Gaz de schiste : trésor empoisonné ou nouvel Eldorado?

La problématique des gaz de schiste et de l’eau, vue de Tunisie, par Mohamed Larbi Bouguerra. 

« Dès que l’on parle pétrole ou gaz, sans être atteint de « complotite » aiguë, on ne peut s’empêcher de penser  que   manœuvres,  chausse-trappes et barbouzes ne sont jamais bien loin. Le jargon diplomatique  parle de géostratégie.  Sid Ahmed Ghozali, ancien chef du gouvernement algérien et fondateur de la Compagnie Nationale Pétrolière Sonatrach avertit : « A travers toute la planète, les puissants cherchent sans relâche, par d’autres moyens que par le passé, à piller les richesses des pays les plus fragiles. » (L’Humanité, 19 au 21 octobre 2012, p.16-17).  Manifestant contre le gaz de schiste devant l’ANC le 21octobre, certains citoyens ne s’y sont pas trompés en criant à l’adresse des représentants de la Nation: « Ne vendez pas le pays ! »  

Dans le cas du gaz de schiste en effet, la technique prétendument révolutionnaire de la fracturation hydraulique n’a-t-elle pas été mise au point par le géant de l’armement américain Halliburton ? Rappelons que cette entreprise colossale est celle qui a dévasté l’Irak et enrichi les va-t’en guerre yankees et, à leur tête, l’ancien vice-président ultraréactionnaire Dick Cheney, grand manitou de cette méga-entreprise qui rêve de se passer du gaz russe ou iranien.  On comprend alors aisément le succès récent et fulgurant   de cette technique aux Etats Unis : elle y a obtenu des subventions énormes de la part de nombreux Etats alors que depuis 65 ans, l’exploitation du gaz de schiste se faisait à une échelle modeste, presque artisanale, si on peut dire, dans une trentaine d’Etats.  En France, les permis d’exploration ont été accordés au printemps 2010 par le gouvernement Sarkozy et intéressent le sud-est du pays (Ardèche, Montélimar…)

Chez nous, en septembre 2012, Shell a été autorisé par le gouvernement à effectuer les premières explorations (entendons-nous bien : exploration et non exploitation ?) de gaz de schiste dans le Kairouannais.

En 1927, c’est un peu plus au sud que les frères Schlumberger ont vérifié leurs résultats alsaciens de la technique d’analyse électrique des sols qui devait révolutionner l’exploration pétrolière et conduire à la création, en 1931, de la première société d’exploration d’hydrocarbures dans notre pays.

La littérature signale que, depuis 2010, des sociétés comme Winstar Resources, Perenco ou Cygam Energy ont déjà commencé à utiliser chez nous la technique de la fracturation hydraulique. Ce qui pose de prime abord la question de la transparence de l’octroi de ces permis et l’information des populations concernées. En France, par exemple, les présidents de région ont leur mot à dire en cette matière et les autorisations accordées par Paris peuvent être contestées devant les juridictions administratives. Du reste, devant la levée de bouclier des défenseurs de l’environnement, le gouvernement a dû prononcer un moratoire, le 04 février 2010, sur les forages d’exploration faisant appel à la fracturation hydraulique dans l’attente des rapports de commissions ad hoc sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux des hydrocarbures de roche-mère (gaz et huile de schiste)

Comment ça marche ?

La recherche de gaz traditionnel est relativement facile : schématiquement, les hydrocarbures sont emprisonnés dans des poches, par des couches géologiques imperméables vers lesquels ils ont migré après leur formation dans la roche–mère (diagénèse).  Il suffit alors de percer à la verticale, sur quelques centaines de mètres,  pour que le gaz s’échappe à la surface. Il se compose essentiellement de méthane CH4, le corps le plus simple de la chimie organique. S’agissant du gaz de schiste, on a à faire à des micropoches de gaz emprisonné dans des structures géologiques marneuses ou argileuses – roche-mère – qui se situent à 2500 mètres de profondeur. On est donc face à une ressource diffuse.  Pour réunir ces micropoches en une seule pour en faciliter l’extraction, il faut bouleverser la géologie locale appartenant généralement au Jurassique ou au Carbonifère moyen ou supérieur.  On crée alors des brèches dans ces structures  par explosif puis on fracture l’ensemble par un liquide de fracturation – mélange d’eau, de sable et de produits chimiques – sous une très forte pression. Le gaz remonte alors à la surface avec une partie du liquide de fracturation. Mais comme la fracturation ne s’étend pas sur une grande distance étant donné la pression opposée par le sol, il faut refaire un autre puits, à 600 mètres du premier. Généralement,  au bout d’une quinzaine de stimulations (hydraulique, chimique…), un forage est abandonné. On a alors un véritable « mitage » du terrain – criblé par plusieurs puits, en moyenne tous les 600 mètres –  qui deviendra proprement inutilisable pour bien longtemps. A chaque opération (on parle de frack), il faut utiliser entre 10 et 20 000 m3 d’eau (soit 10 à 20 millions de litres) d’après un rapport officiel commandé par le gouvernement français et publié au cours de l’été 2011. Aux Etats Unis, on compte 500 000 forages et il faut en moyenne 3 forages par km2 avec pistes d’accès, unités de séparation eau/gaz-pétrole, bassins de rétention des eaux de retour de fracturation, réservoirs de stockage (pour le gaz) et stations de pompage et compresseurs.

On voit donc les dangers de cette affaire : on crée des microséismes, on bouleverse le paysage, on utilise d’énormes quantités d’eau et il faut récupérer l’eau de fracturation remontant avec le gaz. Cette eau est bien entendu particulièrement polluée par les produits chimiques (acides,  lubrifiants…) et a collecté au passage, dans le sous-sol, métaux lourds (mercure, cadmium…), bactéries voire des éléments radioactifs tels le radium, l’uranium, le radon, le thorium… que l’on a retrouvé dans l’eau potable d’après mon ami le Pr André Picot (CNRS, France). Ces derniers éléments sont de redoutables agents cancérogènes pulmonaires chez l’homme (Groupe 1 du Centre International de recherche sur le cancer (CIRC) de Lyon). Pour assurer l’alimentation en eau du forage, il faut une véritable noria de camions citernes… qui vont  donc alourdir  l’empreinte carbone de l’opération en polluant l’air avec leur gaz d’échappement. De fait, il faut 1000 camions d’eau de 20 tonnes chacun par forage si l’eau nécessaire au moment du forage n’est pas disponible sur place (nappes phréatiques utilisables ou pipeline).  On relèvera que lors de sa remontée, le gaz peut s’échapper – ainsi que des composés soufrés gazeux  – vers l’atmosphère. Or, le méthane est un gaz à effet de serre particulièrement puissant puisque son effet est bien supérieur à celui du gaz carbonique. Enfin, les nappes phréatiques souterraines peuvent être polluées par le liquide de fracturation et devenir impropres à la consommation. Sur le plan écologique, on voit ainsi les  sérieux reproches  que l’on peut adresser à l’exploitation du gaz de schiste.

Un potentiel énorme… mais à un prix exorbitant ?

Pour autant, les spécialistes font remarquer que les ressources en gaz de schiste seraient du même ordre que celles du gaz conventionnel comme celui du Qatar,  d’Algérie, d’Iran…. Des chiffres, pas toujours sûrs, créditent par exemple, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient de 75000 milliards de m3. Pour toute la planète, ce chiffre serait de 500 000  milliards de m3 de gaz. Aux Etats Unis, le gaz de schiste représente 14% de la production totale de gaz et les projections prévoient de porter cette proportion à 45% à l’horizon 2035. Mais au pays du libéralisme effréné, les habitants de la ville de Fort Worth dans le Texas voient l’eau du robinet  chargée en  méthane des forages voisins. Ceux de Pavilion, dans le Wyoming, se plaignent de l’odeur et du goût de l’eau de leurs puits et le cas du forage de Marcellus Shale,  en Pennsylvanie, pose un sérieux problème car il vomit des saumures extrêmement chargées en sels divers. De son côté, le  forage de Baldwin Hills, en pleine ville de Los Angelès, constitue  un véritable scandale national car il pollue l’air et les nappes souterraines et augmente l’activité sismique dans une région déjà très sensible aux tremblements de terre. Quoi qu’il en soit : Business must go on… dans le pays de l’Oncle Sam, n’est-ce pas ? Pire : les milieux d’affaires flairent le bon filon : ils préparent produits chimiques, filtres, membranes et biocides pour traiter, en conformité avec la réglementation, les eaux de fracturation avant de les stocker ou de les diriger vers les stations de traitement ou le milieu récepteur. Tâche herculéenne étant donné les gigantesques volumes en jeu mais…. marché à cinq milliards de dollars, et qui va doubler d’ici 2025 prédisent ceux qui connaissent le prix de toute chose et ignorent la valeur des choses comme disait le poète Lord Byron. 

