En surface, il n’y a pas grand-chose à voir : un derrick, une pompe à balancier, de longs tuyaux empilés. C’est sous les champs de Chartronges, en Seine-et-Marne, que tout se joue : le forage de cette plateforme d’exploration pétrolière doit s’enfoncer jusqu’à 3 100 mètres de profondeur, traversant au passage la roche mère enfouie dans la couche géologique du Lias (ou Jurassique inférieur), datant de plus de 175 millions d’années. >>>lire la suite de l’article sur le site du quotidien Le monde ICI
Le droit de dire non
L’accord commercial entre le Canada et l’UE menace la possibilité même d’interdire la fracturation hydraulique!
Alors que les états membres de l’Union Européenne (UE) analysent les conséquences environnementales du développement du gaz de schiste par la fracturation hydraulique, des négociations sont en cours pour un Accord Économique et Commercial Global (AECG) entre le Canada et l’Union Européenne. Controversé, ce dernier permettrait aux investisseurs de contester la décision des gouvernements de réguler ou d’interdire la fracturation.
L’ONG Corporate Europe Observatory (CEO) publie un document qui met en relief le débat public entourant la fracturation; les intérêts des compagnies pétrolières et gazières dans les réserves de gaz de schiste en Europe et les conséquences que la clause regardant la protection des investissements inclue dans l’AECG pourrait avoir sur le pouvoir des gouvernements de réglementer ou d’interdire la fracturation. Il comprend l’étude de cas de la société Lone Pine Resources Inc. versus le Canada, qui conteste le moratoire sur la fracturation et poursuit le gouvernement canadien en faisant valoir cette clause, et met en garde que cela pourrait se produire en Europe. Il recommande de ne pas inclure le mécanisme de règlement de litige entre les investisseurs et l’État dans l’AECG.
Lire le document ICI
Nanterre se prononce en faveur de la régie publique
A l’approche de la fin du contrat de délégation du Syndicat des Eaux de la Presqu’Île de Gennevilliers (dont fait partie Nanterre), le conseil municipal s’est prononcé le 26 mars pour la régie publique. Une course contre la montre est engagée, le Syndicat souhaitant prendre une décision le 29 mai et …éviter tout débat à ce sujet avec les citoyens dans la campagne des élections municipales. Une précipitation qui n’est pas justifiée par le calendrier technique de la fin du contrat prévue le 30 juin…2015! A noter que si un audit sur les différentes options possibles a été réalisé depuis par le Syndicat, la demande de la ville de Nanterre de « disposer d’un audit économico-financier, véritable bilan du contrat de délégation permettant de rendre compte de la réalité économique du contrat dans toute sa durée » n’a pas été satisfaite.
Ci-dessous les principaux extraits de la délibération votée dont le texte intégral ainsi que l’intervention de Christine Bourcet, adjointe au Maire, se trouvent en lien en fin d’article.
« La ville de Nanterre a transféré la compétence du service public de l’eau potable au Syndicat des Eaux de la Presqu’île de Gennevilliers.
Le Syndicat a lui-même fait le choix de déléguer ce service en concluant un contrat de délégation de service public avec la société Eau et Force depuis 2001.
Ce contrat de délégation de service public arrivera à échéance le 30 juin 2015. Cette perspective va amener le syndicat des eaux à se prononcer très prochainement sur le mode de gestion du service de l’eau à retenir pour la période au-delà de l’échéance.
(…)
Il faut remarquer que pour une consommation constante l’évolution de la facture d’eau payée par un ménage a été de 33,6 % en 10 ans (2002 – 2012), que le prix de l’eau seule (hors redevances) a augmenté de 27% alors que l’indice Insee des prix à la consommation a varié de son côté de 20,6 %. La charge générée par le service de l’eau sur les budgets des ménages prend donc une part de plus en plus importante.toute sa durée. Cela doit être le moyen d’initier un contrôle rigoureux qui a fait défaut jusque-là.
