La mobilisation contre les mégabassines du 16 au 21 juillet a connu un retentissant succès. Le village de l’eau et les deux manifestations ont réuni des dizaines de milliers de participant.e.s. La volonté de désescalade des organisateur.rice.s a laissé peu de place au déploiement des brutalités policières. La question du partage de l’eau et celle de la préservation de son cycle sont plus que jamais posées. La Coordination EAU Île-de-France a participé à toute cette semaine avec les associations de la Coordination Eau Bien commun France et de nombreux partenaires et ami.e.s de France et du monde entier.
Il y aurait mille choses à dire sur le village de l’eau. Ce lieu a débordé d’activités pendant une semaine dans une ambiance extraordinaire. Nous retenons la chaleur humaine, l’attention à l’autre, la confiance mutuelle. Cela ne vient pas tout seul dans le monde, dans le pays, dans lesquels nous vivons! C’est le résultat d’un rêve qui a pris corps dans des dizaines de milliers de jeunes et de moins jeunes.
Les activités, c’est d’abord l’organisation de la vie commune. Les cantines qui ont fourni plus de 9000 repas (à prix libre) le vendredi! Assiette végane préparée sur place par différents collectifs, on mange à sa faim et c’est bon! Vaisselle collective, le Tauto-wash, – chacun.e avait le droit d’y participer. Les points d’eau et les toilettes sèches (debout, assis.e ou accroupi.e), il y en avait pour tous les goûts. Là aussi, grosse organisation et grosse participation, pour leur construction et leur entretien pendant une semaine. Plusieurs campings, l’un pour les bénévoles les plus engagés, était au cœur du village, à proximité d’un cours d’eau protégé qui fait la fierté, à juste titre, de la commune de Melle. L’autre, près de l’entrée du village de l’eau, accueillait tout le monde et bénéficiait aussi de toilettes et de douches construites pour l’occasion.
De nombreuses activités ont fonctionné grâce à de la formation et de l’auto-formation. Par exemple, les traductrices et traducteurs bénévoles, une bonne cinquantaine de personnes, ont bénéficié d’une initiation à la traduction simultanée pour les tables rondes et les conférences. Autre genre de formation, des conférences sur les armes de la police et les blessures très graves, voire mortelles, qu’elles peuvent infliger. Des centaines de jeunes se sont entrainé.e.s à éviter les violences policières en manifestation, à se protéger les un.e.s, les autres, à évacuer les blessé.e.s, etc. Le traumatisme provoqué par le carnage de l’an dernier à Sainte Soline est encore présent dans de nombreuses têtes…
Le village de l’eau s’est tenu dans un endroit exceptionnel, la vallée de l’Argentière. Les abords immédiats de la rivière étaient barrés par de la rubalise pour respecter la tranquillité des animaux, en particulier des loutres, devenues les mascottes de la mobilisation. La rivière qui coule à travers champs et forêts, recharge une nappe phréatique dans laquelle le village de Saint-Martin-lès-Melle puise une eau de qualité. Un club de naturalistes avait installé son stand à proximité de la rivière et organisé plusieurs balades sur le terrain. Deux grands prés accueillaient chacun deux chapiteaux et de nombreux stands. Enfin les bâtiments d’une ferme servaient d’espace technique (régie, outillage, etc.) Le tout était mis à disposition par la ville de Melle dont il faut saluer l’engagement du maire, Sylvain Griffault.
Lire le portrait de Sylvain Griffault dans Reporterre
De nombreuses associations animaient des stands. La Coordination Eau Île-de-France a partagé son barnum bleu avec le Mouvement national de lutte pour l’environnement, Eau secours 31 et Eau bien commun Lyon. La plupart du temps, une dizaine de militant.e.s se côtoyaient dans le stand et distribuaient une abondante documentation. Les derniers jours, la banderole fresque des victoires citoyennes de l’eau, accrochée à des bambous à côté du stand, a attiré l’attention et le public. Dans le voisinage, il y avait la LDH, le réseau Hydre, le collectif StopMicro, la Coord’eau 34, l’Association de Protection, d’Information et d’Études de l’Eau et de son Environnement (APIEE) des Deux-Sèvres, etc.
Le village de l’eau a donné lieu à de nombreuses rencontres et débat sur l’eau, l’agriculture, l’alimentation. Un programme vraiment très riche qui a puissamment contribué à la formation des personnes présentes et à l’élaboration d’une pensée collective des luttes pour l’eau Tout a été enregistré et sera diffusé dans les prochaine semaines par Bassines non merci! Notre association a participé activement à la construction du programme. La lutte de l’oasis de Figuig (Maroc) contre la privatisation de l’eau, racontée par Majda Hammou, a été une découverte pour la plupart des participant.e.s. La venue de Rajendra Singh, « l’homme de l’eau » de l’Inde et sa participation tout au long de la semaine a constitué un événement dans l’événement. Il a d’abord présenté un court documentaire « water bandits » qui relate le retour de l’eau grâce à l’action de Tarun Bharat Sangh (TBS) et la reconversion à l’agriculture et à une vie apaisée de brigands qui terrorisaient toute une région. Le lendemain Rajendra Singh a fait une grande conférence sur son action qui a permis de régénérer 17 rivières au Rajasthan et de procurer eau et alimentation à plus d’un million de personnes. Rajendra Singh s’est fait entendre lors du meeting de clôture en apportant un soutien appuyé au mouvement contre les bassines et en plaidant pour la non-violence. Dans un enregistrement diffusé au meeting de clôture, Pedro Arrojo, rapporteur des Nations Unies pour le droit humain à l’eau et à l’assainissement, a rappelé les grands défis futurs de l’eau et a dénoncé la situation de Gaza, où l’eau est une arme de guerre pour Israël.