Plaintes en série !

Si donc de tels errements se produisent là-bas, on peut imaginer les dégâts qui attendent dans les pays du Sud.

Les scientifiques américains ne cessent pourtant de tirer la sonnette d’alarme face aux menées irresponsables des pétroliers. Ainsi, le professeur de pédiatrie Jérôme Paulson, de la Faculté de Médecine et des Sciences de la Santé de l’Université George Washington affirme : «  Cette technique d’extraction non conventionnelle de gaz pose une foule de questions au médecin et à l’environnementaliste et il faut trouver des réponses. » Quant au professeur Robert Howarth de l’Université Cornell à Ithaca dans l’Etat de New York, témoignant en juin dernier, devant le sous-comité de la technologie de la Chambre des Représentants, il devait déclarer : « S’agissant de la recherche, Il existe un fossé troublant sur la fracturation hydraulique car le procédé est si nouveau ;  en outre,  la moitié de tous les forages ont été réalisé au cours des trois dernières années. Ce qui signifie que les études relatives à son impact ont été réalisées au cours des quatorze derniers mois. » et l’homme de science de pointer les points litigieux méritant une étude approfondie : pollution de l’air par le méthane et l’ozone, contamination des eaux souterraines et de surface, réhabilitation des sites… Les craintes, parmi la population, sont patentes : ainsi l’Etat du Wyoming exige maintenant des entreprises de forage de publier la liste des produits chimiques utilisées lors de la fracturation car  «  les gens ont le droit de connaître les substances répandues dans leur environnement et  auxquelles ils sont exposés ; de plus les médecins dans les services d’urgence doivent être informés pour pouvoir éventuellement traiter les patients. »

La Tunisie a besoin d’emplois, diront certains, et le gaz de schiste pourrait donner du travail à nos concitoyens. Un rapport américain en faveur de l’exploitation du gaz de schiste évoque 15 000 emplois pour 3500 puits, soit moins de cinq personnes par puits. Mais un contre-rapport produit par l’ONG Food and Water Watch affirme que ces chiffres sont surestimés. Un économiste canadien cité par la Coordination des Collectifs du nord de la Loire  contre le gaz de schiste obtient 30 emplois par puits, considérant qu’une équipe de 300 personnes peut forer dix puits en un an. Ce chiffre inclut les chauffeurs de camion, les terrassiers… En fait, au cours de la phase d’exploitation, le process est pratiquement automatisé. D’après les chiffres américains, il faut 28 emplois pour surveiller une centaine de puits. On voit ainsi que l’employabilité du gaz de schiste ne peut faire rêver !

Mais, le gaz de schiste peut-il diminuer notre facture carburant ? Hélas, non – du moins s’agissant de l’Europe – conclut une étude réalisée en décembre 2010 par l’Oxford Institute of Energy Studies de Grande Bretagne. Il est possible que le gaz algérien demeure plus attractif pour nous.

Dernier reproche (encore un !) : D’après Fatih Birol, de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), le boom du gaz de schiste aux Etats Unis a entraîné une baisse de 50% des investissements dans les énergies renouvelables (éolien, solaire). Il tend à perpétuer l’énergie fossile carbonée et donc les rejets de gaz à effet de serre. Le réchauffement climatique devrait donc continuer avec des conséquences dramatiques pour l’Humanité. Il est cependant vrai que le gaz de schiste, à kilowatts-heures égaux, produit moins de gaz carbonique que le charbon et le pétrole. En outre, c’est la plus souple des énergies : une turbine à gaz peut prendre le relais d’un champ d’éoliennes en quelques minutes.

Enfin, on ne peut passer sous silence la question de l’après production, lorsque les milliers de puits seront épuisés, à l’abandon et que le gaz ou le pétrole libérés continueront leur ascension vers la surface dans des formations géologiques chamboulées et fracassées.

Notre pays, face à ces aspects  de la fracturation hydraulique, doit prendre des décisions qui engagent l’avenir et les générations futures. Rappelons que le gaz est une richesse que nous n’avons pas produite et que la nature a mis des millions d’années à créer. Elle  n’est pas éternelle.

Maintenant que la page du pouvoir personnel et des oukases dictatoriaux est tournée, il nous faut une vision d’avenir et de bonne gouvernance de nos ressources, de toutes nos ressources. A cet égard, seule la transparence est de mise. Une conférence nationale, ouverte aux associations, aux représentants des régions concernées et à des experts n’ayant pas partie liée avec les pétroliers devrait être convoquée et décider du devenir de cette technique dans notre pays… où la question de l’eau se pose avec une particulière acuité. Trésors et eldorado n’existent,  hélas,  que dans les contes ! « 

 

Flash-mob orageuse à Padoue

GANGSTER

« Nous étions une trentaine de jeunes français vendredi soir à partir de Paris pour nous rendre au forum européen des jeunes pour l’eau, à Padoue en Italie. Ce forum, auquel participent des jeunes venus de Belgique, Espagne, Italie, France et Slovénie, est co-organisé par l’institut Européen de recherche sur la politique de l’eau (IERPE), Enginyeria Sense Fronteres (ESF), le Centro di Volontario Internazionale (CeVI), la Coordination EAU-ÎLE-de-France et Voluntariat SCI Slovenia. D’horizons différents, étudiant-e-s, jeunes salarié-e-s, militant-e-s associatifs ou politique, nous sommes tous animés par un même combat, celui du droit à l’eau, à l’heure où l’accès à l’eau coûte de plus en plus cher et pèse de plus en plus sur le porte-monnaie de chaque famille. »>>>lire le récit complet du forum jeunes ICI

FLASH

Le récit de Marie, jeune participante francilienne.

Le soir, nous allons au centre-ville pour organiser une flashmob promouvant la signature de l’Initiative Citoyenne Européenne

GANGCOURSEA peine sortis de l’hôtel pour nous diriger vers le Prato della Valle, un éclair fend l’horizon. On arrive avec notre crayon géant, nos masques bleus, et tous les étendards des convoiteurs d’eau, prêts à en découdre avec les passants padouans qui, nous a-t-on dit, sont réputés pour leur manque d’enthousiasme pour les événements publics.

cocaloca

Mais la pluie tombe au moment où on met les pieds sur la place, et on se presse sous les arcades qui en font le tour. Après une demi-heure de pluie continue, on renonce à se faire mouiller et on change le plan de bataille en l’adaptant à l’exiguïté des arcades. Julie, qui coordonne l’action donne le ton, mégaphone en main : « allez, les gouttes d’eau, à ma droite et les convoiteurs à ma gauche, tous en place ! ».

 

 

 

voeliaUne fois bien positionnés, les gouttes d’eau masquées de bleu s’égayent sous le son d’une percussion, libres comme l’eau. Les coups brefs du percussionniste annoncent alors l’attaque des convoiteurs d’eau, parés de noms et de logos étrangement familiers, Coca-Loca, San Pellegrini, Zues, Pay-Eau-Lia et leurs complices voleurs d’eau se pressent pour être les premiers à attraper ces précieuses gouttes.

Soudain, une fille-crayon et un chevalier tenant un crayon géant arrivent à la défense des gouttes et terrassent vaillamment ces dragons qui croyaient pouvoir transformer l’eau en or.

defendAlors les voix s’élèvent dans toutes les langues pour dire comment l’eau peut être libérée (mais surtout pas libéralisée) en Europe : « je signe l’ICE ».  Les slogans pleuvent alors presque autant que la pluie, persévérante face à notre enthousiasme : « l’eau source de vie, pas de profit », « Water is a human right »…

La bonne humeur est bien installée, et on repart pour un tour, plus loin sous les arcanes. Un arc en ciel qui traverse la place couronne alors cette belle journée, et la pluie s’arrête quand nous quittons la place comme pour nous remercier.

