une double stratégie de brouillage de pistes en jouant sur les mots: huile de roche mère, gaz de couche, gaz de mine, gaz de houille, gaz de schiste, pétrole de schiste, exploration, exploitation, recherche ; et de fait accompli – une fois les investissements engagés l’Etat a mieux fait de délivrer des permis que de subir des procès et payer des indemnités.

Si ces réticences sont réelles, alors les citoyens et militants qui veillent, luttent, étudient, demandent des comptes, ne font rien moins qu’aider l’Etat et ses gouvernements à mettre en oeuvre une volonté qui s’exprime au sein même de notre démocratie.

Et au fait quels sont les risques ?

La mobilisation est forte en Seine et Marne. Mais c’est en fait une grande partie de l’Est du bassin parisien dont l’eau potable risque d’être polluée. En plus des fuites inévitables sur les tubes de forage qui traversent de nombreuses couches géologiques, des nappes phréatiques de basse profondeur et d’autres en dessous, il faut s’attendre à des remontées des boues de forage dans ces mêmes nappes où est captée l’eau potable.

Autre conséquence incontrôlable : après la fracturation, c’est-à-dire l’envoi de liquide à très forte pression pour briser la roche mère et libérer le gaz et le pétrole prisonniers des couches de schiste auparavant étanches, la pression exercée provoque la migration des fluides de forage et de fracturation polluants vers des couches voisines et leur remontée par des failles naturelles ou des failles créées par la fracturation.

On sait de plus que la rencontre dans le sous-sol des éléments chimiques et radioactifs présents avec les composés chimiques contenus dans les fluides de forage et de fracturation donnera naissance à de nouveaux composés chimico-radioactifs qui peuvent eux-mêmes remonter par le puits de forage et migrer dans le sous-sol vers d’autres couches.

Avec une telle actualité, les occasions de nous exprimer sur le sujet et pour les Franciliens de réagir ne devraient pas manquer! 

La voie est libre …pour la gestion publique

Est Ensemble (1) a signé un accord de coopération avec la ville de Paris dont le premier point porte sur l’eau et ouvre grand la porte à une alternative publique pour la gestion de l’eau dans l’est parisien. Paris s’engage à faciliter les études, à prêter son assistance technique et même à envisager les modalités de création d’un syndicat mixte si, bien sûr, Est Ensemble en fait la demande.

 

Grâce à l’action des citoyens avec la Coordination EAU Île-de-France, l’adhésion d’Est Ensemble au SEDIF (Syndicat des eaux d’Île-de-France, étroitement lié à VEOLIA) a été cassée par le tribunal administratif. Le SEDIF assure encore, de fait, la distribution d’eau, mais les dirigeants d’Est Ensemble peuvent à tout moment choisir une autre solution, s’ils en ont la volonté.

 

Les conditions sont donc réunies pour tirer un trait sur le choix désastreux de 2010 d’adhérer au SEDIF et pour s’engager dans la voie d’un partenariat public-public et aussi gagnant-gagnant avec Paris. Est Ensemble a tout intérêt à s’appuyer sur un partenaire aussi solide que la ville de Paris qui a, sans conteste, réussi le passage en régie. Et Paris a intérêt à  utiliser davantage ses capacités de production, devenues excédentaires avec la baisse constante de la consommation, et à améliorer encore son bilan économique dans l’intérêt des usagers.

 

Encore faut-il que les élus l’empruntent

« Je suis favorable à une gestion publique de l’eau » affirme le président d’Est Ensemble. Très bien, alors maintenant, passons aux actes ! Pas question d’attendre jusqu’en 2023, l’impossible retour à une gestion publique du SEDIF qui sera alors lié depuis un siècle à Véolia. Le passage à une gestion publique peut être rapide : 18 mois à Paris ! Pas question non plus, après des dizaines d’années de surfacturation des usagers, de payer un « droit de sortie » au SEDIF, comme le suggère l’interminable et coûteuse étude menée pour Est Ensemble. Les frais éventuels devront être assumés de façon équitable entre la future régie d’Est Ensemble et le SEDIF.

 

 

Encore faut-il que les citoyens les y engagent

 

A quelques mois de l’élection des conseillers municipaux et communautaires, les citoyens peuvent se faire entendre en s’adressant aux différentes listes et en leur réclamant des engagements forts. Si tout le monde se prononce pour la gestion publique, qui est prêt à créer dès maintenant la régie publique de l’eau d’Est Ensemble et à s’engager à la mettre en place au cours du prochain mandat ? Cette simple question devrait suffire à départager discours politiciens et intentions vérifiables. Ce sera le marqueur du changement à Est Ensemble pour les citoyens.

 

(1) Est Ensemble regroupe les communes de Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré Saint Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin et Romainville.

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