Dans un article publié par le Huffington Post le 30 juillet, Henri Smets revient sur la portée de l’interdiction des coupures d’eau.
La loi Brottes de 2013 a interdit aux distributeurs de couper l’eau de ceux qui ne la payent pas sauf s’ils ont l’autorisation d’un juge. Le payement de l’eau reste dû mais ne conditionne plus la poursuite de la prestation du service. Telle est la conclusion des débats sur ce sujet au Sénat comme à l’Assemblée nationale en 2015. Pour couronner le tout, le Conseil constitutionnel a rejeté en mai 2015 les arguments des distributeurs et leur a rappelé que l’interdiction des coupures est « sans effet sur les créances des distributeurs d’eau sur les usagers ».
Chacun a droit à l’éducation ou aux soins médicaux même s’il ne les paye pas et chacun doit contribuer selon ses facultés aux dépenses qu’impliquent ces services. Les modalité de répartition des contributions individuelles varient selon les services. Dans le cas de l’eau, l’usager paye selon le volume consommé d’eau et si la dépense est trop élevée par rapport à ses revenus, il pourra en principe obtenir une aide de la collectivité.
Comme pour toute dette, le distributeur pourra faire appel aux tribunaux s’il n’est pas payé mais il ne pourra plus suspendre le service d’alimentation en eau de son propre chef. De même, un médecin ne pourra pas refuser de fournir des soins à une personne sous prétexte qu’elle a une dette pour des soins médicaux antérieurs ou a négligé de payer ses contributions sociales.
La nouveauté est que l’on ne peut plus priver un usager d’eau potable s’il ne l’a pas payée et même s’il paraît probable qu’il ne la payera pas. Un distributeur qui décide de couper l’eau pour cause d’impayés commet délibérément un acte illégal et sera condamné par les tribunaux. Les distributeurs auraient voulu conserver le « droit de coupure » à l’encontre de ceux qui ne payent pas l’eau alors qu’ils en ont les moyens mais le législateur vient de le leur refuser. Ils auraient voulu garder le « droit » de priver de douche les mauvais payeurs et le législateur l’a aussi refusé lors du vote de la loi Royal en juillet 2015. Dorénavant, les distributeurs devront s’adresser au juge avant de pouvoir priver un usager de son droit à l’eau.
Cette solution est plus lourde que la coupure à l’initiative du distributeur et se révélera très coûteuse pour les mauvais payeurs dont les factures d’eau risquent d’être multipliées par trois si l’on y ajoute les honoraires d’huissiers, les frais de justice divers et les pénalités de retard. Même avec la loi Brottes, l’eau n’est pas devenue gratuite.