Christiane Taubira interpelle l’administration sur le laisser-faire dénoncé par le journal France-Guyane depuis le début de l’année quant à la qualité de l’eau distribuée. Les taux d’aluminium et maintenant de trihalométhanes explosent les limites établies par l’OMS.
C’est comme ça ! on les voit venir. On sait les processus, l’origine, les effets ; on connaît les risques ; on est averti de la tentation de routine ; néanmoins… on fait des phrases.
On, qui ?
Voilà : nous apprenons, par un article de Guyane 1ère que, depuis le début de cette année – nous en sommes déjà à la fin ! – les analyses d’eau potable en Guyane révèlent des dépassements récurrents de trihalométhanes, » composé chimique classé et considéré comme potentiellement cancérigène pour l’homme « . Dans l’homme, il faut bien entendre nous, toutes et tous, enfants, ados, bébés, femmes, vieillards, gangan, sportifs, agaga, ababa, agoulou, gaya, schizos, paranos, sa ki dous, sa ki troumantan, fragiles, costauds, footballeuses, diabétiques, convalescents, conteurs et conteuses bravaches, athlètes, malades chroniques, fêtards impénitents, dyalisés, hypertendus, carnavaliers, trisomiques mélomanes, fonctionnaires avenants, chômeurs stoïques, libéraux, asthmatiques fanfarons, patients auto-immuns, artistes, drépanocytaires, poètes, mal-voyants coquins, jeunes de quartier pétant-la-joie-et-la-santé, pêcheurs pugnaces, malentendants taquins, chefs de service et d’établissements, delinters débonnaires, apiculteurs vantards, ouvriers employés djobeurs optimistes ou grincheux, chauffeurs et chauffeuses de bus, chanteuses, danseurs, ouvriers et journalistes, les gros, les sveltes, les marcheuses, les cyclistes, les ruraux, les citadins, les hâbleurs, les aidants, et j’en passe… nou tout, quoi ! Toutes celles tous ceux qui boivent au robinet !
Le dosage relevé depuis plusieurs mois dépasse la limite indiquée par l’OMS, l’Organisation Mondiale de la Santé.
C’est donc qui, ON ?
L’administration. Celle qui est censée veiller sur notre santé. Celle en qui nous avons confiance. Celle dont la déontologie nous protège. Celle qu’il nous faudra poursuivre en justice, si elle ne met pas un terme le plus rapidement possible à cette intoxication chronique.
Il revient à cette administration d’alerter sa hiérarchie sur les risques réels que nous encourons. Il reviendra à cette hiérarchie d’informer les autorités politiques au plus vite et au plus précis.
« Nous ne serons pas le prochain scandale »
Nous ne serons pas le prochain scandale. Chlordécone en Martinique et Guadeloupe. Pénurie d’eau en Guadeloupe. Déficit d’eau et frayeurs sur le choléra à Mayotte. Eau polluée en Guyane. Quant aux communes de l’Ouest et de la vallée du Maroni, c’est de façon chronique qu’elles manquent d’eau, et doivent s’approvisionner au Suriname. C’est une inacceptable inégalité devant un bien essentiel
C’est bon, là !
Awa ! Acaba ! Nous n’allons pas rester passifs.
Il paraît que des mesures ont été prises à partir de juillet et que les résultats se seraient améliorés. Nous n’allons pas applaudir ! Car ces personnes ne nous ont rien dit avant juillet. On nous a laissés boire l’eau du robinet, alors qu' » on » avait connaissance de cette concentration hors norme de trihalométhanes. Les explications sont l’affaire des chercheurs. Qui ont déjà établi des normes. La prudence est l’affaire de l’administration. Elle a les moyens de mesurer et contrôler. La vigilance est l’affaire des collectivités. Elles ont autorité pour agir. La responsabilité finale est celle de la puissance d’État, chargée de notre égalité d’accès aux services publics, y compris en cas de délégation de service public.
Il est indiqué que nous n’avons pas été informés de ces » dépassements récurrents « , parce que les risques de cancer de la vessie sont faibles et à long terme. Vingt ans. Et pas tant de morts que ça : +5% …
Dans un autre contexte, l’Économiste John Maynard Keynes répliquait : » A long terme, nous sommes tous morts « . Ceci, pour justifier de la nécessité d’agir sur la conjoncture, autrement dit sur le court terme.
« Nous n’attendrons pas d’être morts »
Nous n’avons qu’à faire du long terme. Nous n’attendrons pas d’être morts. Nous ne sommes pas des statistiques. Chacune, chacun d’entre nous compte, pour notre propre vie, nos projets, la joie d’être, d’agir, d’aider, d’aimer. Et il nous agrée d’être importants dans le cœur des personnes qui nous aiment.
Nous ne cèderons pas à la panique. Mais nous n’aurons aucune complaisance.
Il nous faudra cependant nous organiser et décider.
Ceux qui en ont les moyens pourront toujours ne boire que de l’eau en bouteille.
Et nous n’allons pas pouvoir compter sur les amoureux de tortues bariolées. Ils n’ont jamais montré d’ardeur ou de curiosité quant aux éventuels et plausibles effets de l’activité industrielle spatiale sur les pathologies respiratoires, ou des cancers devenus plus fréquents et plus précoces.
Peut-être devrions-nous envisager, en temps utile, une action de groupe pour préjudice sériel ? Il me paraît cependant urgent d’exiger que ceux qui doivent veiller sur notre santé, le fassent au mieux.
Qu’ils sachent qu’ils ne pourront continuer à jouer à différer ou minimiser.
France-Guyane alertait sur l’état de l’eau en mars
Déjà, en mars de cette année, France-Guyane alertait sur l’état de l’eau à Saint-Georges de l’Oyapock, qui présentait une concentration en aluminium 50 fois supérieure à la norme OMS. Et le journal prenait le temps de fournir les dosages sur Cayenne, et d’indiquer que, » selon L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), les effets toxiques concernent le système nerveux central et le tissu osseux « , sans exclure les risques rénaux et les maladies neuro-dégénératives, les nourrissons et les fœtus étant particulièrement vulnérables.
Nous ne devrions pas laisser filer, car même les procès gagnés ne ramènent pas les morts.
Ainsi naissent les scandales. Et les probables grandes affaires judiciaires. Parfois dans l’indifférence. Ou portés par un langage froid et bureaucratique. Rien n’absout personne. L’eau est vitale. La santé, primordiale. Nous ne devrions consentir aucune concession !
L’urgence doit être à des dispositifs et dispositions de politique publique qui nous assurent la sécurité sanitaire normale.
Nous voulons de l’eau VRAIMENT potable sur la TOTALITÉ du territoire.
Ou alors, qu’on nous dise franchement que notre citoyenneté est au rabais.
Tribune écrite le 28/10/2025