Alors que le tribunal administratif n’a toujours pas statué sur le recours déposé par les associations contre la délibération du Syndicat des eaux de la presqu’île de Gennevilliers (SEPG) du 29 mai 2013 reconduisant une délégation de service public, le comité d’administration du 5 mars 2015 a choisi Eau & Force, le délégataire sortant, filiale de Suez Environnement, pour une période de 12 ans à compter du 1/7/2015. Un nouveau recours est donc déposé par la Coordination Eau Île-de-France avec Naturellement Nanterre, la fondation France Libertés et le collectif Eau claire de Seine.
Voici les motifs principaux mais non exhaustifs de ce recours, gracieux, dans un premier temps.
La validité de ce contrat est subordonnée à celle de la délibération du 29 mai 2013 choisissant l’affermage comme mode de gestion du service public de l’eau. Nous continuons bien évidemment de contester la légalité de cette délibération et nous attendons avec confiance le jugement du TA de Cergy saisi sur ce point.
Le contrat comporte une grille tarifaire rendue publique applicable à tous les usagers mais il est accordé à Eau&Force la latitude de consentir des réductions tarifaires à de entités grosses consommatrices, ce qui est à l’opposé des principes de justice sociale et d’une politique écologique visant à encourager une décroissance de la consommation d’eau de chaque usager.
Sans la moindre concertation avec les premiers concernés que sont les usagers et leurs représentants, sans disposer d’informations susceptibles de démontrer rigoureusement l’intérêt de cette option, le choix a été fait d’acheter, de faire produire et de faire distribuer par Eau&Force une eau dite décarbonatée, et ce à partir de 2018 au prix d’une augmentation disproportionnée du tarif à la charge des usagers.
Les comptes d’exploitation prévisionnels d’Eau&Force affichent plus de 42,9 millions d’euros de bénéfices avant impôt sur la durée du contrat, auxquels il convient d’ajouter près de 24 millions d’euros préalablement versés à la société mère, soit un total de près de 67 millions d’euros, représentant 11,6% du chiffre d’affaires, prélevés sur les usagers de l’eau sans aucune justification économique ni écologique, au seul bénéfice –avant impôt- des dirigeants et actionnaires du groupe Suez Environnement et accessoirement de l’État.
Nous avons bien pris note d’une diminution moyenne théorique de 23% de la part de l’eau potable dans les factures payées par les usagers des 10 villes, à consommation égale, du 1er juillet 2015 au 31 décembre 2017. La société Eau&Force a du consentir de façon provisoire à cette réduction, sans conséquences cependant sur la santé financière du groupe Suez Environnement auquel elle appartient. Cela confirme l’ampleur, invraisemblable pour le commun des mortels, des marges engrangées depuis des décennies par la même société au fil des reconductions et des prolongations de contrats accordées par le SEPG.
Ce fabuleux contrat montre que le SEPG joue pour Suez le même rôle que le SEDIF pour Veolia, à savoir celui d’une manne quasi illimitée qui permet de remporter d’autres marchés dans des conditions moins favorables.
Enfin, à notre grand étonnement, le règlement du service de l’eau, intégré au contrat, stipule des cas où Eau&Force est autorisée à couper l’alimentation en eau des ménages contre leur gré, ce que nous jugeons évidemment contraire au respect élémentaire de la dignité des êtres humains et qui est formellement proscrit par la loi dite Brottes actuellement en vigueur.