(…)
Les représentants de la ville de Nanterre ont multiplié, depuis plusieurs années, les interventions au sein du comité syndical afin d’obtenir davantage de transparence et de contrôle, et pour remédier à certaines anomalies constatées dans l’exploitation du service par le délégataire. Ils ont formulé différentes propositions, certaines ont été retenues permettant quelques avancées dans l’intérêt des usagers et d’une meilleure gestion du service. Mais d’autres se sont heurtées au « fondement même » du contrat actuel qui est sans risque ni péril pour le délégataire. Le contrat venant à échéance en 2015, les représentants de la ville demandent de pouvoir disposer d’un audit économico-financier, véritable bilan du contrat de délégation permettant de rendre compte de la réalité économique du contrat dans toute sa durée. Cela doit être le moyen d’initier un contrôle rigoureux qui a fait défaut jusque-là.
(…)
Le travail mené par les représentants de la ville au sein du comité syndical, ainsi que la réflexion engagée dans les ateliers citoyens qui se sont déroulés en 2012, ont permis une analyse développée du mode de gestion actuelle en DSP, et d’appréhender les enjeux de ce service public et des différents modes de gestion possibles.
L’ensemble de ces éléments conduit à soutenir la mise en place de ressources de direction, d’expertise et de contrôle au sein du Syndicat des eaux et à favoriser le choix d’un mode de gestion directe.
(…)
Article unique : Les représentants de la ville de Nanterre porteront lors des comités syndicaux du Syndicat des Eaux de la Presqu’île de Gennevilliers :
o Le besoin de la mise en place de ressources de direction, d’expertise et de contrôle au sein du Syndicat des eaux,
o Le choix d’un passage en gestion publique directe.
Lire :
La délibération du Conseil municipal du 26 mars 2013
L’intervention de Christine Bourcet
Nouveau réseau pour l’eau bien commun en Rhône-Alpes !
Une vague inédite, citoyenne et associative mobilise la société civile autour de l’eau bien commun en Rhône-Alpes ! Ce mouvement a pris la forme d’une association-réseau : la Coordination Eau Bien Commun Rhône-Alpes, qui se donne pour but de fédérer des organisations diverses et complémentaires : environnementales, culturelles et artistiques, de protection des consommateurs ou de défense du service public et des droits fondamentaux…
En lien avec la Coordination Eau Ile de France, sur la lancée du Forum Alternatif Mondial de l’eau (FAME), le nouveau réseau souhaite mutualiser moyens et expertise pour renforcer les actions existantes et pour devenir un acteur incontournable dans toutes les décisions qui concernent la ressource en eau en Rhône-Alpes.
ATTAC, WECF France, FRAPNA, ACER, SERA, ANCIELA, Cora Bio, Amis de la nature du Haut Beaujolais et de nombreux citoyens soutiennent la création de la Coordination Eau Bien Commun Rhône-Alpes pour porter l’eau en tant que bien commun au cœur des débats citoyens.
Natalia Dejean, Présidente de la Coordination Eau Bien Commun Rhône-Alpes, lance un appel à toutes les associations, collectivités et citoyens pour rejoindre la mobilisation en Rhône-Alpes en faveur de l’accès à l’eau en tant que droit humain universel. Car l’eau n’a pas de prix, elle doit rester un bien commun et ne pas être soumise aux lois du marché.
Parmi les premières thématiques évoquées, figurent le développement de l’agriculture biologique et la protection des champs de captage, la défense et la promotion du service public de l’eau, la tarification et l’accès à l’eau pour tous, la gestion du foncier, la lutte contre l’extractivisme, le changement climatique, la gestion écologique des cours d’eau et du Rhône… Un plan d’action est sur le point d’être défini avec les acteurs impliqués, la première action de la Coordination étant de recenser les acteurs rhônalpins qui portent des actions locales autour de l’eau et ses différents enjeux. La Coordination se fixe aussi pour mission d’organiser l’expertise citoyenne et publique pour aider les collectivités qui le souhaitent à retourner à une gestion publique.
Crée en avril 2013, l’association travaille déjà activement pour établir un plan d’action partagé.
Le réseau est ouvert à toute personne ou organisme intéressés.
Pour plus d’informations, contactez-nous ! ICI
Le SEDIF et les « acharnés »
Une nouvelle péripétie juridique entre le SEDIF et la Coordination EAU Île-de-France au sujet d’Est Ensemble.
