Le 16 décembre sur France Inter, Nicole Ferroni a décidé de consacrer son billet à Veolia, dont le patron, Antoine Frérot, était justement l’invité de la matinale. « Il y a quand même des choses très positives dans Veolia« , a tenu à rappeler dans un premier temps l’humoriste, citant notamment les nombreux emplois financés par le géant français. Nicole Ferroni a aussi salué les « missions » nobles de Veolia, évoquant le recyclage, l’approvisionnement en eau et en électricité de pays en développement. « Rien que pour ça, parce que Veolia est un semeur de lumière et d’eau pure à travers le monde, on peut vous dire merci !« , a ironisé la billetiste.
« L’eau a un côté un petit peu trouble »
Après cette introduction, Nicole Ferroni a ensuite chargé l’entreprise française. « Moi parfois, je trouve que la lumière semée est un petit peu obscure et que l’eau, bien qu’elle soit pure, a un côté un peu trouble« , a-t-elle expliqué. Elle a ensuite cité l’affaire d’un scandale de corruption en Roumanie touchant l’entreprise Apa Nova. Certains cadres de cette filiale de Veolia ont été récemment accusés d’avoir versé des pots-de-vin aux autorités locales en échange de l’augmentation des tarifs de l’eau. « J’ai envie de dire que ce n’est pas grave parce quand l’eau est opaque, on ne prend même pas le verre. On ne la boit pas. On ne prend aucun risque« , a ironisé Nicole Ferroni.
« Là où c’est plus compliqué c’est quand l’eau apparaît claire, qu’on la boit, et qu’après, seulement, on sent ce goût amer« , a poursuivi la chroniqueuse de France Inter. Et de citer l’exemple de la ville de Toulouse où Veolia a remporté le marché de la distribution d’eau en échange d’un droit d’entrée de 67 millions d’euros versé à la mairie. « C’est très bien, elle était endettée. Mais par contre ensuite, les usagers ont vu le tarif de leur eau augmenter de 75%« , a commenté acidement Nicole Ferroni.
« Les actionnaires, ça ne pousse pas »
Loin de s’arrêter là, l’humoriste a cité le cas de la ville de Nagpur, en Inde, où Veolia va amener l’eau courante au « plus grand nombre« . « ‘Le ‘Time of India’ explique, lui, que les malheureux citoyens devront supporter une charge supplémentaire de 178 roupies pour l’approvisionnement en eau« , a précisé l’humoriste. Et de lancer à Antoine Frérot : « Vous avez vu, je cite ma source ! Je la cite mais vous ne me la privatisez pas hein ? Parce que déjà que vous privatisez les sources d’eau, pas les sources d’information ! Parce que ça, c’est votre ancienne filiale sœur, Vivendi, qui le fait déjà ! (Vivendi Environnement est l’ancêtre de Veolia, ndlr)« , a ironisé Nicole Ferroni.
Cette dernière a ajouté : « Vous faites l’un des plus beaux métiers du monde : amener de l’eau. Et cette eau doit servir à arroser les plantes et moins les élus et les actionnaires car les actionnaires, ça ne pousse pas. Ou quand ça pousse, ça pousse le bouchon un peu trop loin« . Avant de conclure : « Je sais que vous avez annoncé un plan de rigueur et d’ambition. Je me permets juste de rajouter un troisième mot pour rendre cette eau totalement pure : le mot transparence« .
« Les petits enfants des habitants de Nagpur pourront faire la même chronique que vous »
Antoine Frérot a tenu à réagir à cette charge en estimant que ces propos émanaient de quelqu’un « qui est né avec l’eau courante potable sans limite dans le robinet de son logement« .
« A Nagpur, en Inde, où il y a trois millions d’habitants, il y avait, avant que Veolia n’arrive, 10% des habitants qui avait de l’eau courante quatre heures par jour. Les 90% restant devaient l’acheter aux revendeurs dans la rue. Et les plus riches devaient la stocker parce que pendant 20 heures, il n’en avait pas« , a-t-il rappelé. « Le pari que nous avons pris, c’est d’apporter l’eau potable courante. Celle que vos grands-parents ou vos arrière-grands-parents n’ont pas connue. Et donc les petits enfants des habitants de Nagpur, dans cinquante ans, pourront faire la même chronique que vous aujourd’hui, en Inde » a conclu Antoine Frérot.
Nagpur, le modèle à ne pas suivre selon les ONG et les syndicats
Pourtant la privatisation de l’eau à Nagpur ne passe pas comme une lettre à la Poste. Un groupe de syndicats en Inde a lancé une campagne de pétition, soutenue par l’Internationale des services publics (PSI), auprès de la Banque mondiale pour qu’elle cesse la promotion et le soutien financier à toutes les formes de privatisation de l’eau et reconnaisse l’échec du partenariat public privé de Nagpur, présenté comme un modèle à suivre pour des centaines d’autres villes en Inde.
Voir aussi la fiche sur la campagne pour la remunicipalisation de l’eau à Nagpur.
Enfin l’ONG Corporate Accoutability International a présenté un rapport sur l’échec de la privatisation de l’eau à Manille et à Nagpur, évoquant des hausses des tarifs, des coupures d’eau, des entorses multiples au contrat et des soupçons de corruption.