Dan Lert, Président d’Eau de Paris, a évoqué le partenariat d’Eau de Paris avec des agriculteurs lors d’une table ronde sur les pistes pour une agriculture durable, tandis que Jean-Claude Oliva, directeur de la Coordination EAU IDF, est revenu sur le choix de l’osmose inverse basse pression par le SEDIF et Veolia dans une table ronde sur l’amélioration de la qualité de l’eau.
Retrouvez le programme dans le programme, de la Coordination EAU Île-de-France et de ses ami.e.s au village de l’eau
Retrouvez le programme complet du village de l’eau
Les pressions politico-policières étaient fortes sur le village de l’eau. A la veille de son ouverture, l’ex-ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin a annoncé la venue d' »un millier de personnes extrêmement violentes » et a dit s’attendre à « des actes d’une très grande violence » justifiant par avance un déploiement disproportionné de la force publique. Les deux manifestations prévues le vendredi dans la Vienne et le samedi à La Rochelle sont interdites. Le village de l’eau est bien autorisé mais l’accès est volontairement rendu difficile par les forces de l’ordre. De multiples barrages en ralentissent l’accès. Les identités sont contrôlées, les bagages fouillés : 1600 objets « dangereux » sont saisis. Cela va des sardines (pour les tentes de camping) aux serviettes hygiéniques en passant par les pots pour bébé, dans un mélange de zèle et de bêtise, propre à la gendarmerie.
Des hélicoptères et des drones surveillaient en permanence le village de l’eau, gênant parfois les conférences ou réveillant les campeur.se.s en pleine nuit. Un hélicoptère muni d’un porte-voix a même tenté de dissuader les gens de manifester! En conséquence, certain.e.s portaient des cagoules de bric et de broc pour se dissimuler le visage, une mode appelée à se développer en ces temps de surveillance généralisée?
Finalement, la violence attendue et même souhaitée par l’ex-ministre n’a (presque) pas été au rendez-vous mais les manifestations ont bien eu lieu. Leurs objectifs ne sont pas atteints pensent certain.e.s (lire l’article entre espoir et doutes de Reporterre) mais quel est l’objectif? Déjouant la surveillance policière, l’entrée du port de La Pallice a été bloquée par une dizaine de tracteurs et 200 personnes, tôt le samedi matin. Tandis que dans l’après-midi, les cortèges réussissaient à accéder à la plage et que des embarcations légères s’élançaient vers le port… La dénonciation publique du système agro-industriel qui produit des bassines et détruit le cycle de l’eau a progressé et c’est bien l’essentiel qu’on peut attendre de l’action!
La veille dans la Vienne, 600 cyclistes avaient réussi à atteindre une bassine et, via un cerf-volant, à l’ensemencer de lentilles d’eau dans le but de boucher les tuyaux et de la rendre inopérante. L’évitement de la confrontation avec les forces armées mais le maintien de la désobéissance et la détermination étaient au rendez-vous. Les manifestations interdites ont bien eu lieu, dans la joie, avec agilité et invention. Et l’accueil des convois de l’eau qui ont sillonné le pays à vélo pour venir au village de l’eau a été, en général, très bon, les habitant.e;s offrant de l’eau et des vivres aux cyclistes de passage. La balle est maintenant dans le camp des pouvoirs publics pour décider d’un moratoire sur les mégabassines en attendant de faire prendre un tournant écologique à l’agriculture dans notre pays.
Le village de l’eau peut s’étendre encore davantage et le mouvement pour l’eau peut gagner en force et en visibilité dans notre pays, c’est le sens de notre Appel à construire un Forum des mouvements de l’eau.
Bonjour et bravo !!
Quel succès et surtout quelle défaite pour nos « ir »responsables politiques ! Mais combien de reportages objectifs et d’analyses de fond diffusés par nos chers grands médias aux ordres ? Aucun !
A force de tout assombrir, à force de semer le doute sur tout ce qui est susceptible de faire de l’ombre au sacrosaint business, ou même de simplement rassembler un maximum de citoyens autour de causes louables, humanistes, chargées d’espoirs pour l’avenir, que cherchent-ils ces grands médias ? A déclencher une guerre civile ? A nous préparer à une 3e guerre mondiale ?! C’est affligeant ! Ils ressemblent de plus en plus aux médias russes ou chinois !! Même la cérémonie d’ouverture des JO a fait l’objet d’interventions attristantes, clivantes, de la part de tous les commentateurs TV, même les plus jeunes ! = Danger pour notre démocratie !
Comment ridiculiser en permanence toutes ces attitudes fourbes, suicidaires ? (**)
Courage ! Bien amicalement.
J.L. -Adhérent Coordination-Eau IDF
(**) Dans le style, notamment, des articles du Canard enchaîné de ce mercredi 17 juillet ! https://www.lecanardenchaine.fr/acheter-au-numero/