GANGFOULE

Nous partons alors vers une immense pizzeria nommée Oktoberfest, où nous sont présentées des pizzas par dizaines jusqu’à plus faim sur une table centrale. Les boissons embouteillées et cannettes de sodas dont nous ne citerons pas le nom nous ont rappelé que le changement commence souvent par nous-mêmes et nos choix de comportements quotidiens. Mais réhydratés principalement par la bière et le vin, la soirée s’est conclue par un constat : sans eau, pas de bière (et « accessoirement », pas de vie non plus).

>>>lire le récit complet du forum jeunes ICI

Nouvelle vague pour l’eau bien commun

Succès du Forum européen des jeunes pour l’eau

« La rencontre pendant quatre jours de plus de quatre vingt jeunes, de cinq pays principalement, pour agir ensemble sur les politiques européennes concernant l’eau est forte de sens. Tout d’abord, il faut remarquer la base commune qui les réunit: ils sont favorables au droit humain à l’eau, ils considèrent l’eau comme un bien commun, ils sont jeunes et européens, et ils veulent construire une action dans la durée, ensemble.

Bien entendu, il y a entre eux de nombreuses différences d’opinions, de formations ou d’expériences. Par exemple, certains ont une approche environnementale. D’autres ont une approche plus centrée sur les droits humains, le social ou la démocratie. Mais il ne s’agit pas de se mettre d’accord ou de se convaincre qu’une approche est bonne et l’autre non; il s’agit plutôt de construire une convergence d’actions et de propositions dans le dialogue entre les uns et les autres.

Et déjà, cette base commune -qui a été actée dans un document- est formidable! Mesurons le chemin parcouru qui fait que ces idées sont aujourd’hui partagées par une grande partie de la population, ce qui n’était pas le cas, il y a quelques années. En cela, et à une échelle plus modeste bien sûr, ce forum se situe dans la droite ligne du référendum italien en 2011 ou du Forum alternatif mondial de l’eau (FAME) à Marseille en 2012. C’est une autre manifestation de l’émergence  qui semble durable, d’un mouvement de l’eau, portant ces enjeux, dans une grande diversité de personnes, d’organisations et d’actions.

D’ailleurs le forum de Padoue, après l’atelier « eau, jeunes, citoyenneté », organisé à Nanterre en décembre 2011 et le forum des jeunes dans le cadre du FAME,  a posé un nouveau jalon dans la construction d’un mouvement des jeunes pour l’eau bien commun. Les suites immédiates seront d’abord de rester en contact les uns avec les autres, de se retrouver pendant l’été à l’occasion d’une nouvelle manifestation prévue par la Cordination EAU Île-de-France du 4 au 7 juillet en région parisienne, où il s’agira d’enraciner ce mouvement dans notre territoire, puis à l’occasion du festiforum Europie organisé par le réseau EYES à Toulouse du 23 au 25 août. Enfin il s’agira de se saisir de l’Initiative citoyenne europénne « l’eau est un droit humain », au moment (septembre-ocotobre) où la Commission européenne publiera son « Blueprint »; une façon donc d’intervenir directement dans l’agenda officiel et de faire entendre la voix des jeunes au sein des institutions européennes.

On ressort de ce forum à Padoue avec un profond sentiment d’encouragement pour tous les militants de l’eau dans leur diversité et pour toutes leurs luttes! »

Ouverture du Forum européen des jeunes pour l’eau à Padoue. Premier jour: le témoignage de trois jeunes participants, Alexis, Boris et Louis

« Nous étions une trentaine de jeunes français vendredi soir à partir de Paris pour nous rendre au forum européen des jeunes pour l’eau, à Padoue en Italie. Ce forum, auquel participent des jeunes venus de Belgique, Espagne, Italie, France et Slovénie, est co-organisé par l’institut Européen de recherche sur la politique de l’eau (IERPE), Enginyeria Sense Fronteres (ESF), le Centro di Volontario Internazionale (CeVI), la Coordination EAU-ÎLE-de-France et Voluntariat SCI Slovenia. D’horizons différents, étudiant-e-s, jeunes salarié-e-s, militant-e-s associatifs ou politique, nous sommes tous animés par un même combat, celui du droit à l’eau, à l’heure où l’accès à l’eau coûte de plus en plus cher et pèse de plus en plus sur le porte-monnaie de chaque famille.

Après un long voyage marqué par une longue nuit dans le bus, du fait d’un mouvement de grève en Italie, nous sommes bien arrivés à destination pour la première journée de travail.

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Nous sommes arrivés à la Casa a colori, un cadre convivial où nous logerons durant ces quatre jours. Le forum s’est ouvert sur une introduction par Anna Brusarosco du CeVI. Elle nous a présenté le déroulé du forum, nous rappelant les objectifs qui ont motivé sa mise en oeuvre : sensibilisation des jeunes européen-ne-s aux questions de l’eau et réflexion autour de la mise en place d’un mouvement de jeunes au niveau européen en faveur du droit à l’eau. Donnant ensuite la parole aux cinq délégations, ces dernières purent expliquer les différents ateliers qu’elles avaient mis en place en amont du forum.

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Puis, répartis dans cinq groupes, nous avons pu faire plus amplement connaissance avec les camarades des autres délégations avec qui nous serons amenés dans les jours à venir à travailler sur des sujets aussi divers que la reconnaissance du droit à l’eau, la politique issue de la directive cadre européenne (DCE), le mouvement de privatisation de l’eau en Europe, et les alternatives à cela. Au sortir de plus d’une heure d’échanges, nous nous sommes retrouvés autour d’un bon plat de pâtes. Puis dans la soirée, la centaine de participants s’est mise au travail afin de préparer les actions de mobilisation du lendemain. Car nous avons conscience que le réseau européen que nous tâchons de construire a vocation à provoquer l’émulation auprès des usagers afin de faire comprendre la mesure de tous les autres enjeux économiques, écologiques et sociaux que recouvre l’eau. »

Forum Européen des Jeunes pour l’Eau, jour 2. Approfondissement des thématiques auprès des experts.Témoignages de quatre jeunes participants : Louis, Alexis, Boris.

GANGSTER« En ce deuxième jour de Forum, un programme bien chargé nous attendait. À commencer par un moment fort du séjour : meeting ouvert au public, autour des orientations politiques de l’Europe ainsi que sur la participation et la sauvegarde du bien commun que constitue l’eau. Plusieurs intervenants de qualité étaient présents.

Marco Iob, chargé des campagnes sur l’eau au CeVI, a commencé par présenter le résultat du référendum ayant eu lieu en Italie en 2011. Pour lui, la logique de privatisation va à l’encontre de la démocratie. En effet, la privatisation provoque la technocratisation qui exclut les citoyens des organes de décision. Voilà pourquoi la possibilité d’organiser des Pétitions et des Initiatives Citoyennes Européennes (ICE) doit nous permettre de reprendre le pouvoir sur la chose publique.

Christian Legros, directeur de Belgaqua et administrateur de l’Institut Européen de Recherche sur la Politique de l’Eau (IERPE), est venu nous présenter l’historique des politiques européenne de l’eau. Après en avoir fait la genèse, il nous a présenté la Directive Cadre Européenne du 23 octobre 2000 (Directive 2000/60/EC), publiée le 22 décembre 2000. Cette directive marque un tournant dans l’intérêt porté par la commission européenne à  la question de l’eau. Même si elle est loin d’être suffisante, elle marque tout simplement un premier pas fait dans l’idée de préservation des ressources hydriques en Europe. Christian Legros nous rappelle qu’en 2012, seuls 43% des masses d’eau sont en « Bon État » ( » good status « ). Il est prévu d’atteindre le taux de 53% en 2015 avec une prévisions d’un « Bon État » de toutes les masses d’eau d’ici 2027.

Le 14 novembre 2012, la commission européenne rendait public le Plan d’action pour la sauvegarde des ressources hydriques en Europe, ou « Water Blueprint », désormais document politique le plus important de l’Union Européenne en matière de politique de l’eau après la DCE de 2000. Il reprend les principes inspirateur, les normes et les moyens d’action proposés par la DCE. Un document conçu comme instrument clé pour jeter la base programmatique des choix de l’UE en ce qui concerne les enjeux de l’eau jusqu’en 2030.

