Se baigner dans la Seine était une promesse de Jacques Chirac et l’image fait rêver les Parisiens depuis au moins 30 ans. « Au dernier recensement, plus de 25 poissons trouvaient des conditions de vie adéquates dans la Seine », assurait le maire de Paris en 1990. Vingt-sept ans plus tard, Anne Hidalgo s’y engage à son tour, portée par la candidature de Paris aux Jeux olympiques d’été.
« Les JO sont un bel objectif mais c’est surtout un accélérateur pour transformer Paris », explique Célia Blauel, adjointe en charge du Développement durable et de l’eau à Paris, lundi 7 août sur franceinfo. En plus du bassin de la Villette, la ville a déjà identifié deux sites qui pourraient accueillir les baigneurs dans la Seine.
Des enfants se baignent dans le canal l’Ourcq, en juillet 2017. (MARTIN BUREAU / AFP)
franceinfo : Comment Anne Hidalgo va-t-elle arriver à assainir les eaux de la Seine ?
Célia Blauel : Elle va y arriver parce que ça fait déjà quelques années qu’on y travaille. Il y a au moins un point sur lequel je suis d’accord avec Jacques Chirac : on a aujourd’hui un marqueur de pollution avec les poissons. Il n’y avait plus que deux espèces de poissons dans la Seine dans les années 70. Aujourd’hui, il y en a plus de 35. On a donc une qualité de l’eau qui s’améliore. On a aussi un savoir-faire cette fois-ci aussi puisqu’on a ouvert une baignade publique dans le bassin de la Villette, dans le canal de l’Ourcq, il y a quelques semaines. Ce sont exactement les mêmes problématiques auxquelles on a dû faire face pour la Seine. On sait donc maintenant comment opérer.
Mais vous avez dû fermer quelques jours après l’ouverture à cause d’une bactérie…
On sait aujourd’hui que le problème que l’on a à régler dans le bassin de la Villette, comme dans la Seine, est celui du rejet d’assainissement. On arrive à avoir une bonne qualité de l’eau sauf quand on a de très fortes pluies comme on a pu connaître cet été. Auquel cas on est obligé de fermer pendant 24 à 48 heures, mais pas beaucoup plus. On a vraiment réussi à récupérer la qualité de l’eau sur le fond à la Villette. On parlait du maillot de bain de Jacques Chirac. Moi j’ai sauté dans la Villette l’année dernière déjà. C’est une eau de très bonne qualité et je crois que les gens en profitent bien. On a le même travail à faire sur la Seine. On y travaille depuis le début du mandat d’Anne Hidalgo. Je suis très confiante et très enthousiaste à l’idée de réaliser cette promesse attendue depuis longtemps, c’est vrai.
On pourra se baigner partout à Paris ou seulement sur quelques sites ?
On est en train d’y réfléchir. L’objectif à 2024 est d’avoir au moins deux sites de baignade sur le modèle de ce qui a été fait à la Villette avec un accès à l’eau libre mais délimité par des pontons. On a déjà identifié deux sites qui nous paraissent appropriés mais qui ne sont pas encore validés. On pense à un site du côté du Trocadéro, un autre dans le 12e, près du jardin Tino Rossi mais c’est encore à valider notamment avec Port de Paris et Voies navigables de France.
Quel est le plan d’action ?
C’est un plan d’action vraiment global. On est en lien vraiment à la fois avec les services de l’Etat, mais surtout de toutes les communes autour de Paris qui sont traversées par la Seine et la Marne. On travaille principalement sur l’idée d’éradiquer les rejets d’eau sale dans la Seine. Il faut traiter en priorité les grands centres d’épuration qui traitent les eaux sales des immeubles pour qu’ils soient équipés de filtre à ultraviolets. Cela va être réalisé dans les mois qui viennent. Il faut qu’on travaille sur les péniches et les bateaux de loisir qui rejettent encore leurs eaux sales dans la Seine. Il faut vraiment que ça s’arrête. Au-delà des JO, il y a vraiment une problématique environnementale à traiter. Et il faut aussi qu’on travaille sur les eaux de pluie. Il faut que nos eaux de pluie, quand elles tombent du ciel, repartent au milieu naturel et qu’elles ne soient pas contaminées dans leur course vers le milieu naturel pour repolluer la Seine derrière. On a ces gros chantiers qui sont en cours et qui sont déjà très engagés. Donc on est très optimistes pour 2024, mais surtout pour au-delà des JO. On fait le pari d’avoir un fleuve propre au-delà même des jeux.
Rendre la baignade possible de manière durable, c’est un autre défi ?
C’est un grand défi. Les JO sont un bel objectif mais c’est surtout un accélérateur pour transformer Paris. C’est comme ça qu’on l’envisage dans la capitale. On a envie de faire comme d’autres villes comme en Allemagne, en Suisse où il y a des baignades pérennes, dans le Rhin notamment où les gens se baignent tout l’été. On a envie de redonner la Seine aux Parisiens et je crois qu’ils en ont très envie. Il y a beaucoup de gens qui nous contactent parce qu’ils ont envie de retrouver l’eau. Il y a aussi toute une problématique de lutte contre le dérèglement climatique, redonner de la place à la nature dans la ville. C’est vraiment ce défi du 21e siècle bien plus que les JO. On voit vraiment beaucoup plus loin.
Combien est-ce que cela va coûter ?
On est en train de chiffrer aujourd’hui. On a plusieurs scénarios sur la table pour réaliser cette opération. Ce qu’on sait aujourd’hui c’est que, par exemple, équiper deux usines de traitement avec des filtres à ultraviolets à un coût de 40 à 50 millions [d’euros]. Le plan global sera sans doute autour de 200 millions d’euros, mais aujourd’hui c’est trop tôt pour donner trop de chiffres. C’est aussi un projet qui aiguise les appétits de certains grands industriels qui voudraient nous vendre des technologies. On doit donc affiner tout ça, on le saura début septembre lors du prochain comité Seine. C’est un investissement pour l’avenir aussi parce que, on l’a vu ces derniers jours avec Rome qui a été privée d’eau. Il faut protéger notre eau, il faut protéger la Seine, il faut protéger tous les fleuves de France.