En mai 2012, suite à un recours de la Coordination EAU Île-de-France, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la délibération de la Communauté d’agglomération Est Ensemble décidant d’adhérer au Syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF). Depuis, la Communauté d’agglomération a lancé un nouvel audit, confié au bureau d’études SP2000, dont les résultats sont attendus pour juin 2013. Mais Est Ensemble n’a pas revoté la délibération cassée. Est Ensemble ne fait donc toujours pas partie du SEDIF.
De son côté, la Coordination n’est pas restée les deux pieds dans le même sabot. Au début de l’année 2013, elle a rencontré le nouveau président de l’agglomération et s’apprête à rendre publiques ses propositions concrètes pour la gestion de l’eau dans l’agglomération. Sur sa lancée, elle a aussi déposé un recours contre le SEDIF qui a pris des décisions concernant Est Ensemble alors que l’agglomération n’en faisait pas partie. En février 2011, le SEDIF avait en effet décidé d’activer l’annexe 46 du contrat SEDIF VEOLIA, annexe qui concernait l’intégration d’Est Ensemble au SEDIF. Or à cette période, Est Ensemble n’était pas encore formellement adhérente au SEDIF et depuis la décision, on l’a vu, a été cassée. Mieux, cet annexe impliquait une baisse tarifaire (quasiment annulée depuis par les hausses successives) qui a été appliquée dès janvier 2011, avant que la délibération soit votée ! Et cet annexe au contrat avait été adopté en juin 2010, alors que l’agglomération n’était pas adhérente au SEDIF. C’est donc un abus de pouvoir manifeste. Le tribunal a cependant rejeté le recours de la Coordination, car il est trop tard pour dénoncer l’illégalité de la délibération de juin 2010. Il aurait fallu le faire dans les deux mois. Cela ne signifie pas pour autant que le tribunal délivre un brevet de légalité à cette délibération, comme tente de le faire croire le SEDIF dans son (petit) communiqué ! D’ailleurs, le tribunal a rejeté également les demandes du SEDIF (3000€!) contre notre association…
L’autre motif invoqué par le tribunal pour rejeter le recours de la Coordination est que la délibération du SEDIF de février 2011 mentionnait une réserve pour son application, concernant l’adhésion effective d’Est ensemble au SEDIF. Mais l’annexe 46 a été mis en application avant que cette condition soit remplie ! Comprenne qui pourra… Quoi qu’il en soit, ce jugement ne change pas grand chose. Nous n’avons pas fait un pas supplémentaire mais nous n’avons pas reculé. Est Ensemble ne fait toujours pas partie du SEDIF et la situation reste ouverte, ce qui est l’essentiel. Le titre du communiqué du SEDIF, outre qu’il est mensonger, constitue un aveu de faiblesse : une décision publique, normalement prise, n’a pas besoin d’être « confortée »…
Enfin le SEDIF dénonce « l’acharnement » de la Coordination Île-de-France à son encontre: c’est un hommage du vice à la vertu. Oui, nous sommes acharnés contre une délégation de service public à la même entreprise depuis 90 ans ! Oui, nous sommes acharnés contre un des tarifs les chers de France ! Oui, nous sommes acharnés contre une surfacturation imposée aux populations les plus démunies ! Oui, nous sommes acharnés contre le verrouillage politique exercé par le même président depuis trente ans ! Que le mastodonte s’irrite des piqûres du moustique est plutôt bon signe…Continuons à nous acharner ensemble! Acharnez-vous !
Gaz de schiste : trésor empoisonné ou nouvel Eldorado?
La problématique des gaz de schiste et de l’eau, vue de Tunisie, par Mohamed Larbi Bouguerra.
