Archives de catégorie : Batailles pour une gestion publique

Fin de partie au SEDIF

Le vote du Comité syndical du SEDIF le 24 juin désignant VEOLIA comme délégataire pour douze ans marque la fin d’une époque.

L’époque où, année après année, M. Santini justifiait de nouvelles hausses du tarif de l’eau est terminée. Le 1er janvier 2010 comme une dernière pirouette, il a concédé une baisse ridicule de trois centimes par m3, mais le 1er janvier 2011, la baisse atteindra près de 20% ! La « surfacturation » estimée par l’UFC Que Choisir ? à plus de 80 millions d’EUROS par an et avérée par les audits officiels du SEDIF à hauteur de 40 millions d’EUROS par an est à présent reconnue dans les faits et le contrat (et la facture des usagers) se verront amputés d’une somme équivalente. Cela légitime notre demande de remboursement des sommes indûment perçues par VEOLIA ces dernières années. Si M. Santini et le bureau du SEDIF étaient les représentants de l’intérêt général des usagers, ils exigeraient en notre nom ces sommes colossales qui nous ont été dérobées. Mais malgré toute son arrogance et même si le compte n’y est pas, M. Santini et ses amis ont cédé du terrain sous la pression des citoyens, des associations et des élus qui exigent une gestion publique, écologique et transparente de l’eau.

L’époque où toute la gauche -à de très rares exceptions près- cautionnait le système SEDIF-VEOLIA est, elle aussi, bien terminée. Le 15 mai 2008, sous la pression des nouveaux élus aux municipales, un candidat a été présenté contre M Santini pour défendre une gestion publique. Il a obtenu 55 voix. Il s’est trouvé encore 54 voix le 11 décembre 2008 pour rejeter la proposition par M. Santini d’une régie intéressée. C’est la défense de ses valeurs qui donne du poids à la gauche. A l’inverse, quand les vice-présidents socialistes et communistes du SEDIF, au nom de leurs groupes politiques respectifs, font marche arrière et cautionnent la démarche de M. Santini, allant jusqu’à s’abstenir sur le choix de VEOLIA le 24 juin 2010, cela les conduit à la déroute avec 22 voix ! Dix voix de gauche ont disparu car Viry-Châtillon et les villes de la communauté d’agglomération Est Ensemble ont préféré ne plus faire partie du SEDIF. Et 20 ont voté contre, parmi lesquelles il faut compter bien sûr de nombreux élus socialistes et communistes qui ont choisi de résister.

Et maintenant ? Il y avait hier un côté dérisoire et lamentable à voir le premier service public d’eau en Europe, confié à la plus grande multinationale de l’eau dans le monde, par une assemblée barricadée, devant …quelques dizaines de manifestants ! Le SEDIF apparaît comme une forteresse assiégée et surtout sclérosée. Les appels à le quitter se multiplient et cette possibilité doit être examinée sérieusement. Bien sûr, la Coordination EAU Île-de-France souhaite que tous les usagers domestiques de notre région bénéficient du même tarif et de la même qualité de l’eau qu’à Paris, par exemple. Logiquement, cela aurait plutôt du conduire à envisager un regroupement dans un opérateur public unique à terme… Mais si, face au verrouillage du SEDIF, il faut passer par la création de nouvelles entités publiques locales, allons-y ! Cela n’empêchera pas de construire des formes de mutualisation profitables aux usagers. Et c’est peut-être aussi le bon moyen pour les usagers de gagner toute leur place dans la gestion de l’eau.

Paris, Viry-Châtillon, Brest, Montbéliard… La liste des villes et des agglomérations qui retournent à une gestion publique de l’eau ne cesse de s’allonger ! Construisons ensemble la vague citoyenne qui amènera une gestion publique, démocratique et transparente, écologique de l’eau dans toute l’Île-de-France !

SEDIF, que faut-il de plus ?

