Huit parlementaires issus des groupes écologiste, socialiste, LFI, Liot ou encore LR présentent mercredi 22 mars une proposition de loi visant à inscrire le droit à l’eau potable et à l’assainissement dans le bloc constitutionnel. En France, plus d’un million de ménages ont des difficultés d’accès à l’eau. ParJuliette Paquier, dans La Croix.
Reconnaître l’accès à l’eau comme un « droit humain ». C’est l’objectif de la proposition de loi transpartisane présentée lundi 20 mars par huit députés des groupes écologiste, LFI, LR, Liot et Horizons. Parmi eux, on trouve notamment Mansour Kamardine (LR), Olivier Serva (Liot) et Marcellin Nadeau (Péyi-A, parti politique martiniquais), trois députés des outre-mer, territoires dans lesquels l’accès à l’eau potable reste particulièrement difficile.
Cette proposition de loi s’appuie également sur une recommandation du Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans son avis d’octobre 2022 sur « la gestion de l’eau et de l’assainissement dans les outre-mer ».
Lacunes dans les outre-mer
Plus d’un million de ménages français auraient aujourd’hui des difficultés à régler leurs factures d’eau et 150 000 personnes seraient privées d’accès à l’eau potable, selon Coalition eau, ONG engagée pour le droit humain à l’eau.
La situation s’avère particulièrement préoccupante dans les outre-mer : à Mayotte, 31,5 % des familles vivent sans eau courante, tandis qu’à La Réunion 46 % des usagers alimentés par des réseaux ne garantissent pas une sécurité sanitaire satisfaisante. Un quart de la population de Guadeloupe n’a en outre pas accès tous les jours à l’eau, du fait des coupures.
Malgré un « plan eau DOM » lancé en 2016 par le gouvernement pour améliorer l’assainissement de l’eau dans ces territoires, les parlementaires relèvent des lacunes dans la législation pour des situations « très concrètes ».
Ils citent par exemple le « non-raccordement à l’eau potable et à l’assainissement des campements et des bidonvilles », les « tarifs excessifs de l’eau potable dans certains territoires, en particulier ultramarins », comme en Martinique, la « non‑accessibilité de l’eau potable pour des populations entières comme à Mayotte », ou encore les « toilettes et bains‑douches inexistants ou payants ».
L’eau, « patrimoine commun »
Dans la législation française, il n’existe pas de droit fondamental à l’accès à l’eau ou à l’assainissement. L’eau est reconnue comme « patrimoine commun de la nation » par le code de l’environnement et son usage « appartient à tous », mais la notion de droit à l’assainissement n’y figure par exemple pas. La loi Brottes de 2013 interdit les coupures d’eau ou la réduction du débit en cas d’impayés, mais elle n’est pas toujours respectée par les opérateurs.
Au niveau européen, l’accès à l’eau est encadré par une directive votée en 2020, qui invite les États membres à prendre « les mesures nécessaires pour améliorer ou préserver l’accès de tous aux eaux destinées à la consommation humaine, en particulier des groupes vulnérables et marginalisés ».
Indication de volonté politique
Face à cette situation, inscrire le droit à l’eau comme un « droit humain fondamental » au bloc constitutionnel permettrait, selon les parlementaires, de constituer un «droit opposable à l’accès à l’eau potable pour tous et toutes » et ainsi d’aller plus facilement devant la justice. « La reconnaissance de ces droits de l’homme dans la constitution d’un pays est une indication de la volonté politique de fournir un accès universel à l’eau et à l’assainissement », souligne l’ONG Action contre la faim dans un rapport de 2022.
Ce n’est pas la première fois que des parlementaires tentent d’inscrire le droit à l’eau dans le bloc constitutionnel. À plusieurs reprises, ces dernières années, des députés de La France insoumise (LFI) ont proposé de mentionner dans la Constitution le « droit inaliénable d’accès à l’eau potable ». Le candidat LFI à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon avait également porté la proposition dans son programme.