« Dès que l’on parle pétrole ou gaz, sans être atteint de « complotite » aiguë, on ne peut s’empêcher de penser que manœuvres, chausse-trappes et barbouzes ne sont jamais bien loin. Le jargon diplomatique parle de géostratégie. Sid Ahmed Ghozali, ancien chef du gouvernement algérien et fondateur de la Compagnie Nationale Pétrolière Sonatrach avertit : « A travers toute la planète, les puissants cherchent sans relâche, par d’autres moyens que par le passé, à piller les richesses des pays les plus fragiles. » (L’Humanité, 19 au 21 octobre 2012, p.16-17). Manifestant contre le gaz de schiste devant l’ANC le 21octobre, certains citoyens ne s’y sont pas trompés en criant à l’adresse des représentants de la Nation: « Ne vendez pas le pays ! »
Dans le cas du gaz de schiste en effet, la technique prétendument révolutionnaire de la fracturation hydraulique n’a-t-elle pas été mise au point par le géant de l’armement américain Halliburton ? Rappelons que cette entreprise colossale est celle qui a dévasté l’Irak et enrichi les va-t’en guerre yankees et, à leur tête, l’ancien vice-président ultraréactionnaire Dick Cheney, grand manitou de cette méga-entreprise qui rêve de se passer du gaz russe ou iranien. On comprend alors aisément le succès récent et fulgurant de cette technique aux Etats Unis : elle y a obtenu des subventions énormes de la part de nombreux Etats alors que depuis 65 ans, l’exploitation du gaz de schiste se faisait à une échelle modeste, presque artisanale, si on peut dire, dans une trentaine d’Etats. En France, les permis d’exploration ont été accordés au printemps 2010 par le gouvernement Sarkozy et intéressent le sud-est du pays (Ardèche, Montélimar…)
Chez nous, en septembre 2012, Shell a été autorisé par le gouvernement à effectuer les premières explorations (entendons-nous bien : exploration et non exploitation ?) de gaz de schiste dans le Kairouannais.
En 1927, c’est un peu plus au sud que les frères Schlumberger ont vérifié leurs résultats alsaciens de la technique d’analyse électrique des sols qui devait révolutionner l’exploration pétrolière et conduire à la création, en 1931, de la première société d’exploration d’hydrocarbures dans notre pays.
La littérature signale que, depuis 2010, des sociétés comme Winstar Resources, Perenco ou Cygam Energy ont déjà commencé à utiliser chez nous la technique de la fracturation hydraulique. Ce qui pose de prime abord la question de la transparence de l’octroi de ces permis et l’information des populations concernées. En France, par exemple, les présidents de région ont leur mot à dire en cette matière et les autorisations accordées par Paris peuvent être contestées devant les juridictions administratives. Du reste, devant la levée de bouclier des défenseurs de l’environnement, le gouvernement a dû prononcer un moratoire, le 04 février 2010, sur les forages d’exploration faisant appel à la fracturation hydraulique dans l’attente des rapports de commissions ad hoc sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux des hydrocarbures de roche-mère (gaz et huile de schiste)
Comment ça marche ?
La recherche de gaz traditionnel est relativement facile : schématiquement, les hydrocarbures sont emprisonnés dans des poches, par des couches géologiques imperméables vers lesquels ils ont migré après leur formation dans la roche–mère (diagénèse). Il suffit alors de percer à la verticale, sur quelques centaines de mètres, pour que le gaz s’échappe à la surface. Il se compose essentiellement de méthane CH4, le corps le plus simple de la chimie organique. S’agissant du gaz de schiste, on a à faire à des micropoches de gaz emprisonné dans des structures géologiques marneuses ou argileuses – roche-mère – qui se situent à 2500 mètres de profondeur. On est donc face à une ressource diffuse. Pour réunir ces micropoches en une seule pour en faciliter l’extraction, il faut bouleverser la géologie locale appartenant généralement au Jurassique ou au Carbonifère moyen ou supérieur. On crée alors des brèches dans ces structures par explosif puis on fracture l’ensemble par un liquide de fracturation – mélange d’eau, de sable et de produits chimiques – sous une très forte pression. Le gaz remonte alors à la surface avec une partie du liquide de fracturation. Mais comme la fracturation ne s’étend pas sur une grande distance étant donné la pression opposée par le sol, il faut refaire un autre puits, à 600 mètres du premier. Généralement, au bout d’une quinzaine de stimulations (hydraulique, chimique…), un forage est abandonné. On a alors un véritable « mitage » du terrain – criblé par plusieurs puits, en moyenne tous les 600 mètres – qui deviendra proprement inutilisable pour bien longtemps. A chaque opération (on parle de frack), il faut utiliser entre 10 et 20 000 m3 d’eau (soit 10 à 20 millions de litres) d’après un rapport officiel commandé par le gouvernement français et publié au cours de l’été 2011. Aux Etats Unis, on compte 500 000 forages et il faut en moyenne 3 forages par km2 avec pistes d’accès, unités de séparation eau/gaz-pétrole, bassins de rétention des eaux de retour de fracturation, réservoirs de stockage (pour le gaz) et stations de pompage et compresseurs.
