Pour Joël Josso, secrétaire de la Coordination EAU Île-de-France, les annonces du Plan eau sont soit insuffisantes, soit trop tardives. Reste la fuite en avant sur des sujets cruciaux comme l’agriculture et le système de gestion. Tribune publiée dans L’Humanité du 22 mai.
Emmanuel Macron, par-delà des éléments de constat difficilement discutables, ne se pose aucune question sur la gestion de l’eau passée, et ne propose aucune grande orientation pour l’avenir. Il affirme qu’il faut un changement de modèle agricole mais ne remet pas en cause l’agrochimie et l’agriculture intensive, et précise : « Nous allons avoir plus de surfaces irriguées dans les années à venir. » Et toujours avec de l’argent public. Les 53 mesures du plan sont notoirement insuffisantes et arrivent avec dix ans de retard sur les nécessités. Elles sont catastrophiques sur la fuite en avant technologique et le soutien aux nouvelles retenues d’eau. Pas un mot sur les évolutions nécessaires en matière de consommation carnée, pour « moins de viande, mais mieux de viande » avec une agriculture paysanne. Sans mesure dans ce sens, la consommation d’eau ne pourra diminuer. La FNSEA doit se frotter les mains.
Face à la sécheresse, un superbe gadget, l’Ecowatt de l’Eau, va être mis en place. Pour les ministères ce sera un plan de sobriété. Un peu tard ? Macron parle d’économiser 10 % d’eau, mais lors du Varennes de l’eau, l’objectif était de 20 %. Il a également affirmé qu’il fallait s’inspirer de l’Espagne, alors que l’on sait que la sécheresse y est catastrophique et que certaines pratiques agricoles risquent d’amener ce pays à un effondrement conduisant à une crise de l’eau jamais vue. Rien sur le contrôle des forages illégaux. Rien pour aider les agriculteurs dans l’impérative mutation de ce secteur. En matière de fuites d’eau et de qualité de l’eau, ce plan ne remet pas en cause l’actuel système de gestion. « L’eau paye l’eau. » Dans l’agglomération du Beauvaisis, par exemple, chaque année ce sont 600 000 m3 qui sont perdus, soit près de 1 500 piscines olympiques, mais cela ne semble pas poser problème à Veolia, chargé de ce service.
Les centrales nucléaires actuelles représentent un prélèvement d’eau considérable. Certaines ne fonctionnent que grâce aux dérogations des préfets sur la température de rejet dans le milieu. Sans cela, 20 à 25 % de nos centrales seraient arrêtées chaque année. »
Les chiffres annoncés par le président pour aider au renouvellement des canalisations sont totalement ridicules par rapport aux besoins. Presque rien sur les pollutions et au contraire l’affirmation de la poursuite de l’agrochimie… mais on y ajoute le mot miracle « durable ».
Quelques mots sur une nouvelle gouvernance de l’eau, mais pas un mot sur la place des citoyens et des associations. Pas un mot non plus sur le nucléaire. Les centrales actuelles représentent un prélèvement d’eau considérable. Certaines ne fonctionnent que grâce aux dérogations des préfets sur la température de rejet dans le milieu. Sans cela, 20 à 25 % de nos centrales seraient arrêtées chaque année. Et ce sera pire dans les années à venir. Mais on vise, dans une fuite en avant, 10 ou 15 EPR de plus avec de l’eau en circuit fermé dont personne ne sait comment cela peut se faire. Macron fait avec l’eau comme avec le climat, de belles phrases mais aucune remise en cause du système actuel, et le président risque de nous dire : « Qui pouvait prédire… »
Ces annonces sont soit insuffisantes, soit trop tardives. Reste la fuite en avant sur des sujets cruciaux comme l’agriculture et le système de gestion.