La Métropole du Grand Paris a besoin de faire vivre l’héritage du festival de l’Oh!

Lettre ouverte à Patrick Ollier, président de la métropole du Grand Paris; Christian Favier, président du Département du Val-de-Marne; Anne Hidalgo, maire de Paris et à la présidente et présidents des établissements publics territoriaux de la Métropole du Grand Paris pour que « l’héritage culturel, citoyen, métropolitain et humain» du festival de l’Oh! ne disparaisse pas.

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Nous vivons dans une région riche d’un patrimoine hydrographique unique. La Seine, la Marne, leurs affluents, nos canaux sont un bien précieux, auxquels sont attaché(e)s toutes celles et tous ceux qui vivent à proximité ou ont eu la joie, un jour, de s’y promener.

C’est un privilège, c’est une chance, c’est une responsabilité.

Un privilège, parce que l’accès à une eau de qualité demeure l’un des problèmes cruciaux de la planète, autour duquel se jouent les paix et les guerres, les solidarités ou les drames, la vie. Un privilège qu’il faut chérir et protéger, menacé qu’il est, déjà, par le changement climatique.

Une chance, parce que ces rubans bleus constituent un lien unique, sans doute le plus beau, le plus socialement structurant, de nos villes entre elles, de nos quartiers avec la ville centre, des zones urbaines avec les espaces naturels préservés. Notre fleuve et nos rivières constituent notre Métropole, la cimentent et l’irriguent. Une métropole est un milieu de vie, qui a d’abord besoin d’eau : (le Grand) Paris ne serait pas (le Grand) Paris sans la Seine.

Une responsabilité parce que ces biens n’ont de sens que s’ils sont partagés par toutes et tous. Il en va du bien-être et du bien vivre de chacune et chacun. Il en va de l’appropriation sociale de nos territoires en mutation. Il en va de notre vivre ensemble ou pas.

Pendant quinze ans, le festival de l’Oh! a constitué – dans le Val-de-Marne d’abord, mais aussi à Paris et en Seine-Saint-Denis, et même partiellement en Seine-et-Marne et dans l’Essonne –, pour tou(te)s les riverain(e)s de la Seine et de la Marne, pour les habitant(e)s des cités environnantes, pour des centaines de milliers de franciliennes et de franciliens de toutes conditions, de toutes origines, l’occasion d’un voyage, d’un partage, d’une fête.

Il a réenchanté les paysages de nos rives. Il a restauré l’image et les fonctions de la voie d’eau. Il a offert l’art vivant à toutes et tous, notamment à celles et ceux qui ne fréquentent jamais les théâtres fermés. Il a ouvert un public oublié à une écologie du concret, questionnant le monde à partir d’un lien direct à l’eau, réinscrivant les rapports sociaux dans leur milieu de vie, au quotidien. Il a fait naître des actions pédagogiques d’ampleur inégalée, auprès des collégiens, des étudiants et de la population. Il a été un outil de l’émancipation sociale par la rencontre avec l’art et le paysage.

Cet héritage culturel, citoyen, métropolitain et humain ne doit pas disparaître.

Il est le meilleur allié des mobilisations citoyennes pour retrouver le droit et les moyens de la baignade en Seine et en Marne, dans cinq ou six ans, avec ou sans les Jeux olympiques à Paris en 2024.

Il est le meilleur atout pour inscrire les bords de Marne dans un Itinéraire culturel européen aux côtés d’autres rivières urbaines de loisirs populaires, et ainsi diversifier l’attrait de la destination Paris-Bords de Marne.

Il est le meilleur garant du renforcement des efforts de nos collectivités dans le domaine de l’assainissement, grâce notamment à des services publics locaux proches des usagers.

Il est le meilleur levier pour doter la Métropole d’une identité partagée, tournée vers un avenir durable.

Madame la Maire, Madame et Messieurs la(es) Président(e)s,

Nous nous adressons aujourd’hui à vous avec gravité.

Paris et sa petite couronne, dans le sillage d’autres métropoles, ont entrepris depuis quinze ans de reconquérir leur patrimoine fluvial. Précurseur parmi les initiatives qui ont fleuri dans notre région pour y concourir, le festival de l’Oh! est resté attaché à des valeurs de participation, de solidarité, de pédagogie, de découverte. Il a incarné une offre de tourisme de qualité et de proximité, accessible à toutes et tous.

En mai dernier dans le sud Val-de-marnais de la Seine, le festival de l’Oh! a produit, non sans un nouveau succès populaire, un ultime tourbillon. Ainsi en a-t-il été décidé.

Mais l’engagement de l’art, de la science, de l’éducation, du sport, de la vie associative dans la reconquête de la Seine et de ses affluents ne doit pas mourir !

Monsieur le Président du Département du Val-de-Marne,

➢         Nous vous appelons à transmettre cet héritage et à accompagner la transition, comme vous vous y êtes engagé. Nous vous appelons à préserver les savoir-faire et expertises acquis, pour les mettre à disposition.

