Archives de catégorie : Droit à l’eau & Tarification

Faut-il rendre le prix de l’eau équitable?

Un point de vue d’Henri Smets, président de l’ADEDE, membre de l’Académie de l’eau.

« Notre société est ainsi faite qu’elle tolère que plus de 20% de l’eau distribuée soit perdue dans les fuites de réseaux de distribution mal entretenus mais n’accepte pas qu’un petit 1% de l’eau soit donnée à des personnes en situation de précarité au lieu d’être vendue. Elle paye l’eau potable pour préserver la santé des plantes dans les jardins publics ou nettoyer les rues mais pas l’eau pour préserver la santé des personnes sans revenus ou pour leur permettre de conserver un peu de dignité.

L’eau potable est trop souvent conçue comme une simple marchandise uniquement destinée à ceux qui peuvent la payer alors qu’elle est le patrimoine de la nation, c’est-à-dire un bien collectif destiné à tous sans exception. Bien sûr que les distributeurs d’eau doivent être rémunérés pour le service qu’ils fournissent mais cette rémunération doit être fixée et répartie par la puissance publique et non par le marché, a fortiori par un marché parfaitement monopolistique où le client ne peut exercer aucun choix.

Les tarifs de l’eau comme ceux des cantines scolaires doivent être suffisants et équitables, ce qui ne signifie pas qu’ils doivent être le même pour tous. D’ailleurs, le fait que les plus gros consommateurs d’eau payent souvent l’eau au tarif le plus faible montre que le principe de l’égalité des prix de l’eau pour tous ne constitue pas une obligation intangible.

Il est temps de concevoir des tarifs de l’eau plus équitables, des tarifs qui privilégient les ménages et non les entreprises, les déshérités et non les nantis. Il est temps de dévoiler que l’eau n’est pas vendue à tous au même prix.

Plusieurs dispositions de la loi peuvent permettre de changer les tarifs.

  • Tout d’abord, la loi admet que le prix à payer est fixé pour chaque catégorie d’usagers et il est aussi admis que les ménages peuvent faire l’objet d’un tarif particulier. Qu’attend on pour mettre en place un tel tarif ? Qu’attend-on pour prévoir, par exemple, une tranche d’eau à bas prix pour les ménages, tranche dont ne bénéficieraient pas les professionnels?
  • La loi permet de limiter cet avantage aux résidences principales. Qu’attend-on pour traiter différemment les résidences principales et les autres locaux (résidences secondaires, locaux professionnels, etc.)?
  • La loi Brottes permet de concevoir des tarifs sociaux, c’est-à-dire des tarifs réduits pour les plus démunis. Cette mesure est en vigueur depuis plusieurs années pour l’électricité et le gaz. Qu’attend on pour en faire de même pour l’eau? Ce n’est pourtant pas si difficile puisque Dunkerque l’a fait.
  • La loi permet d’attribuer des chèques eau aux plus démunis, afin de leur permettre de payer leur eau. Cette solution est également prévue pour l’énergie. Plusieurs délégataires ont déjà mis en place ces chèques eau dans une cinquantaine de municipalités. Qu’attend pour généraliser cette approche à toute la France?

Faut-il que le Parlement légifère pour que les maires prennent enfin conscience que l’unicité des prix de l’eau dans une commune est un mensonge et qu’ils ont d’ores et déjà la possibilité de prendre de nombreuses mesures pour que l’eau soit disponible pour tous les ménages à un prix véritablement équitable. Faut-il une instruction du Gouvernement pour qu’ils fassent preuve de créativité en matière tarifaire ? Pour mettre en place des tarifs adaptés à leur contexte particulier, il leur faudra tout simplement ouvrir le dossier du prix de l’eau , cesser de se complaire dans la tradition et… mettre fin à certains privilèges. Il faudra traiter les usagers en fonction de leurs caractéristiques propres et pas comme de simples numéros. Il leur faudra prendre en compte le nombre de logements derrière chaque compteur, voire le nombre de personnes domiciliées et pas seulement le débit souscrit ou le volume consommé. Ce n’est pas si difficile à faire et cela se fait déjà dans tous les services de l’eau dans de nombreux pays. L’important n’est pas la précision de la démarche mais l’intention de tenir compte des caractéristiques changeantes des ménages.