On voit donc les dangers de cette affaire : on crée des microséismes, on bouleverse le paysage, on utilise d’énormes quantités d’eau et il faut récupérer l’eau de fracturation remontant avec le gaz. Cette eau est bien entendu particulièrement polluée par les produits chimiques (acides, lubrifiants…) et a collecté au passage, dans le sous-sol, métaux lourds (mercure, cadmium…), bactéries voire des éléments radioactifs tels le radium, l’uranium, le radon, le thorium… que l’on a retrouvé dans l’eau potable d’après mon ami le Pr André Picot (CNRS, France). Ces derniers éléments sont de redoutables agents cancérogènes pulmonaires chez l’homme (Groupe 1 du Centre International de recherche sur le cancer (CIRC) de Lyon). Pour assurer l’alimentation en eau du forage, il faut une véritable noria de camions citernes… qui vont donc alourdir l’empreinte carbone de l’opération en polluant l’air avec leur gaz d’échappement. De fait, il faut 1000 camions d’eau de 20 tonnes chacun par forage si l’eau nécessaire au moment du forage n’est pas disponible sur place (nappes phréatiques utilisables ou pipeline). On relèvera que lors de sa remontée, le gaz peut s’échapper – ainsi que des composés soufrés gazeux – vers l’atmosphère. Or, le méthane est un gaz à effet de serre particulièrement puissant puisque son effet est bien supérieur à celui du gaz carbonique. Enfin, les nappes phréatiques souterraines peuvent être polluées par le liquide de fracturation et devenir impropres à la consommation. Sur le plan écologique, on voit ainsi les sérieux reproches que l’on peut adresser à l’exploitation du gaz de schiste.
Un potentiel énorme… mais à un prix exorbitant ?
Pour autant, les spécialistes font remarquer que les ressources en gaz de schiste seraient du même ordre que celles du gaz conventionnel comme celui du Qatar, d’Algérie, d’Iran…. Des chiffres, pas toujours sûrs, créditent par exemple, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient de 75000 milliards de m3. Pour toute la planète, ce chiffre serait de 500 000 milliards de m3 de gaz. Aux Etats Unis, le gaz de schiste représente 14% de la production totale de gaz et les projections prévoient de porter cette proportion à 45% à l’horizon 2035. Mais au pays du libéralisme effréné, les habitants de la ville de Fort Worth dans le Texas voient l’eau du robinet chargée en méthane des forages voisins. Ceux de Pavilion, dans le Wyoming, se plaignent de l’odeur et du goût de l’eau de leurs puits et le cas du forage de Marcellus Shale, en Pennsylvanie, pose un sérieux problème car il vomit des saumures extrêmement chargées en sels divers. De son côté, le forage de Baldwin Hills, en pleine ville de Los Angelès, constitue un véritable scandale national car il pollue l’air et les nappes souterraines et augmente l’activité sismique dans une région déjà très sensible aux tremblements de terre. Quoi qu’il en soit : Business must go on… dans le pays de l’Oncle Sam, n’est-ce pas ? Pire : les milieux d’affaires flairent le bon filon : ils préparent produits chimiques, filtres, membranes et biocides pour traiter, en conformité avec la réglementation, les eaux de fracturation avant de les stocker ou de les diriger vers les stations de traitement ou le milieu récepteur. Tâche herculéenne étant donné les gigantesques volumes en jeu mais…. marché à cinq milliards de dollars, et qui va doubler d’ici 2025 prédisent ceux qui connaissent le prix de toute chose et ignorent la valeur des choses comme disait le poète Lord Byron.
Plaintes en série !
Si donc de tels errements se produisent là-bas, on peut imaginer les dégâts qui attendent dans les pays du Sud.
