Cycle de l’eau douce: une nouvelle limite planétaire est franchie

L’équilibre du cycle de l’eau verte, absorbée par les végétaux et indispensable à l’humidité des sols, a atteint des seuils inquiétants. Au point que les chercheurs estiment qu’une limite planétaire est dépassée. Par Eléonore Disdero.

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En janvier, Libé rapportait qu’une cinquième limite planétaire, celle de la pollution chimique, avait atteint des seuils alarmants. Quelques mois plus tard, une sixième limite est franchie sur les neuf identifiées par les scientifiques : celle du cycle de l’eau douce. Publiée dans la revue Nature Reviews Earth & Environment, l’étude est réalisée par des chercheurs du Potsdam Institute, associés au Stockholm Resilience Center. Pour la première fois, les experts mettent en lumière l’importance du cycle de l’eau verte, essentielle à l’humidité des sols et à l’évaporation. Résultat, l’équilibre du cycle de l’eau douce est gravement perturbé.

Qu’est-ce qu’une limite planétaire ?

Les frontières planétaires délimitent un espace de fonctionnement sûr du système Terre pour l’humanité. En prenant comme référence l’Holocène (période climatiquement stable commencée il y a plus de 11 000 ans), ces limites définissent les pressions humaines exercées sur neuf systèmes : le réchauffement climatique, l’appauvrissement de la couche d’ozone, l’érosion de la biodiversité, l’acidification des océans, la pollution atmosphérique en aérosols, le changement d’affectation des sols (la déforestation, par exemple), la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, l’introduction de nouvelles entités dans la biosphère et finalement, la perturbation du cycle de l’eau douce. Franchir une limite, c’est risquer des transformations en chaîne, irréversibles, qui vont bouleverser l’équilibre planétaire et mettre en péril la viabilité de notre environnement.

Pourquoi la limite du cycle de l’eau douce vient-elle d’être franchie ?

Jusque-là, seule «l’eau bleue» était prise en compte dans les calculs. C’est-à-dire la part de l’eau issue des précipitations atmosphériques qui s’écoule dans les cours d’eau jusqu’à la mer, ou qui se déverse dans les lacs, les aquifères ou les réservoirs. Pourtant, l’eau verte, absorbée par les végétaux, est essentielle à l’humidité des sols et au processus d’évaporation, tout en permettant une meilleure résilience du système Terre. L’absence de représentation du cycle de l’eau verte dans les précédentes analyses scientifiques dissimule en réalité des modifications humaines importantes. En conséquence, les auteurs de l’étude affirment qu’il faut désormais prendre en compte conjointement les cycles de l’eau bleue et de l’eau verte pour comprendre les pressions humaines sur les réserves en eau douce. Ce faisant, «l’interférence humaine a désormais atteint une ampleur qui compromet la capacité du système terrestre à se maintenir dans des conditions similaires à celles de l’Holocène», résument les spécialistes.

Quelles en sont les causes ?

Ce dérèglement est lié à l’utilisation massive d’eau douce. Premier responsable : l’agriculture intensive. Dans le monde, 70 % des besoins en eau concernent l’agriculture. Nos besoins industriels et domestiques représentent respectivement 20 % et 10 %. Mais la déforestation, la dégradation et l’érosion des sols, la pollution atmosphérique et le changement climatique aggravent également la perturbation du cycle de l’eau.

Comment est calculée cette limite ?

La perturbation du cycle de l’eau est mesurée par la quantité d’eau douce prélevée par l’humanité. A l’échelle mondiale, la limite est actuellement fixée à un maximum annuel de 4 000 km³ d’eau bleue consommée – nous en sommes actuellement à 2 600 km³ -. Pour l’eau verte, les experts relèvent les taux de précipitation, d’humidité des sols et d’évaporation et affirment que ceux-ci sont alarmants. Ils estiment ainsi que 18 % des sols de la planète sont déséquilibrés. Or, la limite de sécurité se trouve à 10%.

Quels sont les risques ?

Le principal risque est la désertification et l’aridification des sols, partout dans le monde, mettant en péril les forêts tropicales comme en Amazonie et au Congo. Celles-ci sont pourtant essentielles puisqu’elles constituent des éléments de basculement du système terrestre. Si celles-ci se meurent, c’est tout l’équilibre du vivant qui s’effondre.

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