Il y a un an, la coordination EAU Ile-de-France et une dizaine d’usagers ont déposé un recours au tribunal administratif de Paris contre la décision du Syndicat des eaux d’Ile-de-France (SEDIF) du 11 décembre 2008 de reconduire la régie intéressée comme futur mode de gestion du SEDIF. L’instruction de ce recours sera close le 12 février et la Coordination attend avec confiance les conclusions des magistrats : la décision mais aussi ses attendus présenteront un grand intérêt pour la suite de notre combat.

Depuis un an, les faits sont accablants : que faut-il de plus pour interrompre la mascarade SEDIF- Veolia ?

Le choix du délégataire se déroule loin des yeux des citoyens et de leurs élus. Les représentants au comité syndical ont pu consulter le cahier des charges de l’appel d’offres au siège du SEDIF pendant la semaine du 1er avril ! L’allotissement, un temps envisagé par M. Santini, a été enterré. La concurrence se réduit, une fois de plus, au duopole Veolia – Suez.

La rente des barons de l’eau continue de plus belle sur le dos des usagers. L’association UFC-Que Choisir avait évalué en 2008 la « surfacturation » de l’eau francilienne de 80 à 90 millions d’euros par an. Des audits commandés par le SEDIF lui-même ont conclu à des économies possibles de 40 à 45 millions d’euros par an. Royal, M. Santini consent à baisser en 2010 le tarif de l’eau (HT) de 1,76 € / m3 à 1,73 € / m3 soit 3 centimes d’euros ! De qui se moque-t-on ?

Les vases communicants fonctionnent bien entre des usagers ponctionnés de leur liquide et des actionnaires tout gonflés… La rente ne paiera pas le double salaire que M. Proglio a été contraint de lâcher. Mais peut-être sa retraite pour laquelle Veolia aurait d’ores et déjà provisionné 13,1 millions d’euros. Et certainement les dividendes des actionnaires : pour quel risque ? Pas la rupture des canalisations dont l’état est plus dégradé dans le privé que dans le public ; mais c’est la faute des collectivités, déclarent en chœur Veolia et Suez !

Veolia dans le collimateur de la justice avec la perquisition des locaux d’une de ses filiales, la SADE en décembre dernier. Ces investigations font suite à la saisine en septembre 2007 du Conseil de la Concurrence par l’UFC-Que Choisir. L’association de consommateurs s’étonnait des tarifs particulièrement élevés facturés au SEDIF pour le renouvellement des branchements en plomb. Le SEDIF se targue d’être au même niveau de prix que les autres maîtres d’ouvrage depuis 2006. Mais c’est entre 2001 et 2005 que 20 000 branchements ont été facturés au prix fort (1000 euros au-dessus du prix plafond fixé par l’agence de l’eau) à la collectivité, soit la bagatelle de 20 millions d’euros supplémentaires soldés par les usagers. Quelle gabegie !

La pression monte du côté des usagers et des élus. Le 4 décembre dernier, un collectif citoyen a occupé le siège du SEDIF, du jamais vu ! Les élus de l’Appel pour une gestion publique de l’eau ont été reçu à leur demande par la Haute autorité de la concurrence. A sa création, la communauté d’agglomération « Est ensemble » annonce ne pas ré-adhérer au SEDIF (dont ses 9 communes étaient membres à titre individuel auparavant) : cela représente 400 000 habitants, soit environ 10% des usagers du SEDIF ! C’est une claque pour M. Santini : sa gestion autocratique finit par menacer l’existence même du SEDIF.

Devant le fiasco de la gestion actuelle confiée par le SEDIF à Veolia, l’urgence est de revenir à une gestion publique et transparente de l’eau en Ile-de-France.

Le 4 février 2010

SEDIF: retour sur un vote à bulletins secrets

La question de savoir si les délégués au SEDIF ont quelque chose à se reprocher mérite d’être posée.