Sans attendre des changements tarifaires qui prendront du temps, il convient de parer au plus pressé et éviter que certaines personnes, les plus pauvres, ne soient tenues de consacrer à l’eau une part trop importante de leurs revenus. A cette fin, la Proposition de loi « visant à la mise en oeuvre effective du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement » vise à la mise en place d’une aide préventive pour l’eau qui allègera la facture d’eau des plus démunis, soit plus de 800.000 ménages. Cette PPL N° 1375 présentée par les députés de cinq partis clarifiera la portée de l’article 1 de la loi LEMA de 2006 qui instaure le droit à l’eau à un prix abordable pour tous. Le changement promis ne serait-ce pas qu’un droit affirmé en 2006 soit enfin défini en 2015 dans la perspective de sa mise en œuvre en 2018, voire plus tard? La patrie des droits de l’homme ne pourrait-elle montrer que le droit à l’eau est plus qu’un slogan et qu’il peut même être garanti. »

Prix de l’eau, charges, facture et compteur… KéSAKO?

robinetCYCLE DE RENCONTRES-DÉBAT
Jusqu’au 12 mai 2014

Apportez vos factures et vos questions !

Qu’il s’agisse de factures d’eau ou de charges locatives, de compteurs individuels et/ à télé-rélève, vous êtes nombreux à nous interroger au sujet de la tarification de l’eau. Comment le prix de l’eau du robinet est-il calculé? Comment fonctionne mon compteur d’eau? Quels sont mes droits, quels sont mes devoirs?

À partir de vos questions, nous interrogerons les technologies et les lois, ainsi que le système de tarification et de partage de l’eau du robinet.

FAQ : réponses aux questions les plus souvent posées >>>ICI
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PROCHAINS RDV :

Mardi 13 mai, 19h
Eau du robinet : qui décide?  
Un panorama des institutions de l’eau, ici et ailleurs : qui décide, qui fait quoi? Sommes-nous des consommateurs, des usagers, des bénéficiaires, des acteurs…? Quels sont nos droits?
Avec Francesco Staro, chercheur à l’Université Paris 8 .

Où : espace Comme vous émoi, 5 rue de la Révolution, Montreuil M° Robespierre
Suivi d’un apéro auberge espagnole

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Veolia sèche le tribunal

Capture d’écran 2014-01-23 à 16.11.42Est-ce la honte? Veolia ne s’est pas présentée à l’audience des Prud’hommes prévue le 16 janvier dernier (et n’a même pas envoyé son avocat pour s’en excuser).  L’entreprise devait y retrouver son ex-salarié Marc, licencié en avril 2013 pour ne pas avoir coupé l’eau aux « mauvais payeurs ».

Le Collectif de l’Eau-Usagers d’Avignon a collecté et fourni au tribunal plusieurs témoignages de personnes qui ont eu l’eau coupée de façon brutale et indigne : c’est le cas, par exemple, d’une personne en fauteuil roulant, absente de son domicile pour hospitalisation au moment de la coupure…>>>Voir la vidéo ICI
En cas d’impayés, Veolia ne semble donc pas agir pour éviter les coupures ni pour aiguiller les personnes les plus fragiles vers les services sociaux adéquats.

L’audience est renvoyée au 6 mars à 14h. Le tribunal en restera-t-il au cadre étroit du contrat de travail ou sera-t-il sensible aux arguments des usagers? A suivre!