Christian Legros conclut cependant en formulant quelques critiques : en confirmant le principe de pollueur-payeur dans le Blueprint, l’eau est encore trop considérée comme une ressource et non comme un Droit Humain fondamental. M. Legros dénonce ainsi la « croyance religieuse dans le marché », les pollueurs n’étant pas limités autrement que par la contrainte économique. Ce faisant, ils évacuent la possibilité de mener d’autres politiques plus contraignantes et efficaces pour lutter contre la pollution de l’eau.

Adriana Marquisio, uruguayenne, membre de la Plataforma de Acuerdos Públicos Comunitarios (PAPC) est venue nous expliquer le rôle de cette coordination entre personnes publiques et citoyens mais aussi entre personnes publiques elles-mêmes favorisant ainsi le développement de réseaux publics internationaux. L’objet de la PAPC est de promouvoir la reconnaissance du droit à l’eau ainsi que la gestion publique de l’eau incluant l’implication communautaire.

Gabriella Zanzanaini, représentante de Food and Water Watch en Europe, nous a exposé les liens purement économiques qui existent entre les Etats européens en mettant en exergue le manque de clarté et de solidarité à l’échelle européenne alors que la crise et l’austérité nous frappent tous.

Enfin, Camila Olivera a présenté l’historique et les détails de la « Guerre de l’eau » à Cochabamba (Bolivie).

Dans l’après-midi, les groupes de travail thématiques se réunissaient à nouveau. Nous avons pu à cette occasion avoir de très enrichissantes discussions avec des experts. Puis nous nous sommes attelés à préparer une liste de questions, avis ou suggestions à proposer aux décideurs le lendemain.  »

Jour 3. Le Forum européen des jeunes pour l’eau se poursuit dans une ambiance studieuses et décontractée à Padoue. Le carnet de Romain, un jeune participant francilien.

« 9H30-10H30 : Chaque groupe présente les travaux qui ont été réalisés la veille. Nous y retrouvons ici, les grands thèmes et les grandes questions qui ont émergé lors de ces travaux :

Quelques exemples :

  • L’eau en tant que bien commun approuvé lors du référendum en Italie,
  • Quelle suite a été donnée à ce référendum?,
  • Les problèmes de transparence vus dans les institutions privées et publiques,
  • Les conflits d’intérêts,
  • Quelles sont les effets du « Blueprint » ? (le document de travail de la commission européenne sur la politique de l’eau)
  • Quelles sont les processus de formation et d’éducation sur le droit à l’eau ?
  • La privatisation et ses effets négatifs ;
  • L’action de certaines communes menées au CANADA à travers le label « blue community »
  • Critique des nouveaux partenariats publics-privés,
  • Du local au global,
  • Comment communiquer, mobiliser et influencer ?
  • (…)

De 10H30 à 12H00 : Nous faisons la rencontre de

  • « Serena Pelegrino » (membre du parlement Italien – élu sur  la Région de Venise – du parti Ecologie et Liberté)
  • « Walter Bonner » : coordinateur des mouvements sur l’eau sur la Région de Venise. Il est aussi adjoint aux biens communs dans sa ville.

Notre rencontre avec « Serena Pelegrino » :

Ici, la discussion se concentre principalement sur la politique italienne :

  • un premier point est fait sur le mouvement 5 étoiles,
  • L’agenda 21 qui peut être un très bon outil de communication si celui-ci est appliqué
  • La démocratie directe, représentative et consultative,
  • La politique doit être réserver à des experts ou non ?
  • Retour sur le cas de Cochabamba (autogestion qui fonctionne plus ou moins bien)
  • Référendum Italie : le peuple à voté mais aujourd’hui, qu’en est-il ?

13H-14H : petit repas entre ami(e)s …

De 14h à 17H : Les groupes se retrouvent pour faire des considération, élaborer des demandes, et réaliser des propositions déclinées sur trois grandes échelles : locale / nationale / Européenne

De 17H à 19H : Une fois ce travail réalisé, nous nous réunissons tous en assemblée plénière où chaque groupe expose son travail ( cf les documents réalisés).

Des discussions se mettent en place et un premier débat qui se concentre principalement sur l’eau en tant que bien culturel ou naturel s’installe. Également, quelques questions commencent à apparaître sur la suite qui sera donnée à ce forum des jeunes européens sur l’eau.

Pendant la soirée, des groupes de jeunes s’organisent. Pendant qu’un groupe constitue un écrit final (qui ressemble à une grande charte-déclaration) représentant le travail final accompli lors de cet atelier, un autre groupe se mets en place et réalise une évaluation des trois jours passés et un dernier prépare une soirée pour clôturer ce forum sur une note festive ! »

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Val-de-Marne : nouveau combat !

En Val-de-Marne, la gestion de l’eau potable de la communauté d’agglomération Seine Amont (Choisy le Roi, Ivry sur Seine, Vitry sur Seine) est confiée à la société Véolia qui réalise dans l’opacité des profits exorbitants. La création de la communauté d’agglomération Seine Amont donne l’opportunité de changer de politique.

L’eau est un bien public. Elle ne doit pas être soumise aux grands groupes financiers; elle doit être accessible à chacun selon une tarification sociale et une gestion qui préserve l’environnement et la qualité de notre alimentation.

 

APPEL DU COLLECTIF EAU Choisy Ivry Vitry :
Nous, citoyen-nEs des 3 communes, demandons à nos élu-Es d’en finir avec Véolia et de confier la gestion de l’eau à une Régie Publique. Dans ce but, nous demandons que nos trois communes fassent partie du panel de l’étude indépendante financée par le Conseil Régional pour clarifier les conditions techniques, juridiques et financières à mettre en oeuvre pour une gestion publique et transparente de l’eau. Nous demandons donc que nos trois conseils municipaux en débattent et ouvrent une discussion avec les habitant-Es sur le passage en gestion publique de l’au. »

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Pour parler de l’organisation de l’eau potable en régie publique à Choisy, Ivry et Vitry, nous vous invitons à la réunion publique organisée par le collectif,
mardi 14 mai 2013 à 19h30,
salle Le Royal à Choisy-le-Roi

Avec:
Jean-Luc TOULY – Conseiller régional, membre du Comité de bassin Seine-normandie, responsable eau France Libertés
Bernard MAURIN – Vice-président de la Régie des eaux des Lacs de l’Essone
Jacques PERREUX – Conseiller régional
Bertrand POTTIER – Conseiller communautaire
et des représentants des communes de Choisy, Ivry et Vitry.

Un extrait du film « Comment les multinationales transforment l’eau en argent » sera diffusé et la rencontre sera suivie d’un pot convivial.

Par ailleurs, le collectif invite les citoyens à signer une pétition afin que « les trois communes fassent partie du panel de l’étude indépendante financée par le Conseil Régional pour clarifier les conditions techniques, juridiques et financières à mettre en oeuvre pour une gestion publique et transparente de l’eau », et demandant que les conseils municipaux de nos trois communes « en débattent et ouvrent une discussion avec les habitant-Es sur le passage en gestion publique de l’eau. »

Cette initiative unitaire est soutenue par : des citoyens, ATTAC, Confédération Nationale du Travail ETPICS 94, collectif choisyen de défense des droits sociaux et biens publics, Europe Ecologie – Les Verts, Gauche Anticapitaliste, Ligue des Droits de l’Homme, Nouveau Parti Anticapitaliste, Parti de Gauche.

Tunisie : carnet de voyage du dernier Forum Social Mondial

badge 2Pour vous, un « IN du OFF » sur l’eau au Forum Social Mondial  2013, une visite inédite !

>>>écoutez les reportages radio ICI

22th March – Fly to Airport Tunis-Carthage
Je voyage à côté d’un jeune homme. Dans le journal arabisan qu’il lit, je découvre la photo pleine page d’Ezzeddine Gannoun ; son sourire est celui de l’accomplissement. Je ne lis pas la langue arabe. Je demande au jeune homme s’il peut me traduire la teneur de cet article. Il me fait comprendre qu’il est lui-même sourd-muet. Le sourire de Gannoun reste l’énigme de notre vol.
Il y a douze années de cela je m’apprêtais à le rencontrer ainsi que Leïla Toubel dans leur Centre arabo-africian de formation et de recherches théâtrales d’El Hamra, rue Al Jezira à Tunis. Dans le livre« Dégage » aux éditions ALIF qui relate jour par jour les minutes de la Révolution de jasmin, Gannoun est en France lorsqu’il refuse le poste que lui propose le gouvernement de Ben Ali : la direction des rencontres internationales de Carthage. Je me souviens de ces moments de tension extrême entre eux sur : jusqu’où aller pour survivre artistiquement sans dépasser les limites de la compromission et de l’attentat. Fragiles moments de liberté conquise. J’ai souvent été bouleversée par l’engagement du corps dans leur travail. Engagement total, entier et dangereux pour l’acteur. Cette révolution s’est pourtant faite dans la douceur du printemps arabe un 14 janvier 2011.

