Communiqué de l’UGICT-CGT publié le 14 décembre 2016. Le 15 décembre, le CODERST (conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques ) de l’Essonne se réunit en préfecture avec, à son ordre du jour, une question particulièrement lourde de conséquence pour la santé des habitants des communes concernées:
Il s’agit de prolonger une nouvelle fois la dérogation réclamée par Suez (ex-Lyonnaise des eaux) pour distribuer une eau potable dont la teneur en selenium, un élément toxique dépasse les limites prescrites, depuis plus de 10 ans dans plusieurs communes du sud Essonne.
Cette dérogation concerne les captages d’eau souterraine opérés dans les communes de Courdimanche -sur-Essonne et Gironville sur Essonne (qui desservent ces 2 communes et celles de Boutigny, Vayre, Prunay, Buno-Bonnevaux) et dans une moindre mesure le captage de Saclas, géré par la soeur-ennemie de Suez, Veolia).
Le selenium, de quoi s’agit-il?
Le sélénium est très répandu naturellement dans l’environnement. Mais il arrive aussi qu’il se retrouve en quantité anormale dans les eaux potables car, dans le passé, beaucoup de fertilisants riches en sélénium ont été utilisés sur les terres agricoles, notamment dans notre département ainsi que pour certaines activités industrielles.
Une étude officielle a été réalisée sur le Sélénium il y a 4 ans pour le compte de l’agence de l’Eau Seine Normandie à partir de l’exemple de ces captages essonniens. Elle rappelait que, à forte dose, les effets du sélénium pouvaient se traduire par « des atteintes cutanées, respiratoires, troubles gastro-intestinaux, dentaires ou neurologiques« . Cette étude rappelait aussi que les connaissances, tant sur les causes que sur les conséquences de la présence du séléniumdans l’eau restaient insuffisantes.
Des risques qui ont conduit les pouvoirs publiques à ramener en 1989 le taux maximal admissible de selenium dans l’eau potable à 10 microgramme par litre d’une part, et à exiger des dispositifs de filtration plus efficaces (ultrafiltration) à l’égard de ce polluant.
Quelle réaction des pouvoirs publics face à la désinvolture insupportable de Suez à l’égard de ses responsabilités sanitaires?
Au-delà du dépassement des normes relevé pour le sélénium, ce qui est particulièrement inquiétant dans cette affaire, c’est la désinvolture des délégataires des services d’eau potable, et le laxisme des pouvoirs publics à l’égard de ce comportement irresponsable. Difficile en effet d’invoquer dans cette affaire un relevé atypique, ou un incident inopiné requérant un délai pour rentrer dans les clous : la norme en matière de sélénium a été fixée il y a 27 ans (1989) , et les dépassements des normes pour les captages de Suez dans le sud Essonne sont constants et permanents depuis plus de 10 ans.
Difficile également de prétendre que les procédés de traitement de cette pollution soient hors de portée d’une multinationale telle que Suez; la petite régie publique voisine de Champmotteux (385 habitants) confrontée il y a 10 ans au même problème, distribue aujourd’hui une eau tout à fait dans les normes.
Une nouvelle illustration des dégâts de l’emprise persistante des multinationales de l’eau sur de trop nombreux élus et services de l’Etat.
Faute d’autre explication, il faut donc se rendre à l’évidence: on a ici affaire à une nouvelle démonstration du comportement de soumission et passivité dont témoignent certains élus locaux reconduisant depuis des décennies des DSP (Délégation de services public) aux mêmes délégataires pour leur eau potable. Au mépris de la santé publique dans ce cas, ou ailleurs en approuvant des rapports d’activités qui ne comportent toujours pas l’information obligatoire sur le rendement des réseaux propre à chaque service d’eau potable.
Avec le renforcement des prérogatives des intercommunalités, finie l’impunité pour les multinationales?
Côté discours, la loi NOTRe promulguée l’an dernier nous était présentée comme renforçant les prérogatives des collectivités en matière d’eau et d’assainissement, devenus une compétence obligatoire des communautés d’agglomération ou de communes, et obligeant la mosaïque de syndicats existant en ce domaine à leur céder la place.
Curieusement, l’Essonne tourne le dos à cette logique: en effet, le 29 mars 2016, un mois avant son départ, le préfet d’alors de notre département, Bernard Schmeltz, signe précipitamment un arrèté sur la coopération intercommunale qui attribue en fait la gestion de l’eau potable à un mégasyndicat qui couvre le tiers du département et intervient sur 5 différentes communautés d’agglomération ou de communes.
Une sorte de remake à l’échelle essonnienne du SEDIF dans la petite couronne parisienne: En effet, on assiste, avec cet arrèté préfectoral, à une absorption par le SIARCE de tous les syndicats d’eau potables existants dans le secteur . Avec désormais un seul acteur politique pour « veiller » à la pérennité des intérêts de Suez et Veolia qui se partagent la distribution de l’eau dans le territoire de ce méga-SIARCE. Un Siarceainsi considérablement renforcé et positionné comme fer de lance de la controffensive des multinationales, face au mouvement de retour en régie de la gestion de l’eau potable en Essonne (5 régies créées en 5 ans au bénéfice de près de 300 000 essonniens) .
Et avec qui, aux commandes de cette opération ?
Un homme politique qui évoque plutôt la face obscure du monde politique essonnien, un certain M. X. Dugoin, conseiller municipal de Mennecy et accessoirement président du SIREDOM, 2ème syndicat de traitement des ordures ménagères en France. Tout cela bien entendu, après une large consultation des habitants.
Et si , cette fois-ci….
Et si les Essonniens refusaient de se laisser berner une nouvelle fois?
Et s’ils s’exprimaient pour exiger du préfet et de leurs élus qu’ils relèvent la tête et refusent de cautionner les abus de pouvoirs des multinationales de l’eau ?
Il ya en tout cas urgence à interpeller nos dirigeants le plus largement dans ce but
14 décembre 2016