Les scientifiques américains ne cessent pourtant de tirer la sonnette d’alarme face aux menées irresponsables des pétroliers. Ainsi, le professeur de pédiatrie Jérôme Paulson, de la Faculté de Médecine et des Sciences de la Santé de l’Université George Washington affirme : « Cette technique d’extraction non conventionnelle de gaz pose une foule de questions au médecin et à l’environnementaliste et il faut trouver des réponses. » Quant au professeur Robert Howarth de l’Université Cornell à Ithaca dans l’Etat de New York, témoignant en juin dernier, devant le sous-comité de la technologie de la Chambre des Représentants, il devait déclarer : « S’agissant de la recherche, Il existe un fossé troublant sur la fracturation hydraulique car le procédé est si nouveau ; en outre, la moitié de tous les forages ont été réalisé au cours des trois dernières années. Ce qui signifie que les études relatives à son impact ont été réalisées au cours des quatorze derniers mois. » et l’homme de science de pointer les points litigieux méritant une étude approfondie : pollution de l’air par le méthane et l’ozone, contamination des eaux souterraines et de surface, réhabilitation des sites… Les craintes, parmi la population, sont patentes : ainsi l’Etat du Wyoming exige maintenant des entreprises de forage de publier la liste des produits chimiques utilisées lors de la fracturation car « les gens ont le droit de connaître les substances répandues dans leur environnement et auxquelles ils sont exposés ; de plus les médecins dans les services d’urgence doivent être informés pour pouvoir éventuellement traiter les patients. »
La Tunisie a besoin d’emplois, diront certains, et le gaz de schiste pourrait donner du travail à nos concitoyens. Un rapport américain en faveur de l’exploitation du gaz de schiste évoque 15 000 emplois pour 3500 puits, soit moins de cinq personnes par puits. Mais un contre-rapport produit par l’ONG Food and Water Watch affirme que ces chiffres sont surestimés. Un économiste canadien cité par la Coordination des Collectifs du nord de la Loire contre le gaz de schiste obtient 30 emplois par puits, considérant qu’une équipe de 300 personnes peut forer dix puits en un an. Ce chiffre inclut les chauffeurs de camion, les terrassiers… En fait, au cours de la phase d’exploitation, le process est pratiquement automatisé. D’après les chiffres américains, il faut 28 emplois pour surveiller une centaine de puits. On voit ainsi que l’employabilité du gaz de schiste ne peut faire rêver !
Mais, le gaz de schiste peut-il diminuer notre facture carburant ? Hélas, non – du moins s’agissant de l’Europe – conclut une étude réalisée en décembre 2010 par l’Oxford Institute of Energy Studies de Grande Bretagne. Il est possible que le gaz algérien demeure plus attractif pour nous.
Dernier reproche (encore un !) : D’après Fatih Birol, de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), le boom du gaz de schiste aux Etats Unis a entraîné une baisse de 50% des investissements dans les énergies renouvelables (éolien, solaire). Il tend à perpétuer l’énergie fossile carbonée et donc les rejets de gaz à effet de serre. Le réchauffement climatique devrait donc continuer avec des conséquences dramatiques pour l’Humanité. Il est cependant vrai que le gaz de schiste, à kilowatts-heures égaux, produit moins de gaz carbonique que le charbon et le pétrole. En outre, c’est la plus souple des énergies : une turbine à gaz peut prendre le relais d’un champ d’éoliennes en quelques minutes.
Enfin, on ne peut passer sous silence la question de l’après production, lorsque les milliers de puits seront épuisés, à l’abandon et que le gaz ou le pétrole libérés continueront leur ascension vers la surface dans des formations géologiques chamboulées et fracassées.
Notre pays, face à ces aspects de la fracturation hydraulique, doit prendre des décisions qui engagent l’avenir et les générations futures. Rappelons que le gaz est une richesse que nous n’avons pas produite et que la nature a mis des millions d’années à créer. Elle n’est pas éternelle.
Maintenant que la page du pouvoir personnel et des oukases dictatoriaux est tournée, il nous faut une vision d’avenir et de bonne gouvernance de nos ressources, de toutes nos ressources. A cet égard, seule la transparence est de mise. Une conférence nationale, ouverte aux associations, aux représentants des régions concernées et à des experts n’ayant pas partie liée avec les pétroliers devrait être convoquée et décider du devenir de cette technique dans notre pays… où la question de l’eau se pose avec une particulière acuité. Trésors et eldorado n’existent, hélas, que dans les contes ! «