P107088322th March – pm in Tunis
Alunissage à l’aéroport de Tunis-Carthage. L’avion s’échappe à droite puis à gauche, à gauche puis à droite, il cherche son équilibre comme aujourd’hui la Tunisie. Le temps est d’une douceur délicate. Nous voici débarqués dans le hall d’arrivée. Les banques de change s’alignent ; plus on s’éloigne et plus le taux de change est intéressant. Les bureaux s’ouvrent et se ferment, ballet bien réglé. Le dernier bureau ne change pas les euros. Banque de l’Habitat, Banque de Tunisie, Banque Africaine de Développement, Banque de la Poste Tunisienne : ce qu’il reste de l’empire Ben Ali ? Plus aucun portrait de l’ex-chef d’État ; ni à la douane, ni dans le hall d’arrivée.
Plus de police non plus. Il semble qu’elle soit affectée à la circulation à coup de sifflets stridents à la sortie de l’aéroport. La Tunisie est libre et nous avec. Tiens, saviez-vous ce que la femme tunisienne a obtenu avant la femme française ? Hé bien c’est le droit de divorcer et celui d’avorter. Justement on joue au théâtre municipal de Tunis un spectacle sur Bourguiba : « Dernière prison ».
Nous sortons libres de l’aéroport de Tunis-Carthage; libres comme la Tunisie.
Peu de tunisiens ne parlent pas le français. Impossible de comprendre à quelle catégorie appartient notre chauffeur de taxi. Il a pris le risque de se faire injurier par ses pairs à la station de l’aéroport : il ne prend pas assez cher. Quand d’autres proposent 45 dinars tunisiens (DN) il accepte à 10 DN la course vers le centre ville. Le salaire maximum du minimum est ici de 300 DN mensuel (150 euros). Notre hôtel est situé au bord de la folle croissance du quartier d’affaire, quartier des banques et du musée de la monnaie flambant neuf. Je ne suis pas venue à Tunis depuis 2001. Tout a changé et tout semble identique. L’avenue Mohamed V s’est remplie d’immeubles d’assurances et de sièges de banques, de bâtiments officiels comme le siège du parti de Ben Ali le RCD, de décharges qui fument à ciel ouvert et qui empestent, de terrains vagues envahis de chats, de quartiers nouveaux hétéroclites sans habitants qui rappellent ces nouveaux quartiers « design » bâtis sur les anciens docks de Marseille. Ici et là-bas la mer est présente. Mais ici la baie s’envase et l’urbanisme fou grignote les quartiers d’entrepôts et de marécages. Il y a douze années, il n’y avait pas de distributeurs de billets dans les rues de Tunis. Aujourd’hui, il y en a. Il n’y avait pas de centres commerciaux. Aujourd’hui, il y en a. Partout la tension était présente et la politique aussi dans la bouche des tunisiens ; sous couvert nous entendions les prémices d’un soulèvement ; partout il y avait la police en civil et les portraits de Ben Ali jusque dans les échoppes les plus improbables. Aujourd’hui : tout semble en état de totale décontraction et de liberté inconditionnelle. Le champ des possibles investissements est immense ; les entreprises françaises ne se trompent pas, comme Téléperformance et ses centres d’appel où est exploitée une main d’œuvre jeune, francophone, principalement féminine, diplômée, moins coûteuse qu’un salaire marocain peut-être, dans un pays où les infrastructures sont déjà là.

révolutionTunisie : nouvel eldorado pour une Europe à court de profit ?
Tunis ouverte sur le monde et offerte au monde.
Toutes les rues du centre portent des noms de pays ; je loge rue de Syrie. Une avenue Bourguiba, une rue Nelson Mandela ou Jean Jaurès. Ainsi vous pouvez marcher spatio-temporellement et découvrir l’histoire récente de la Tunisie. Empruntez l’avenue de France puis la place de l’Indépendance, suivez l’avenue Bourguiba qui aboutit à la place du 14 janvier 2011 et finit sa course dans l’avenue de la République. Les plaques sont en langue arabe et française. Les trottoirs des rues sont hauts. La ravine est prévue contre le célèbre phénomène pluvieux méditerranéen. Les Tunisiens de Tunis nous disent qu’ils sont heureux de nous voir. Ils ne nous regardent plus comme ceux qui arrivent d’une terre fantasmée. Ça y est : eux aussi ont fait leur révolution, comme nous. Nous sommes des espèces de cousins. Les plus confiants pensent qu’ils vont mettre du temps pour trouver leur bonne vitesse de croisière. Quand d’autres s’alarment : la crise, le chômage, l’insécurité, que faire de cette révolution qui leur semble aujourd’hui encombrante ?
Pourtant, l’activité du centre ville est toujours aussi foisonnante et paisible. Les chats détiennent les clés de la ville. Nous sommes au printemps et les femelles y sont grosses ; cette population toutes races, poils courts ou longs et tout couleur, aura une croissance à deux chiffres d’ici l’été. Le chat tunisien est un mélange subtil d’Abyssin et de chat européen et doit être un redoutable prédateur de rats.
Tunisie, terre des mélanges. Phéniciens, grecs, romains, puniques, arabo-musulmans, turques, italiens, espagnols, anglais, français… une superposition impressionnante. Allez faire un tour aux ports puniques de Carthage. Il ne reste que le site naturel, mais les reconstitutions en maquettes du lieu sont étonnantes. Ce coin du monde a inventé le génie de l’échange, du commerce et du voyage des marchandises au IVe siècle av JC. Venir et tenir un Forum Social Mondial contre l’esprit libéral marchand dans ce berceau de la toute première marchandisation du monde et de ses échanges est une véritable gageure !

espace climatAvant de partir « reporter-monde » pour la Coordination Eau Ile de France, je m’étais attardée sur le Net. Organisation Mondiale du Commerce met en garde dans son Rapport 2009 : sous l’effet du réchauffement climatique la Tunisie devrait vivre de grands bouleversements économiques. Quid ? Dans la Conférence MEDD qui se tenait à Casablanca en 2010, le Ministère de l’Environnement et du Développement durable tunisien (Programme présidentiel 2009-2014) faisait le constat alarmant de 15 millions de m3 d’eaux industrielles pollués non re-traités sur 20 millions de m3 produits. Il mettait en avant la réussite de ses partenariats avec l’Union Européenne et jugeait la gestion « public-privé » très positive depuis les années 80. Toutefois, un point du powerpoint avait retenu mon attention : « la préservation des eaux et des sols ». Despote éclairé ce Monsieur Ben Ali ? Non. Seule la règle des PPP semblait convenir à son système d’enrichissement personnel. Une vraie manne alors qu’il héritait d’un pays fortement nationalisé sur de nombreux services.  Qu’elle n’a pas été ma surprise de découvrir le bâtiment très récent du siège de l’Office National de l’Assainissement dans le quartier des banques !

