Yvelines : pour avoir un meilleur tarif, doit-on rendre publique la gestion de l’eau ?

Une pétition réclame l’ouverture du débat avant que les contrats en cours ne se terminent. Si l’agglomération de Versailles Grand Parc se dit prête à étudier la question, celle de Saint-Quentin-en-Yvelines n’y voit pas d’intérêt. Par Julie Ménard et Mehdi Gherdane, le 21 février 21.

Douze. C’est au minimum le nombre d’acteurs gestionnaires de l’eau sur le territoire regroupant les communautés d’agglomération de Versailles Grand Parc et de Saint-Quentin-en-Yvelines.

Entre la distribution de l’eau potable prise en charge par différents prestataires qui délèguent eux-mêmes à d’autres grands groupes, et l’assainissement qui dépend de plusieurs stations d’épuration gérées par des syndicats indépendants… C’est à en perdre le fil !

Cette situation, ils sont au moins 269 à ne plus en vouloir. Ils sont signataires de la pétition lancée par le collectif EauVSQY en ce début d’année. Il réclame une gestion publique de l’eau. Parmi eux, quatre maires de gauche : Didier Fischer à Coignières, François Morton à Guyancourt, Bertrand Houillon à Magny-les-Hameaux et Ali Rabeh à Trappes.

« J’estime que l’eau est un bien public de l’humanité, explique ce dernier. Le privé n’est pas l’outil le plus pertinent. La gestion publique permettrait une économie et une politique plus vertueuse et des prix plus justes. »

Les bénéfices des grands groupes dans le viseur

Le lissage des tarifs sur l’ensemble des communes, c’est l’un des arguments principaux du collectif. « Rien qu’à Élancourt, on a repéré au moins quatre tarifs différents de l’eau », rapporte Guy Chayvialle, un ancien maire adjoint (PCF).

L’autre point qui revient sur toutes les lèvres concerne les parts financières reversées aux actionnaires des grands groupes derrière les délégataires des services de l’eau. Car pour être rentable, un contrat doit rapporter de l’argent. Des montants qui ne sont, de fait, pas réinvestis dans l’entretien du réseau de canalisations.

Nicolas Kaczmarek est un militant d’Attac installé à Versailles. Ami des chiffres, il s’est plongé dans les rapports de plusieurs délégataires il y a quelques années déjà.

Voici quelques-unes de ses observations : « En 2018, Suez, sur les recettes du contrat Seop sur Saint-Quentin-en-Yvelines et Versailles Grand Parc, a remonté 993 000 € à la maison mère. Pour avoir un ordre d’idée, la somme totale dépensée cette année-là pour le renouvellement des réseaux et les investissements c’est 5 449 000 €. En 2018, le taux de renouvellement du réseau de canalisation a été de 0,26 % quand la moyenne nationale est à 0,6 %. À ce rythme-là, il faudra 378 années pour renouveler tout le réseau sur le territoire, alors que la durée de vie d’une canalisation est de 40 ans ! »

Versailles gère son eau seule

Les plus gros contrats qui concernent ces deux agglos se terminent en 2025 ou 2026. Pour tous les signataires de la pétition, il y a donc urgence à débattre de ce sujet et à lancer les études de faisabilité.

La gestion en régie publique est-elle possible partout ? Combien cela coûterait aux collectivités ? Quel serait l’impact sur la qualité du réseau ? Sur les prix pour les consommateurs ? Certaines communes comme Limay (lire ci-dessous) l’ont déjà fait. Paris, Nice, Grenoble, Rennes, Cherbourg ont également franchi le pas.

Et même… Versailles! La ville gère elle-même la partie assainissement depuis 1955, avec succès. Marc Tourelle, vice-président (DVD) de Versailles Grand Parc chargé de l’eau reconnaît que la pluralité des acteurs mérite d’être réévaluée.

« Nous allons lancer dans les semaines qui viennent une étude de gestion pour tenter de donner un peu de cohérence à tout ça. Vu les dates de fin de contrat le travail doit se faire dès maintenant. »

« C’est la concurrence qui baisse les prix »

Celui qui assure n’avoir aucun a priori sur les différents modes de gestion possibles reste tout de même réaliste. « C’est absolument impossible d’avoir une unité de prix partout car cela dépend de la modernité des stations d’épuration et de la distance qui les sépare des habitations. »

À Saint-Quentin-en-Yvelines en revanche, le sujet n’intéresse pas beaucoup. Le président (DVD) de l’intercommunalité, Jean-Michel Fourgous, n’a pas l’intention de financer des études coûteuses sur le dos du contribuable.

« Le cahier des charges est le même pour le public ou le privé et c’est la concurrence qui baisse les prix. Qu’on m’apporte des arguments scientifiques sérieux. Je suis très respectueux des compétences, pas des idéologies. On parle de collectif alors qu’il ne s’agit que de gens de gauche. Je ne suis pas certain que les jeux politiques soient productifs. » L’élu s’engage cependant à recevoir et écouter les membres d’EauVSQY : « C’est mon rôle »

À LIMAY, LA RÉGIE A FAIT BAISSER LES TARIFS DE 40 %

En 2015, Limay lançait sa régie publique de l’eau grâce à son dispositif « le droit à l’eau pour tous ». La municipalité communiste entendait reprendre en main la gestion et la distribution de l’eau potable à ses 16 000 habitants. Cinq ans après, c’est un succès pour le consommateur. Les prix ont baissé de presque de moitié notamment grâce à la ristourne de 40 % mise en place pour une consommation moyenne.

Au-delà d’un certain volume, une majoration est toutefois appliquée afin d’éviter la surconsommation. « Le transfert de cette régie s’est fait sans aucune dette et avec des budgets parfaitement équilibrés », rappelait il y a quelques mois, Djamel Nedjar, premier adjoint (DVG) au maire, notamment chargé de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire.

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