Cessons de faire de l’eau un marché
Communiqué de l’association Alerte générale sur l’eau (AGLEAU).
Le 2 juillet 2013, le Conseil communautaire de l’Agglomération de Cergy-Pontoise a décidé, à la majorité, de conduire jusqu’à son terme, le contrat de 30 ans, voté en 1992, confiant à Veolia la gestion de l’usine de traitement des eaux usées de Neuville-sur-Oise. Il eut été possible, en application de la loi Barnier de 1995 et de l’arrêt du Conseil d’Etat dit arrêt Olivet émis en 2009, limitant à 20 ans les contrats signés avant 1995, de remettre à l’étude ce contrat très ancien et dexaminer la possibilité de faire gérer un service public majeur par les pouvoirs publics eux-mêmes.
Ce choix n’a pas été fait. Et ce en fonction de deux arguments principaux : la Communauté d’Agglomération ne serait ni financièrement ni techniquement prête à assumer, actuellement, la charge dun passage à la gestion publique. On en restera donc à la gestion privée déléguée jusqu’en 2022 !
Dominique Lefèbvre, le député-président de la CACP (dans l’attente de la mise en oeuvre de la prochaine loi sur le non-cumul des mandats qui pourrait le concerner en 2017), s’exprimant sur VO News2, prétend, en effet, que « nous n’avons pas de fonctionnaires possédant la technicité nécessaire », (ce qui est fort humiliant à l’égard des agents des services publics capables de prouver leur savoir technique -notamment ceux du SIARP-) ! Il affirme, par ailleurs, qu« il y a un intérêt financier car une interruption avant le terme nous aurait obligé à payer une indemnité ». L’argument est incohérent ! Comme si cela ne devait pas nous coûter, à moyen et long terme, voire dès à présent (sur nos factures!), plus que des indemnités, même lourdes ! Sans compter, pour une collectivité, l’humiliation de devoir gérer sous la menace d’une éventuelle punition financière ! En réalité, cest une volonté politique qui s’est exprimée : celle de continuer à gérer aussi longtemps que possible l’Agglomération de Cergy-Pontoise par le biais de Délégations de Service Public (DSP), que ce soit Veolia ou Vinci qui en profite.
Dans son RAPPORT D’EVALUATION DE LA POLITIQUE DE L’EAU EN FRANCE, paru en ce début juillet 2013, Michel Lesage, Député des Côtes d’Armor, Parlementaire en mission auprès du gouvernement, écrit dans sa conclusion :
« Une véritable démocratie de l’eau reste à construire. Il faut promouvoir un large débat national afin de bâtir une vision partagée, développer une conscience collective sur la question de l’eau et identifier les grands enjeux qui s’y rattachent. Parce que l’eau est l’affaire de tous, elle doit concerner et préoccuper chacun. Sa gouvernance doit être rééquilibrée au profit des usagers domestiques et des élus pour aller dans ce sens ».
AGLEAU ne dit rien d’autre !
Oui, la démocratie de l’eau est insuffisante et « reste à construire ».
Oui, il faut «promouvoir un large débat national », parce que « les défis et les nouveaux enjeux liés à l’eau sont considérables » et parce que « le modèle français de gestion de l’eau inventé il y a plus d’un demi-siècle, s’il a permis des avancées, a aujourd’hui atteint ses limites».
Oui, « l’eau est l’affaire de tous » mais, dans la pratique, on en est loin encore…
Oui, « sa gouvernance doit être rééquilibrée au profit des usagers domestiques et des élus », car, à l’évidence, ce n’est pas encore le cas…
AGLEAU travaille à faire prendre conscience de ces évidences oubliées et se réjouit que des parlementaires s’y consacrent tout comme nous. Là est la cohérence : qu’il y ait, au niveau local comme au niveau de l’État tout entier, le même discours, celui non d’un « retour » vers le passé mais celui d’un « accès » actualisé à la gestion publique, dût-il être progressif.
En fait d’intérêt, nous estimons que le temps est venu où les usagers et les élus cesseront d’être, de fait, la chose d’entreprises dont la préoccupation ne peut être l’intérêt général ! Car cet intérêt général, aujourd’hui, c’est, tout à la fois, l’intérêt économique (un mètre cube d’eau de moins en moins cher), l’intérêt sanitaire (une eau protégée, de moins en moins polluée), l’intérêt européen (le « modèle français » favorisant de grandes entreprises privées est devenu obsolète), l’intérêt écologique (afin de préserver la ressource, sa qualité et sa distribution en période de bouleversement climatique) et, enfin, l’intérêt démocratique (afin que les usagers –et non les clients!- aient toujours leur mot à dire quand il s’agit de ce dont dépend leur vie quotidienne).
« Ce sont les collectivités locales, d’abord les communes et leurs groupements (EPCI), en lien avec les départements et les régions, qui doivent structurer la nouvelle gouvernance de l’eau, grâce à des outils adaptés » lit-on encore dans le rapport Lesage. Cela ne se fera pas sous la dépendance des entreprises qui ne cherchent qu’à élargir leur « part du marché de l’eau » et ont les moyens de dominer les collectivités territoriales petites ou grandes..
Nous ne lâcherons plus cette question même si nous devions nous en tenir à la préparation de la prochaine échéance au tout début des années 2020. Mais nous sommes persuadés que, bien avant, la question du service de l’eau sera réexaminée ainsi que le laisse apparaître le rapport Lesage. Nous ne nous tairons plus. L’approche des élections municipales de 2014 nous permettra de rouvrir très largement ce dossier devant tous les candidats, quels qu’ils soient.
AGLEAU et un nombre croissant dassociations citoyennes ont un autre objectif de plus en plus populaire : se préparer à sortir, tôt ou tard, des DSP. Cesser de faire de l’eau un marché.
8 juillet 2013