DSC0420423-24th March – La Goulette without Claudia Cardinale >>>voir ICI
Au centre de Tunis, le jardin Habib Thameur est tout vert, mais il est fermé. La ballade vers la Corniche s’impose car le FSM ne démarre que le 26 mars.
Direction la Corniche dans le si fameux « train bleu » de la côte. Ah j’oubliais, Tunis a cinq lignes de tramways, des lignes de bus complémentaires, deux gares de trains de banlieue. Les écoliers sont en vacances. Le jour férié est le dimanche : un reste désuet du protectorat français ? Beaucoup de sorties en famille ou entre amis ce jour-là à Sidi Bou Saïd et à La Goulette. Lorsque l’on regarde les consommations des tables en terrasse, ce sont : cafés et thés à la menthe qui prédominent. Les sodas sont-ils trop chers pour le tunisien moyen ? Si Carthage déroule toujours ses villas de notables, Sidi Bou Saïd ressemble à un musée prisé par les étrangers : le Café des délices est toujours là, mais il est bien vide. Le Casino de La Goulette en front de mer a été vandalisé, il est fermé. Un tag : niqe l’argen. Dans les petites gares qui se succèdent : toujours des tags de la révolution : dégage. Des mots d’amour aussi : Sofiane aime Charlotte. Mais où est Claudia ? Sur la plage de La Goulette ? Non. Mais les barques de pêcheurs, oui : voir ICI
Du côté des rochers, des jeunes plongent et se baignent déjà ; impatients ou courageux ? Il y a peu d’occupations ici : plus de cinémas, quelques terrains de foot plutôt improvisés qui doivent être impraticable à la moindre pluie. De loin, des scouts qui martèlent un chant assez guerrier. Des adolescentes croisées et re-croisées qui ne cessent de se photographier dans des pauses très sophistiquées, comme Claudia.
DSC04202Mais il faut revenir sur nos pas : la nuit tombe rapidement.
De retour à Tunis nous mangeons un plat tunisien diabolique à côté de la mosquée El Feth : piment extrême. C’est un enfant qui nous sert. Les femmes qui portent le foulard en ville ne sont pas plus nombreuses qu’en Ile de France. Celles qui portent la burqa ou le niqab le sont encore moins. La mode qui fait rage ce sont les chaussures compensées très hautes à talons aiguilles. La religion qui se vit ne s’affiche quasiment pas. Les lieux de culte sont exubérants parfois : comme la grande synagogue dont la façade entière est enceinte d’une étoile de David. La cathédrale semble définitivement fermée ; face à elle, l’ambassade de France. Nous longerons à plusieurs reprises ses bâtiments. C’est un des plus surveillés de la capitale et certainement le plus bardé de barbelés (?). Les Tunisiens s’en amusent. Ils nous expliquent que c’est pour mieux contenir les Français qui sont à l’intérieur et non pour les protéger de l’extérieur…

P107092925th march JUSTICE WATER DAY
co-organisé par Blue Planet Project (Ottawa Canada)
et Food and Water Watch (Waschington USA)
Ca tombe bien, le quotidien La Presse a sorti ce jour-là un article signé Féthi Frini  « L’accès à l’eau : enjeux et enseignements » dans le cadre de la Journée internationale de l’Eau 2013. L’article s’ouvre sur plusieurs constatations comme : « En effet, dans la foulée de la révolution, l’exigence d’une répartition équitable des richesses, a remis au-devant de la scène la nécessité d’améliorer entre autres, l’accès à l’eau potable. ». Il est fait état que la FAO a placé au 9e rang la Tunisie dans le classement mondial des pays menacés de pénurie d’eau. Trois items ornent son article : « Le coût de l’accès à l’eau potable » considéré « sous la perfusion des pouvoirs publics » ; « Le système de l’eau à repenser » pour être « gagnant-gagnant » ;  « Celui qui peut payer obtient le produit » considéré comme « une substance abondante devenue une denrée rare en se marchandisant ». C’est à n’y rien comprendre ! La gestion de l’eau est-elle encore publique, déjà privée, les deux ? Mystère.

Une rencontre a lieu la veille avec les organisateurs du WATER JUSTICE DAY : et nous voici sur les bancs de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis.

Celles et ceux qui étaient au Forum européen Florence 10+10  sont ici. Julie Zarka (yes !) fera l’interprète anglais-français-portugais au pied levé aux côtés de David Boys.

DSC04192Témoignages et c’est parti.

Le continent Nord américain et la problématique des sables bitumineux et terres indigènes, des nappes phréatiques et pétrole, gaz de schiste;  L’Inde / la Thaïlande / les Philippines et la privatisation de la ressource eau à des fins industrielles et en gestion PPP, l’Afrique Est-Ouest et ses problèmes récurrents d’accès à l’eau potable, le continent Sud américain et les modèles néo-libéraux qui ont placé l’eau en concessions privées (Chili), sans équité de desserte en gestion « public-public »(Vénézuela), sous le contrôle total des multinationales (Mexique), l’Afrique du Sud où la privatisation de l’eau est galopante,la Palestine rationnée en eau par Israël, l’Europe où la crise entraîne la privatisation des grands services publics de l’eau (Grèce, Espagne) et dans toute cette panade : le mouvement frémissant du retour en gestion publique de l’eau en France et la résistance en veille en Italie.

Chacun s’entend pour penser que si l’Europe promeut la pétition d’Initiative Citoyenne Européenne (ICE) pour sortir l’eau du secteur marchand, cette avancée aura un retentissement important à l’international.

L’intervention d’un membre de l’U.G.T.T (syndicat unique tunisien) des services publics de l’eau nous laisse perplexes lorsqu’il affirme que malgré le stress hydrique que connaît la Tunisie, 100% des zones urbaines sont desservies en eau potable contre 90% en zones rurales. Féthi Frini de La Presse semble confirmer que 350 000 foyers déshérités auront seulement accès à l’aube 2016 à l’eau potable grâce à un Programme national d’investissement (A.E.P) gigantesque.

Petite surprise de fin de journée : Mohamed Larbi Bouguerra s’est invité parmi le groupe CAMPAINS. Un petit coup d’œil sur son site Partage des eaux : ICI

Notre groupe RIGHT axé sur le tout nouveau droit à l’eau onusien nous laisse rêveur : « comment appliquer cette toute nouvelle prérogative O.N.U comme un droit fondamental sur nos territoires ? ». Nous savions qu’avec un Forum Social nous regarderions vers les forces altermondialistes et les alternatives ; ici nous nous surprenons à regarder vers l’outre-atlantisme.

Serions-nous déjà en guerre que nous regardons vers l’allié Nord-américain comme on planifie un D-Day ? Tiens, un détail nous a presque échappé ce 22 mars 2013. Il se signait un partenariat important entre la France (UMR G-Eau Gestion de l’Eau Acteurs Usages, IRSTEA, CIRAD) et la Tunisie (Ministère de l’Agriculture), où le volet « eau » avait une large place. Allez faire un tour sur le site du FAME Marseille 2012 et lisez ce tout nouvel article de Thierry Uso :ICI

marchFSM

26th march : la manif dans les rues de Tunis 

À la gare des trams République : une certaine Amira propose des brushing à 4 DT ( 2 euros).

Emplettes au Marché Central où les étals font le plein : oranges et oignons doux, fraises, aubergines contorsionnées, tomates à peau épaisse, piments, fromages râpés ou en motte ou à pizza, poutargues, brousses, fleurs, galettes, viandes et poissons, dates, laitues en cœur. La saison semble propice au maraîchage. Nous opérons une escapade au Théâtre El Hamra : on y joue la toute nouvelle création Guannoun-Toubel : « Monstranum » du jeudi au samedi à 19h. Il y a toujours à l’angle de l’impasse le marchand d’épices à même les paniers tressés : verveines, bois à brûler, encens en cristaux, buissons aux divines puissances inconnues. Nous passons devant la Maison de la Culture Thala où se déroulent les « Journées du cinéma des droits et des libertés ». Autour des mosquées, on trouve les produits rares de l’Islam : Coran, parfums, baume du tigre, tenues, mais aussi savons à la rose pour la virginité et poudre de cornes de gazelle contre l’éjaculation précoce.

Il est enfin 16h. Nous avons notre laisser-passer et un Programme du F.S.M en poche où figurent pas moins de 500 ateliers (3 jours), sans compter les assemblées de convergence le quatrième jour. Un sacré cru !

Le coup d’envoi est donné ! Le cortège F.S.M s’ébranle joyeux et musical sous le regard ébahi des Tunisiens qui se demandent si la révolution reprend ou si le monde entier a décidé d’organiser désormais ses manifs en Tunisie ?! Beaucoup de jeunes nous demandent : « et vous, vous avez fait comment après votre révolution ? » . Cette ouverture de Forum donne l’occasion d’honorer les martyrs : Mohammed Bouazizi hier, Chokri Belaïd aujourd’hui, des inconnus parfois dont les portraits circulent. Peu de forces de Police. Nous passons devant l’immeuble du siège du RCD. Le cortège va-t-il stopper devant le bâtiment déserté ? Non. « Monsieur Dégage » est loin. Le F.S.M bat le pavé et les Tunisiens ne découvrent pas « qu’un autre monde est possible » puisqu’ils le vivent ! Nous avec et pour quelques jours.

