Dans un rapport rendu public le 19 décembre, la Cour des Comptes tire la sonnette d’alarme sur les dérives financières des délégations de gestion des services publics locaux (DSP). au détriment des collectivités. Mais les recommandations de la Cour des comptes ne sont pas à la hauteur de la situation. Elles consistent à rappeler les bases de ce que devrait être un contrat de DSP. Or les intérêts en jeu sont trop puissants pour se contenter d’un catalogue de bonnes intentions. Il faut sanctionner les dérives, tirer les leçons des échecs répétés et en finir avec ce mode de gestion. Lire la présentation de la Cour des comptes et l’article de la Gazette des communes.
Les délégations de gestion de services publics locaux
En s’appuyant notamment sur les contrôles effectués par les chambres régionales des comptes, la Cour a examiné les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales et leurs groupements délèguent la gestion de services publics locaux à des entreprises privées.
La Cour propose un ensemble de mesures afin que le choix du mode de gestion des services publics locaux soit dûment éclairé, qu’en cas de délégation de gestion à une entreprise privée l’appel à la concurrence soit effectif, qu’une négociation approfondie ait lieu avec les entreprises candidates et que la relation avec l’entreprise délégataire retenue soit équilibrée du début jusqu’à la fin du contrat de délégation.
La délégation, l’un des modes de gestion des services publics locaux
À quelques exceptions près, les collectivités territoriales et leurs groupements (communes, intercommunalités et syndicats de communes notamment) peuvent gérer directement les services publics qui relèvent de leurs compétences (en régie, dans le cadre d’un établissement public ou d’une société publique locale) ou bien déléguer leur gestion à une entreprise privée ou à une société d’économie mixte, choisie à la suite d’un appel à la concurrence.
La délégation à une entreprise privée traduit la volonté d’externaliser des gestions techniques complexes, le financement des investissements et le risque lié à l’exploitation. En contrepartie, les entreprises délégataires sont rémunérées par le paiement d’un prix par les usagers du service, souvent complété par une contribution de la collectivité.
Une grande variété de services publics sont concernés : transports de voyageurs, eau, assainissement, déchets, chauffage urbain, cantines scolaires, lieux culturels et sportifs…
Des relations avec les entreprises parfois déséquilibrées au détriment des collectivités
Sur la base des contrôles effectués par les chambres régionales des comptes, le rapport de la Cour fait ressortir des risques, des situations à éviter et des bonnes pratiques à privilégier. Cela concerne notamment le partage des risques entre la collectivité délégante et l’entreprise délégataire, la rentabilité des contrats et la durée des contrats.
Alors que les règles de droit prévoient que les entreprises délégataires doivent être exposées aux aléas du marché et au risque de pertes, certains contrats ne comportent pas de risque réel pour l’entreprise délégataire, celui-ci étant en fait largement pris en charge par la collectivité.
Même si le contrat initial prévoit un partage équilibré des risques, les avenants qui émaillent la vie des contrats peuvent conduire à faire évoluer l’équilibre initial au profit de l’entreprise. Les collectivités acceptent souvent d’aider, par des avenants, les entreprises délégataires à faire face à des aléas économiques prévisibles. A contrario, elles bénéficient souvent de manière insuffisante des gains imprévus, même élevés, que peuvent réaliser les délégataires. Enfin, les contrats de délégation ne prévoient pas systématiquement des pénalités en cas d’absence d’atteinte des objectifs de qualité de service ou de transmission de documents. Lorsque c’est le cas, les collectivités ne les appliquent pas toujours.
Par ailleurs, certains contrats ont une rentabilité anormalement élevée pour les entreprises délégataires et cette rentabilité est parfois difficile à identifier, en raison d’une justification inégale des frais facturés par la société mère ou par des sociétés du même groupe.
La durée excessive de certaines délégations peut altérer le jeu normal de la concurrence et garantir une rente de situation au délégataire. Si la durée maximale est plafonnée dans certains domaines (eau, assainissement et transports de voyageurs), tel n’est pas le cas dans les autres.
Enfin, les collectivités doivent veiller à ce que les contrats prévoient l’ensemble des données financières et de gestion nécessaires à l’exercice de leur contrôle sur les délégations et à la tenue d’un inventaire précis des biens de l’activité déléguée, alors qu’une partie de ces biens (biens de retour) leur revient en principe lorsque le contrat de délégation prend fin.
Favoriser une maîtrise accrue des délégations de service public par les collectivités
La Cour n’exprime aucune préférence en faveur d’une gestion des services publics interne aux collectivités ou externalisée auprès d’entreprises privées. Elle estime en revanche nécessaire un meilleur équilibre des droits et obligations des entreprises délégataires et des collectivités.
À cette fin, elle formule cinq recommandations à l’attention des ministères chargés de l’économie et des collectivités territoriales : publier des données de synthèse sur les délégations de gestion de services publics, afin qu’elles cessent d’être un « angle mort » de la gestion publique ; préciser le contenu du rapport qui propose à l’assemblée délibérante le choix d’un mode de gestion ; prévoir que les contrats de délégation doivent comprendre un compte d’exploitation prévisionnel et la liste des investissements programmés, à mettre à jour à chaque avenant ; enfin, de manière à faciliter les changements de mode de gestion ou d’opérateur, permettre aux autorités publiques d’accéder à première demande à toutes les données relevant de l’exploitation du service public délégué et allonger le délai minimal de transmission des données relatives aux réseaux d’eau et d’assainissement avant le terme de la délégation.
La Cour propose par ailleurs aux collectivités sept leviers d’action : prévoir systématiquement dans les contrats de délégation des clauses de retour financier en leur faveur lorsque le résultat de la délégation dépasse significativement les prévisions ; prévoir et appliquer des pénalités si les objectifs ne sont pas réalisés ; veiller au niveau de la rentabilité des délégations; définir les données à transmettre à la collectivité ; suivre les biens revenant à la collectivité ou bien à l’entreprise au terme de la délégation ; prévoir dès le contrat initial les conséquences d’une résiliation anticipée de la délégation ; sécuriser le fonctionnement du service jusqu’au terme de la délégation et la transmission des informations nécessaires à la continuité du service.
Lire le rapport complet et la synthèse en accès libre
Les délégations de service public, « angle mort » de la gestion publique ?
Manque de transparence, de contrôle, de protections contractuelles, etc. : la Cour des comptes dresse un état des lieux sévère des délégations de services publics (DSP) dans un rapport thématique publié jeudi 19 décembre. Il y a des économies à trouver dans ce mode de gestion. Par Cédric Néau.