Madame la Maire de Paris,

➢         Nous vous invitons à aider les acteurs culturels à retrouver le chemin de la coopération métropolitaine, par l’eau, la création et la solidarité.

Monsieur le Président de la Métropole du Grand Paris,

➢         Nous vous invitons à imaginer avec nous un grand projet populaire et fédérateur autour de la Seine et de ses affluents, participant à la création d’une Métropole à hauteur d’homme, déployant l’art dans tous les espaces publics dédiés à l’eau, en particulier le spectacle vivant.

Madame la Présidente et Messieurs les Présidents des Etablissements publics territoriaux de la Métropole du Grand Paris,

➢         Nous vous appelons à rapprocher les populations de vos villes et de vos quartiers de l’incroyable patrimoine industriel et naturel que recèle notre Métropole, des grands ports fluviaux d’Ile-de-France, des espaces naturels sensibles qui la jalonnent, des îles, de leurs équipements culturels émergents et de leur biodiversité, de ses berges urbaines rendues aux usages piétonniers. Mutualisons les Fêtes-des-Lacs, les Festivals-de-l’Oh!, les Etés-du-Canal, les Voyages-en-Seine, les Marches de la Bièvre, les Marne-en-fête… pour les enrichir d’une grande saison culturelle métropolitaine !

Mesdames et messieurs qui êtes en charge des nouvelles institutions territoriales de la Métropole, accaparés par l’ampleur des chantiers administratifs liés à vos nouvelles compétences, n’oubliez pas l’enjeu culturel, l’enjeu environnemental, l’urgence de doter notre Métropole d’un grand projet fédérateur !

Dotons le Grand Paris d’une véritable identité, fondée sur la Seine, ses affluents et ses canaux, et soucieuse de faire de l’eau, source de vie, le bien commun de toutes ses habitantes et de tous ses habitants !

Le 7 octobre 2016

Les signataires :

Jean-Louis Achart, président d’honneur fondateur de l’association Au fil de l’eau ; Alain Arigot, retraité du service public d’environnement et d’assainissement du Val-de-Marne (DSEA) ; Olivia Aubriot, agro-ethnologue au CNRS, chercheure au Centre d’études himalayennes ; Matthias Beekmann, directeur de recherche au CNRS, directeur de l’Observatoire des sciences de l’univers EFLUVE; Alain Challant, président de l’Amicale euro cyclotourisme, organisateur de l’EURO’ P N de cyclotourisme; Béatrice Chassat, professeure de sciences physiques au collège Jean Perrin – Kremlin-Bicêtre; Laurent Chéry-Drouet, vice-président du Comité départemental de canoë-kayak du Val de Marne (Vice-président US-Créteil canoë-kayak), ancien compétiteur handi-kayak ; Claude Cohen, ingénieure au CNAM, co-auteure du rapport « Pratiques culturelles dans le Paris de 2030 » lauréat de l’appel à projet « Paris 2030 » ; Frédéric Driay, responsable de FAIRE, association pour la Formation et l’aide à la réinsertion; Jean-Yves Dupin, président de l’association Culture guinguettes ; Christophe Evette, plasticien, marionnettiste du collectif les Grandes personnes ; Edwine Fournier, chorégraphe de la compagnie Tangible ; Jean Garcia Jimenez, syndicaliste; Françoise Gigleux, fondatrice de l’association L’Eau est le pont; Jean-Noël Huette, vice-président de la Fédération de la pêche et de la protection du milieu aquatique (FPPMA 75-92-93-94) ; Bénédicte Lafargues, directrice artistique de la compagnie Méliades ; Dominique Lamouller, président de la Fédération française de cyclotourisme ; Maryse Lelarge, journaliste ; Olivier Meïer, directeur du festival de l’Oh! ; Gilbert Mitterrand, président de la Fondation France-libertés – Danielle Mitterrand ; Pascal Parsat, fondateur du centre Recherche théâtre et handicap (CRTH), créateur des Souffleurs d’images ; Sylvie Paquerot, professeure à l’université d’Ottawa, membre du CA de la fondation France-libertés, membre du Laboratoire interdisciplinaire d’étude du politique Hannah Arendt – Paris-Est (LIPHA) ; Valérie Pasquet, fondatrice de l’association Percevoir – lectures publiques en braille ; Véronique Pény, architecte DESA, plasticienne-scénographe, directrice artistique du collectif KMK ; Eric Rabaza, principal du collège Robert Desnos à Orly ; René Rabiant, Président de l’antenne du 12è de la Protection civile de Paris ; Bruno Tassin, professeur et directeur de recherche à l’Ecole nationale des ponts et chaussées ; Daniel Thevenot, professeur, retraité de l’université Paris-est Créteil, co-fondateur des Journées scientifiques de l’environnement ; Pascale Thomas, organisatrice de l’escale parisienne du festival de l’Oh! de 2002 à 2009 ; Alain Vauché, consultant en navigation, pilote à passagers, gérant du STYX, moniteur G.P.