27-28-29 th March : « water-melting-pot » you say ?

 

Nous sommes de vieux baroudeurs du sujet. On ne nous la fait plus depuis le Forum Alternatif Mondial de l’Eau (FAME) Marseille 2012. Quoique : la financiarisation des « services rendus par la nature », l’eau en l’occurrence, qui a pris sa source on ne sait dans quel cerveau malade nous surprend tout de même. Et le brûlant réquisitoire d’André Abreu activiste brésilien de l’eau, contre l’entrée en banque de « l’or bleu » irradie l’assemblée que nous sommes à L’ESPACE CLIMAT : Commodification and financialization of nature.

Cet atelier est essentiel pour tenter de connaître les dessous d’un Groupe de travail européen où Eau de Paris s’est vue refuser l’entrée au Club très fermé du BLUE PRINT.

Depuis quelques jours, les propos du syndicat tunisien UGTT-Eau et ceux de la presse locale ne me laissent pas en repos. La situation tunisienne est un bel exemple qui ne donne pas toutes les données essentielles ; elles vont vite s’éclaircir.

Je fais le choix d’assister aux ateliers sur les problématiques tuniso-tunisiennes de l’eau, après un dernier passage auprès de notre famille de l’eau réunie une nouvelle fois par Blue Planet Project autour de la Table ronde eau bien commun et droit humain

 

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De nombreux ateliers sur les problématiques Eau sont programmés au même moment, surtout ceux qui concernent l’eau et la démocratie.

Un m’intrigue plus particulièrement ; il est co-organisé par l’Assemblée des Citoyens et Citoyennes de la Méditerranée https://www.citizensforeurope.eu/org-425_fr.html

et l’Association pour l’amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles https://www.agter.asso.fr/ : Améliorer la gouvernance de la terre, de l’eau et des forêts dans le monde.

Cet atelier se révèlera excessivement intéressant ; il ne sera question que du cas tunisien. La composante des intervenants est forte : deux acteurs directs, j’entends deux agriculteurs tunisiens. Ma sensation de manque s’estompe ; un Forum Social sans acteurs (hors activistes, associatifs, syndicalistes) n’est pas un Forum Social. Tout en un, nous découvrons les nombreuses réalités de l’eau en Tunisie.

Autour de l’utilisation de cette ressource vitale se livre déjà une bataille serrée : 95% de l’eau douce est utilisée, ce qui place en concurrence forte l’usage privé, le tourisme, l’irrigation, l’industrie et l’extraction minière.

La marge insuffisante des 5% semble avoir pour effet d’accentuer les fortes inégalités d’accès à l’eau entre tunisiens, d’un territoire à l’autre, comme il en sera question dans l’atelier L’épuisement des ressources en eau dans la région de Jérid. Certains intervenants présents semblent placer tous leurs espoirs dans un réseau d’assainissement plus performant. Pourquoi pas plus de désalinisation ? C’est vite dit car coûteux et stérilisant pour les sols.

Nos deux témoins agriculteurs incarnent une longue lignée d’histoire universelle : puissants contre petits. C’est le thème de cet autre atelier : Problèmes d’eau et de dette pour les agriculteurs de la région de Mornag, Ben Arous, Doustourna. Mais ils pourraient bien se retrouver plus rapidement qu’ils ne le pensent et du même côté : le sous-sol est à vendre et le Qatar investit ces derniers temps dans l’extraction minière gourmande en eau comme le phosphate à Gafsa. Le plus riche a créé un syndicat d’agriculteurs qui peine à se faire entendre dans la cacophonie générale du Gouvernement provisoire. Tout cela est nouveau pour lui. Le plus pauvre est sur ses gardes. Il est grave sur la situation qu’il vit. Sans la mobilisation du F.S.M et des médias, il aurait déjà disparu.

Au détour des échanges qui sont chargés d’Histoire et de sociologie, nous découvrons que le système hérité des colons permettait aux proches du pouvoir de bénéficier d’avantages et d’eau pour leur usage privé et économique. Ce système est toujours en place. Les deux années d’après révolution n’ont pas permis d’engager malgré les bonnes volontés et les appétits de nos deux acteurs, des réformes équitables et sans lesquelles la Tunisie ne fera pas son envolée démocratique de manière satisfaisante. En matière d’eau, les fonds régionaux sont à sec depuis des décennies ; la maîtrise séculaire de l’eau n’est pas valorisée et aucune formation n’est proposée à une jeunesse sur-diplômée en Tourisme.

Boire l’eau du robinet en Tunisie reste une mission complexe, salée et très javellisée. La déshérence est le pire des maux qui empoisonne aujourd’hui cette eau.

 

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30 th March : le mendiant à la gare République

 

Dans quelques heures, nous entamerons le chemin du retour vers la France.

 

Depuis le début de notre séjour, un mendiant stationne en journée à une des entrées étroites de la station de tram République. Autour de lui des tourterelles s’affairent à picorer des grains de blé qu’il a jetés. Chaque tourterelle porte un ruban de type « bolduc » placé sous une aile et auxquels sont accrochés des piments miniatures en plastique ou des fleurs discrètes en tissus, ou rien.

Le moment est venu. Je m’adresse à lui ; il me répond dans de nombreuses langues ; nous bloquons le canal traduction en mode « français » et aussitôt un petit attroupement se forme autour de nous. Sa barbe est longue comme celle d’un sage hindouiste. Sa coiffure est biblique. Son visage est immense ; aussi grand que le tour du monde qu’il a fait pour les combats de boxe qu’il a menés et dont son nez a gardé la trace. Il répond à ma curiosité : chaque ruban posé est un vœu à exaucer ; lorsque le ruban se détache, le vœu s’exauce. À mon tour, je réponds à sa curiosité : je suis venue ici pour l’eau et le Forum Social ; il me demande de revenir cet après-midi car il aura ce qu’il faut pour « ma voix ».  Nous nous quittons. Aujourd’hui certainement, un oiseau libre porte à Tunis un ruban de bolduc où est inscrit un vœu silencieux : « eau bien commun, envole-toi et sème ».

 

J’achète une dernière fois La Presse.

Les articles qui s’offrent à ma lecture sont de multiples indicateurs qui rejoignent l’alerte lancée par les jeunes tunisiens présents lors de l’atelier Engager les jeunes pour la mise en place du droit à l’eau proposé par EYES Network https://www.fsm2013.org/organisation_info/1819  et Les Petits Débrouillards https://www.lespetitsdebrouillards.org/ .

Ils témoignaient de leurs inquiétudes concernant l’accaparement de la ressource en eau par des projets privés d’envergure alors que les aquifères sont bas dans les oasis de Jérid, d’El Hamma et Tozeur. La jeunesse tunisienne a joué un rôle déterminant à la fois sur le plan syndical (Syndicat des Jeunes Chômeurs Diplômés) et dans la société civile au moment de la Révolution de jasmin. Ils seront les LANCEURS D’ALERTE déterminants de ce Forum en matière d’eau.

Plusieurs articles ne les démentent pas dans L’écho des régions de ce 30 Mars.

Nous retrouvons notre riche propriétaire terrien syndicaliste en investisseur pour Tunisia Holding proposant un projet agro-alimentaire couplé de tourisme vert « Mactaris » pour un montant de 650 millions DT dans la Région de Siliana qu’il compte transformer en « ventre de Tunis ». Tiens, la vente de la Compagnie des phosphates de Gafsa ( 8ème place au rang mondial ) est repoussée. Deux allotissements sont proposés dont un « ayant pour objet la réalisation d’une usine de lavage et flottation du phosphate » alors que les agriculteurs de Gafsa réclament des dédommagements pour la pollution industrielle massive de leurs terres.

À Tozeur, la plantation d’arbres fruitiers a cessé suite à l’insuffisance des eaux d’irrigation et malgré la gratuité des plants distribués aux arboriculteurs.

