Au fil de l’eau

Annonce de l’abandon du transfert de la compétence eau potable aux intercommunalités au 1er janvier 2026, report de la hausse du plafond mordant, privant les agences de l’eau des ressources prévues par le plan eau, le gouvernement patauge. Il n’y a toujours pas de politique de l’eau dans notre pays.

Le Premier ministre a annoncé l’annulation de l’obligation de transfert de la compétence eau potable aux intercommunalités au 1er janvier 2026. Cette déclaration satisfait les citoyen.ne.s et les élu.e.s qui se sont mobilisé.e.s depuis longtemps contre cette mesure. Il y avait deux enjeux autour de ce transfert de compétences. Le premier concernait le maintien d’une gestion de proximité, les élu.e.s de petites communes voyant leur échapper une des rares prérogatives qui leur restaient. Le second concernait la gestion publique: bien qu’il n’y ait pas d’obligation d’un seul mode de gestion dans une intercommunalité, des dirigeant.e.s d’intercommunalités tentaient d’étendre la privatisation de la gestion de l’eau à l’occasion de ce transfert de compétence.

Toutefois l’abandon du transfert de compétences au 1er janvier 2026 n’est pas complètement acquis. Il doit être voté au sénat qui y est plutôt favorable et à l’assemblée nationale qui ne l’est sans doute pas. Une version partielle peut aussi être adoptée dans les allers retours entre le sénat et l’assemblée nationale. Mais même si l’abandon est confirmé, les problèmes demeureront sur le terrain. En particulier, celui de l’adaptation de services publics locaux, isolés et dépourvus de moyens, pour faire face aux dérèglements climatiques ou aux pollutions. Songeons, par exemple, aux 200 communes privées d’eau potable à l’été 2023. Il faudra trouver de nouvelles formes de solidarité et de mutualisation. Et côté moyen, il ne leur faudra pas trop compter sur l’Etat…

Le plafond mordant

Le maintien à son niveau actuel du plafond mordant des agences de l’eau, contrairement aux engagements pris avec le Plan eau en 2023, est prévu dans le projet de loi de finances 2025. Qu’est-ce que le plafond mordant? Depuis 2019, les Agences de l’eau sont soumises à un plafond annuel légal de redevances fixé à 2,197 milliards d’euros à compter de 2021. Les recettes encaissées au-delà de ce plafond sont reversées au budget général de l’État. Le Plan eau prévoyait d’augmenter de 475 millions d’euros les recettes utilisables par les agences de l’eau, dont 325 millions devaient provenir de la rehausse du plafond (le reste 150 millions doivent provenir de l’arrêt du versement des primes pour performance épuratoire -il ne s’agit pas d’une recette supplémentaire mais d’une réaffectation de dépense) . Selon les explications du magazine Actu-Environnement, la précédente loi de finances prévoyait une rehausse en deux temps du plafond mordant : d’abord, en 2024, une augmentation de 150 millions par an par rapport à 2023, puis, à partir de 2025, une nouvelle hausse de 175 millions, le portant ainsi à 2,522 milliards. Cet engagement ne sera finalement pas tenu. Le projet de loi de finances pour 2025 reporte en effet à 2026 cet objectif et fixe le plafond pour 2025 à 2,347 milliards d’euros… comme en 2024. Tout ce qui sera encaissé au-delà de ces 2,347 milliards d’euros sera mordu!

Bien entendu, le projet de loi de finances peut être amendé par la représentation nationale.

La réforme des redevances des agences de l’eau

A partir du 1er janvier 2025, une réforme des redevances des agences de l’eau va s’appliquer. Les redevances de pollution domestique et pour modernisation des réseaux de collecte vont disparaître et seront remplacées par trois nouvelles redevances: une redevance sur la consommation d’eau potable et deux redevances pour performance : performance des réseaux d’eau potable et performance des systèmes d’assainissement collectif. (Lire ici  Tout comprendre de la réforme des redevances ) Cela va se traduire par une légère augmentation pour les usagers domestiques. Pour l’agence de l’eau Seine Normandie, cela représente trois centimes d’euros par m3 consommé. Donc davantage d’argent ponctionné sur la facture des usagers par les agences de l’eau mais pas davantage de moyens pour agir dans le domaine de l’eau, le surplus tombant dans le budget général de l’Etat.

L’eau et la biodiversité

Pour rappel, les Agences de l’eau prennent en charge, outre leurs frais de fonctionnement propres, l’essentiel des besoins financiers de l’Office Français de la Biodiversité (OFB), puisqu’environ 370 millions d’euros (soit 15 % environ du budget des Agences) lui sont reversés chaque année, représentant plus de 80 % des ressources de l’Office, son autre ressource majeure étant une subvention pour charges de service public d’un peu plus de 50 millions d’euros. Par ce système, c’est l’eau qui est appelée à financer la biodiversité .

Ajouté aux 7% du budget des agences qui vont au budget de l’Etat via le mécanisme du plafond mordant, les 15% qui vont à l’OFB, nous arrivons à 22% des redevances collectées par les agences sur la facture des usagers qui s’évaporent. Avant de théoriser sur le manque de moyens dans le secteur de l’eau et sur la nécessité d’augmenter encore la facture des usagers, il faut utiliser l’argent de l’eau à bon escient, selon le principe « l’eau paie l’eau ».

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