La remunicipalisation du service public de l’eau parisien démontre ce que les multinationales et leurs alliés souhaiteraient sans doute ne pas trop laisser savoir : qu’il est possible, aujourd’hui, de (re)construire des services publics démocratiques et répondant aux enjeux sociaux et écologiques. Anne Le Strat, ancienne adjointe au maire de Paris et cheville ouvrière de la remunicipalisation de l’eau dans la capitale, livre dans un ouvrage récemment paru le récit de cette reconquête.
« Il y a deux événements majeurs qui ont durablement marqué le monde international de l’eau : Cochabamba en 2000 et Paris en 2010. Le premier parce qu’il symbolise la lutte citoyenne pour se réapproprier la gestion de l’eau et contre sa marchandisation. Le second parce qu’il démontre qu’il est possible de reprendre un service privatisé et de rebâtir un service public de qualité avec des valeurs de démocratie et de transparence. » C’est en ces termes que David Boys, syndicaliste canadien aujourd’hui secrétaire général adjoint de la fédération syndicale internationale des services publics, décrit l’importance mondiale de la remunicipalisation du service de l’eau parisien et de la création de la régie municipale Eau de Paris.
Dans son livre Une victoire contre les multinationales, qui vient de paraître aux éditions Les Petits matins, Anne Le Strat – adjointe au maire de Paris jusqu’en 2014 et principale architecte de la remunicipalisation parisienne – raconte les coulisses de cette bataille victorieuse, qui a entraîné le départ des deux géants qui contrôlaient jusqu’alors le service de l’eau dans la capitale, Veolia et Suez.
Au-delà des questions spécifiques liées au secteur de l’eau, la remunicipalisation de l’eau parisienne est porteuse de leçons politiques plus larges. La première est qu’il est souhaitable et possible d’aller à contre-courant de la logique dominante de privatisation, dont le récit d’Anne Le Strat montre à quel point elle imprègne l’administration et les politiques.
La démocratie, un scandale pour les multinationales ?
Plus fondamentalement, ce qui se joue selon Anne Le Strat dans l’expérience parisienne – qui n’est somme toute qu’un changement en apparence marginal d’opérateur du service de l’eau -, c’est la possibilité et la légitimité même de la parole et de l’action politique : « Dans cette période de sinistrose où le discrédit jeté sur la classe politique n’a jamais été aussi profond, où la parole publique comme l’acte politique ne portent plus, aggravant le sentiment d’impuissance et d’illégitimité accolé à l’ensemble du système démocratique, toute démonstration que la politique peut encore modifier des situations au profit de l’intérêt général est bonne à prendre. »
Et c’est bien, au fond, ce que n’auront cessé de lui reprocher Suez, Veolia et leurs alliés, et ce qui explique la violence de leur réaction, sur laquelle Anne Le Strat revient longuement dans son livre : comment peut-on encore oser faire de la politique en France à notre époque ? Qui plus est s’il s’agit « une jeune femme, écologiste et sans expérience » ? Le lobby français de l’eau et ses nombreux relais parmi les médias, les syndicats, le monde de la recherche et, bien sûr, les élus, ont toujours cherché à caractériser la remunicipalisation parisienne comme une décision politique, sinon politicienne, comme s’il s’agissait d’un gros mot.
Lire l’article intégral d’Olivier Petitjean
Une victoire face aux multinationales, ma bataille pour l’eau de Paris. Anne Le Strat, Editions Les petits matins, 235 pages, 17€. Disponible au local de la Coordination Eau Île-de-France.
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