La solidarité de l’eau n’est pas un délit

En avril 2013, Marc, employé depuis vingt ans à Veolia eau a été licencié pour son refus de couper l’eau aux plus démunis (lire ICI le rappel des faits). Marc passe en audience pour les Prud’hommes au Palais de Justice d’Avignon le 16 janvier à 14h. L’union locale CGT du pays d’Avignon et le Collectif de l’eau – usagers d’Avignon  ont lancé une pétition pour le soutenir.

Voir la pétition ICI

Vous pouvez la renvoyer, une fois signée, au Collectif de l’eau, 7 impasse des fleurs, 84 000 AVIGNON.

Le Collectif de l'eau soutient Marc

Plutôt que de couper l’eau, suite à des impayés, Marc négociait avec les familles en difficultés, récupérait des chèques et leur conseillait de voir Veolia pour apurer leurs dettes. Il faisait le travail qu’on peut attendre d’un agent du service public. Mais voilà, quand elle est concédée à Veolia, la distribution de l’eau n’est plus un service public, c’est un commerce!

N’en déplaise à Veolia, l’eau est un droit humain et pas une marchandise: d’ailleurs, la loi Brottes interdit dorénavant les coupures d’eau. Marc a joué le rôle d’un lanceur d’alerte, anticipant l’évolution de la loi, il doit donc être réintégré!

Les mur’Eau obtiennent une baisse des prix et persistent…

illu-1024x633Grâce aux actions des habitants et à la pression exercée sur la municipalité par l’association les Mur’Eau (en savoir+), le Maire a dû négocier au plus juste et  proposer une baisse significative du prix de l’eau. Pour justifier à tout prix son choix d’une gestion par une multinationale, il minimise les dépenses d’investissement à un niveau si bas qu’il faudra plus de 100 ans pour rénover les 87 kilomètres de canalisation de la distribution d’eau sur la ville.

Mais il subsiste une exigence de fond formulée par les citoyens : l’eau n’est pas une marchandise. Sa gestion ne doit pas être source de profit.>>>lire l’article complet

 

Rapport Lesage et crise du modèle français de l’eau

Le rapport d’évaluation de la politique de l’eau en France, publié par le député Michel Lesage, dresse un bilan accablant de la situation. Mais les mesures proposées restent cosmétiques face à la crise structurelle du modèle français de l’eau. Tribune de Jean-Claude Oliva, publiée dans Reporterre.

En juin 2013, le député Michel Lesage (PS, Côtes d’Armor), a publié un rapport sur la politique de l’eau en France.

Dès la préface, il pose les limites de son exercice. Exemple significatif, « les activités agricoles, note le rapporteur, sont à l’origine de pollutions dans certaines régions et  mobilisent les réserves d’eau l’été pour irriguer les cultures ». Mais ce constat posé, il renvoie dos à dos deux positionnements antagoniques : « ceux qui souhaitent conditionner les aides agricoles aux changements de pratiques » et « ceux qui considèrent que les agriculteurs en situation de crise subissent déjà des règles, normes et zonages environnementaux excessifs ».

Cette absence de choix ne débouche sur rien de tangible : « affirmer une volonté et une mobilisation collective » en prenant… la Bretagne comme le bon exemple à suivre !  Pourtant la qualité de l’eau est particulièrement dégradée dans cette région où de nombreux captages d’eau potable ont dû être fermés ces dernières années. C’est la manifestation criante de l’échec du modèle français de l’eau, dénoncée par ailleurs par M. Lesage.

Celui-ci envisage cependant « une plus grande conditionnalité des aides et une fiscalité incitative » avec des propositions qui concernent les engrais azotés mais ne s’attaquent… ni aux pesticides, ni aux porcheries industrielles (dont le gouvernement a allégé le régime d’autorisation). A la décharge de M. Lesage, on notera qu’il est député des Côtes d’Armor, un département comptant neuf fois plus de cochons que d’habitants humains : ceci explique-t-il cela ?

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