La France est le pire pays d’Europe

Depuis 2022, Michel Forst est rapporteur spécial sur les défenseurs de l’environnement aux Nations unies. Depuis ce poste, il observe et protège les militants écologistes face à une répression grandissante. Extraits d’un entretien réalisé Emmanuel Clévenot.

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Comment se positionne la France  ?

La France est le pire pays d’Europe concernant la répression policière des militants environnementaux. La violence des forces de l’ordre est hors catégorie. Leurs homologues à l’étranger ne comprennent pas la manière dont les Français répondent aux manifestations, ne comprennent pas qu’on puisse user d’une telle violence.

En Allemagne, les arrestations sont assez « musclées ». L’utilisation de prises très douloureuses, appelées « pain grip » et consistant à tordre le poignet, s’apparente à de la torture. Pour autant, cela n’a rien à voir avec l’actuelle répression policière que subissent de plein fouet les militants français. Ici, les grenades lacrymogènes et de désencerclement sont lancées sans aucune distinction. Le phénomène de nasses, pourtant interdit, est encore appliqué. Autant de dérives que l’on n’observe pas à l’étranger.

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Qu’entend-on précisément par « désobéissance civile » ?

Aujourd’hui, il n’existe aucune définition universellement reconnue. Le Rapport Spécial utilise toutefois quatre critères cumulatifs pour décider s’il saisit ou non un dossier : il doit s’agir d’actes de violation délibérée de la loi, dans le but d’attirer l’attention sur une question d’intérêt public, menés publiquement et non au fond de son jardin, et ce, sans avoir recours à la violence contre les personnes. Si ces critères sont réunis, alors la personne est protégée par le droit international.

Vous parlez uniquement de « violence contre les personnes ». Alors incendier des engins de chantier sur le tracé de l’A69 ou saboter une usine de l’entreprise Lafarge est-il aussi protégé ?

Une distinction très claire doit être établie entre les personnes et les biens. S’en prendre à quelqu’un est totalement prohibé. Dès lors que des militants commencent à lancer des pierres ou des cocktails Molotov, même en réponse à une violence policière, on entre dans la violence, et celle-ci est interdite par les Nations unies.

Pour les biens, c’est un peu différent. Moi, je n’utilise pas le mot de sabotage. Je me limite à l’observation. Encore une fois, la désobéissance civile se veut symbolique. Démonter la vanne d’une mégabassine pour la déposer devant une préfecture accompagné d’un message politique, ce n’est pas du sabotage violent et c’est donc autorisé par le droit international.

Même chose s’il s’agit de lacérer avec un cutter un mètre de plastique sur ces installations ou de casser un cadenas pour pénétrer dans une serre et arracher dix mètres carrés de plantes transgéniques… Il y a bien une entrave à la loi, mais c’est autorisé par le droit international. En revanche, saccager des serres entières de 100 m de long ne relève plus du symbole. Saboter une usine ou brûler des engins non plus. Là, on quitte le cadre de la désobéissance civile pacifiste.

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