Car au-delà du résultat même du vote du 11 décembre 2008, il faut bien en convenir, le choix de procéder par bulletin secret ne peut pas satisfaire les usagers de l’eau.
Bien sûr, les partisans du vote secret ont de beaux et bons arguments. Ils en avancent trois : il est légal, républicain et libre.

Légal, parce qu’il est prévu dans les statuts ; c’était une possibilité offerte au président André Santini d’y recourir.

Républicain, parce que le secret du vote est reconnu en République.

Libre, enfin, parce qu’il permet à chacun des délégués de s’exprimer souverainement, en son âme et conscience, sans pression, sans peur de représailles. Comment alors pourrait-on le contester !

Mais justement, le vote public est tout aussi légal, républicain et libre !
Légal et républicain, cela ne fait aucun doute. Et libre, il ne l’est pas moins. Dans la mesure où les délégués du SEDIF représentant chacun une commune ne sont pas juridiquement parlant « en mission commandée » par leur ville, ils peuvent parfaitement voter librement, même contre l’avis majoritaire de leur propre assemblée communale, même contre la consigne de vote donnée par les groupes politiques auxquels ils appartiennent ou auxquels ils se réfèrent. Evidemment, c’est plus difficile car il faut assumer en toute transparence…

Mais alors, si le vote secret et le vote public sont l’un comme l’autre aussi légaux, républicains et libres, comment trancher ? Existe-t-il au moins un argument subsidiaire qui permettrait de retenir l’une ou l’autre procédure ? A vrai dire, il en existe trois qui plaident en faveur de la transparence du vote.

D’abord, le délégué est politiquement et moralement tenu de respecter les électeurs de la commune qu’il représente au SEDIF. Lors de la campagne des élections municipales en mars 2008, nombreux étaient les programmes à mentionner la politique à suivre au SEDIF, à savoir le choix d’un retour en régie publique directe. Il est donc politiquement correct que les électeurs sachent si leurs représentants vont dans le sens de ce qu’ils ont promis. En opérant ainsi, publiquement, par rapport à des engagements pris, les délégués seraient sortis de la légalité strictement formelle, motivant alors leur choix en combinant le « légalement correct » et le « légitimement responsable ». Et si d’aventure il leur arrivait de devoir se prononcer autrement que ce qui était annoncé et promis, qu’à cela ne tienne : puisque tout n’est pas écrit à l’avance, parce qu’il existe effectivement des imprévus, parce qu’aussi il n’est pas illégitime ni illégal de changer d’opinion après reconsidération, la procédure de la transparence reste vertueuse puisqu’elle permet de s’expliquer.

Le second argument décisif en faveur de la transparence du vote tient à des changements structurels dans la construction des opinions. L’époque est en effet révolue qui était celle de l’opacité et de l’indifférence à l’égard des faits et gestes des entreprises privées délégataires d’un service public. Les usagers, les électeurs, les citoyens veulent désormais comprendre ce qui se passe : c’est le juste retour du développement de l’éducation et des moyens d’information qui les rend, à bon droit, plus exigeants.

Enfin, le dernier argument en faveur de la transparence du vote renvoie à la conjoncture qui est devenue hyper-sensible à la gestion de l’eau. D’un côté, il y a l’eau comme enjeu social, avec l’inégal accès à cette ressource vitale ; de l’autre, il y a l’eau comme enjeu écologique avec la difficulté croissante de sa préservation. Il faut ajouter à cela les soupçons plus ou moins légitimes et avérés à l’encontre des firmes multinationales, suite à des enquêtes et rapports rendus publics depuis quelques années.

Il était donc manifestement malheureux de passer par le secret du vote qui, bien que légal, est de moins en moins légitime. Il alimente les soupçons à l’égard des entreprises privées comme Veolia, qui gère à des fins de profit un « bien commun de l’humanité », selon la formule désormais consacrée. Il alimente aussi la méfiance à l’égard de la politique en général et des délégués du SEDIF en particulier, dont on se demande bien ce qu’ils avaient à perdre à un vote public.

Charles Henry, Coordination Eau-Ile-de-France.