Afrique, Covid-19 et eau

Dans une tribune publiée par Le Monde, Fadel Ndaw, ingénieur en eau et assainissement à la Banque mondiale, montre que, face au Covid-19 et à d’autres pandémies, la disponibilité en eau potable à proximité des habitations est un impératif. En effet, entre 70 et 80 % des maladies sur le continent sont dues à la mauvaise qualité de l’eau et à l’absence d’installations d’assainissement adéquates. Au-delà de ces constats largement partagés, il faut ouvrir le débat sur les solutions.

Alors que la première recommandation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour se protéger du coronavirus est de se laver les mains fréquemment avec du savon, il est évident que pour lutter de façon durable contre la propagation du Covid-19 et prévenir toutes les pandémies à venir, la disponibilité d’eau potable à proximité immédiate des habitations pour l’ensemble de la population est un impératif.

C’est le même constat qu’ont fait  40 associations françaises dans une tribune parue dans Libération le 13 mai.

Des constats partagés

Or, poursuit Fadel Ndaw, en Afrique subsaharienne, près de 63 % des populations urbaines, principaux foyers de la maladie, ont du mal à accéder aux services élémentaires d’alimentation en eau et ne peuvent pas se laver les mains. On estime qu’entre 70 et 80 % des maladies sur le continent sont dues à la mauvaise qualité de l’eau et à l’absence d’installations d’assainissement adéquates, comme la dysenterie et le choléra, qui sont parmi les principales causes de mortalité infantile.

Les gouvernements africains viennent de mettre en place des plans d’urgence pour lutter rapidement contre la crise de Covid-19. Mais la plupart de ces plans mettent surtout l’accent sur la réponse d’urgence sanitaire et peu sur l’amélioration de l’accès à l’eau et à l’assainissement, si ce n’est à travers l’installation d’équipements pour le lavage des mains dans les centres de santé et autres lieux publics.

Fadel Ndaw propose plusieurs solutions pour  la fourniture de services d’eau, d’assainissement et d’hygiène à l’ensemble des Africains. La première est d’augmenter les investissements : actuellement, les pays africains ne consacrent pas plus de 0,5 % de leur PIB à ce secteur et n’y investissent qu’une petite partie de l’aide internationale. Le problème, c’est que l’aide internationale dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, apportée par des Etats ou des organismes comme la Banque mondiale, est essentiellement fournie sous forme de prêts et non de dons. Dans ces conditions, il n’est pas difficile de comprendre que les Etats africains réfléchissent à deux fois avant de l’accepter! La solution est donc en grande partie entre les mains de la Banque mondiale. Il suffit qu’elle privilégie elle-même les dons plutôt que les prêts et encourage les Etats à faire de même.

A quand un changement de doctrine à la Banque mondiale?

La seconde solution proposée par Fadel Ndaw consiste à Garantir la viabilité financière des sociétés de traitement et distribution d’eau. Selon une étude récente de la Banque mondiale sur la performance des services d’adduction d’eau en Afrique, la moitié des sociétés ne disposent pas de recettes suffisantes pour couvrir leurs coûts d’exploitation et d’entretien. Il faudra donc renforcer les capacités opérationnelles et la résilience des sociétés publiques ou privées, afin qu’elles puissent fournir de l’eau de bonne qualité, en quantité suffisante et à un tarif politiquement et socialement acceptable tout en étant viables financièrement. 

Mais jusqu’à présent, la Banque mondiale a fait la promotion du recouvrement total des coûts: selon cette règle, la facture des usagers devait recouvrir l’ensemble des coûts d’exploitation et d’entretien (et même les investissements). Bien entendu, cela n’a jamais marché, cela ne marche pas -comme le reconnaît implicitement Fadel Ndaw- et cela ne marchera jamais. C’est même une hypocrisie monstrueuse de demander aux pays les plus pauvres de faire financer par les usagers la construction et l’entretien des réseaux alors qu’à l’origine et pendant très longtemps dans les pays développés, ces investissements ont été fait par la puissance publique et que le recouvrement total des coûts (et la facture) ne sont venus que tardivement.

Donc pour assurer la viabilité des opérateurs d’eau sans priver les usagers de la possibilité de disposer d’eau potable, il faut sortir du dogme du recouvrement total des coûts: la Banque mondiale y est-elle prête?

Troisième solution de Fadel Ndaw,  réutiliser les eaux usées. C’est la nouvelle marotte des multinationales qui font beaucoup d’efforts dans ce domaine et espèrent ainsi ouvrir de nouveaux marchés à leurs technologies mais  ce n’est pas la solution miracle. Il y a  sans doute bien d’autres questions à se poser avant d’y recourir. Comme le type de culture, la nécessité de l’irrigation, la restauration des cycles  de l’eau. Les solutions fondées sur la nature pour la gestion de l’eau ont fait l’objet d’un rapport mondial des nations unies en 2018 et offrent une approche globale à la fois enracinée dans des situations et des solutions locales.

Enfin, sans prendre Fadel Ndaw pour ce qu’il n’est pas, à savoir  un porte-parole de la Banque mondiale, on ne peut que constater que cet organisme fait plutôt partie du problème que de la solution à la crise  mondiale de l’eau.

Lire la tribune complète de Fadel Ndaw:

« En Afrique, une riposte durable au coronavirus ne peut occulter la question de l’eau »

Une réflexion sur « Afrique, Covid-19 et eau »

  1. Bonsoir !
    Mais qu’a fait l’OMS depuis des années ?
    Idem pour nos ARS !
    Elles n’ont de « santé » que le nom.
    Si la pandémie actuelle ne permet pas de remettre les priorités en bon ordre, nous pourrons nous attendre au pire à brève échéance.
    Ces dirigeants aux ordres du business n’ont-ils donc pas d’enfants, ni de petits-enfants ?! Navrant !
    Qui va encore oser parler d’intelligence humaine ?

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