Dans le Jérid rongé par 40% de chômage, se sont tenus des Assises et un Forum pour le développement économique à l’initiative d’ONG ( ?)  Les Amis du Jérid et Entrepreneurs sans Frontière https://www.developpeurs-sans-frontieres.fr/les-amis-du-jerid-se-retrouvent-a-tozeur-dans-le-sud-tunisien/. Jérid : 120 mm de pluie par an. Cet article s’ouvre sur les nombreux atouts de la région : ses ressources naturelles trop peu exploitées : argiles, sables et autres minerais rares à grande « valeur ajoutée » et sur la possibilité d’un tourisme médicalisé haut de gamme pour retraités européens, assorti d’une Fac de Médecine « off shore » jumelée avec Paris VII (sic).

Au même moment, la ville d’El Hamma (eau chaude en langue arabe) valorise son 1er Festival International « L’eau, richesse des ancêtres et révolution des générations ». Il porte sur les thèmes de « l’exploitation de l’eau à El Hamma »,  « l’agriculture géothermique et biologique », « l’artisanat et les opportunités d’investissement à El Hamma » avec pour spectre le tarissement réel de ses sources géothermiques dû à la surexploitation des cimenteries qui ont bétonné la côte Est pendant trois décennies.

Dans le taxi qui nous ramène à l’aéroport de Tunis-Carthage, Élisée Reclus, géographe, surgit, écrivant ces lignes devant la puissance du fleuve Mississipi qu’il découvre :

« Les cours d’eau n’ont plus aujourd’hui leur antique importance, car ils ne sont plus les seules voies de communications entre les peuples. Aucun fleuve ne sera désormais ce qu’était le Nil pour les Égyptiens, à la  fois le père et le dieu, celui qui faisait naître les peuples, les récoltes et la civilisation dans sa vase échauffée par les rayons du soleil. Aucun autre Gange aux ondes sacrées ne coulera désormais sur la terre, car l’homme n’est plus l’esclave de la Nature. Il peut se créer des chemins artificiels plus courts et plus rapides que les chemins naturels, et la seconde nature, plus vivante, qu’il se crée par le travail de ses mains le dispense d’adorer la première nature, qu’il vient d’asservir. » (*)

Que d’erreurs ! Le Gange est toujours fleuve sacré sur un continent indien en pleine révolution technologique. Un 29 août 2005, la mer est entrée dans le fleuve Mississipi pour retrouver ses vieilles habitudes millénaires et les digues construites par la main de l’homme sur les alluvions affaissées du fleuve ont cédé par 6 mètres en dessous de la mer. Quant au Nil, trop de barrages et de pollutions ont eu raison de sa fertilité séculaire, dans une région du monde où la misère galopante fait du vieux grenier à blé égyptien une poudrière écologique et sociale.

Reportage textuel : Marie Isabelle HECK – reportage photographique : Marie CHAUMET, Julie ZARKA, Marie Isabelle HECK

(*) Élisée Reclus – En descendant le Mississipi – 1858

Solidarité avec la population de Cajamarca (Perou)

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Soutien à la lutte contre le projet de mine d’or de Conga.

Une mobilisation sociale et environnementale pacifique sans précédent, qui a mis le thème de la défense du droit à l’eau et du droit à la consultation préalable des populations dans l’agenda national.
À l’occasion de ce 1er mai, le comité de solidarité avec Cajamarca en France, avec le soutien de la Coordination eau Ile-de-France :
• salue le courage, la ténacité et la dignité de ceux qui poursuivent la lutte et résistent à Cajamarca pour défendre l’eau contre l’or et obtenir l’annulation définitive du projet minier;
• alerte l’opinion publique française et internationale sur le contexte de criminalisation de la
protestation sociale et de mise en place d’un processus de militarisation et de privatisation de la police nationale au service des multinationales au Pérou,
• fait appel à tous les citoyens, aux élus, aux associations et aux organisations démocratiques et syndicales, qui ont soutenu la campagne de solidarité internationale en signant le communiqué adressé au Gouvernement dʼOllanta Humala, pour maintenir la plus extrême vigilance.
Depuis un an et demi, la population de Cajamarca (Andes nord du Pérou) lutte pacifiquement contre le mega-projet Conga, de l’entreprise YANACHOCHA pour la défense de l’eau contre l’or. Il s’agit d’une mobilisation sociale et environnementale sans précédent (deux grèves générales: du 24 novembre au 4 décembre 2011 et du 31 mai au 3 juillet 2012, interrompues par des déclarations d’état d’urgence et une marche nationale pour l’eau de Cajamarca à Lima, de 10 jours, en février 2012) qui tire sa force de son histoire et de son unité.
La mobilisation a pris une dimension nationale, a provoqué deux changements d’équipe
gouvernementale et a mis le thème de la défense du droit à l’eau et du droit à la consultation préalable des populations dans l’agenda national.
Après les incidents tragiques de juillet 2012, entraînant la mort de cinq personnes par balles des forces répressives, à Celendín et à Bambamarca, et le retrait provisoire du projet en août, la situation est loin d’être résolue et est au contraire alarmante. Yanacocha poursuit les travaux de construction des réservoirs que, selon elle, doivent remplacer leslacs menacés, tandis que les membres des rondes paysannes, devenus «
gardiens des lagunes », campent aux abords des lacs à 4000 m d’altitude pour les protéger. La population continue d’exiger le retrait définitif du projet dans un contexte de militarisation de la zone, de privatisation de la police nationale mise au service de la protection de la multinationale et de criminalisation de la protestation sociale (110 opposants et défenseurs des droits de l’homme —dont le Président de la Région, Gregorio Santos, et l’ex prêtre Marco Arana, dirigeant de Tierra y Libertad— sont, en ce moment, sous poursuites judiciaires).
Cette situation alarmante au niveau national vient d’être dénoncée le 11 mars dernier à la
Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme par une délégation péruvienne qui a rappelé que 24 civils sont morts et 649 ont été blessés lors de conflits sociaux depuis le début du gouvernement d’Ollanta Humala.

POURQUOI « CONGA NO VA »
• Parce qu’il va détruire cinq lacs de haute montagne, 260 ha de bofedales (prairies humides qui permettent de retenir les infiltrations d’eau de pluie) et les eaux souterraines,
• Parce qu’il est situé sur une source, zone d’écosystème fragile, zone protégée,
• Parce que Yanacocha a une autorisation d’utilisation de 900 L/sec, alors que toute la population de la ville de Cajamarca consomme 233 L/sec.
• Parce qu’il contamine l’eau des rivières et toutes les eaux de consommation humaine et
d’irrigation pour les pâturages et l’agriculture,
• Parce que l’utilisation du cyanure et le processus de lixiviation sont interdits dans les pays européens et aux USA en raison de leur dangerosité,
• Parce qu’il va à l’encontre de toutes les normes légales nationales (ordonnances municipales, régionales, Zonification Ecologique et Economique, Loi générale de l’Environnement, Constitution) et internationales (Droit à l’eau reconnu en 2010 comme partie intégrante des Droits de l’homme par résolution de l’ONU du 28 Juillet 2010).
• Parce qu’il va à l’encontre du droit des populations à être consultées pour tout projet affectant leur mode de vie (Déclaration des Nations Unies 2007, Conventions 169 de l’OIT et même Loi péruvienne votée en 2012),
• Parce qu’il repose sur un type de développement qui va à l’encontre de celui défendu par la population (une relation différente avec la nature fondée sur le respect, le bien-être, la justice sociale et le respect des générations futures).

UN PROJET SUSPENDU ?
Actuellement, le projet Conga est « suspendu », mais pas arrêté, puisque l’entreprise minière continue ses travaux subrepticement, appuyée dans sur l’intense militarisation de la région de Cajamarca. En parallèle, d’autres concessions ont été accordées à d’autres compagnies dans la région et le gouvernement met en place ses plans de persécution et pénalisation des opposants au projet, ainsi que des défenseurs des droits de l’homme.
Nous appelons la solidarité internationale à se renforcer jusqu’à l’annulation définitive du projet Conga et à demander au gouvernement péruvien l’arrêt immédiat du processus de criminalisation des dirigeants populaires et opposants à ce projet.

Comité de solidarité avec Cajamarca (lien ICI)
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Télécharger ICI le Fascilule « CONGA NO VA! Agua si, oro no ! »

un réseau qui réunit citoyens et associations autour de la ressource en eau en Île-de-France et sur tout le territoire français, sur tous les aspects: social, environnemental, économique, juridique, de la santé, culturel…