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Pour un service public métropolitain de l’eau

La Ville de Paris s’apprête à renouveler son contrat d’objectif avec sa régie municipale. Après cinq ans d’existence, ce modèle a désormais vocation à s’étendre aux communes du Grand Paris. Une tribune de Célia Blauel parue dans Les Échos le 6 février.

« Il y a tout juste 5 ans, la Ville de Paris créait Eau de Paris, première entreprise publique européenne d’eau potable avec plus de 3 millions d’usagers quotidiens. La régie Eau de Paris incarne aujourd’hui la réussite d’un modèle intégré maitrisant l’ensemble de la filière de production et de distribution d’eau potable, dans le double objectif de protéger la ressource et d’en assurer l’accès à tous.
En faisant le choix d’une gestion directe du service de l’eau par un opérateur unique, Paris a marqué une rupture dans le rapport jusque-là entretenu par la plupart des villes avec cette ressource rare en se fondant sur un principe politique fort : l’eau, ressource naturelle par excellence, reconnue comme un bien commun universel, a besoin d’une pleine maîtrise publique dans sa gestion.
En créant ce véritable service public parisien de l’eau, Paris et sa régie décidaient de placer l’usager au cœur de leur démarche, grâce à une gestion exemplaire, à la fois transparente et ouverte.

Remunicipalisation

Ainsi, les représentants d’usagers détiennent désormais des voix délibératives au sein d’Eau de Paris. Et l’Observatoire Parisien de l’Eau, qui rassemble tous les acteurs et institutions de la filière, lieu majeur de débat, d’information, de concertation et d’études, est associé à toutes les étapes de la vie de la régie publique.
L’exigence démocratique et de transparence dans la gestion publique de l’eau a constitué le socle fondamental de la remunicipalisation. L’exigence environnementale et la responsabilité sociale en sont les corolaires indissociables.
La Ville de Paris renouvelle en février 2015 son contrat d’objectif avec sa régie Eau de Paris. Cet acte 2 de la remunicipalisation répond aux enjeux contemporains, en particulier la préservation de la ressource, l’adaptation au réchauffement climatique et l’accès de tous à l’eau potable.
Dans un contexte de raréfaction de la ressource en eau potable, et alors que le plan national d’adaptation au changement climatique adopté en 2011 a fixé un objectif d’économiser 20 % de l’eau prélevée à l’horizon 2020, la régie Eau de Paris s’engage également en développant parallèlement son réseau d’eau non-potable, aussi utile pour les services urbains quotidiens qu’en cas de pics de chaleur.

Moins de 1 euro/m3
Depuis sa création, la régie publique Eau de Paris s’est résolument mobilisée pour faire face aux mutations démocratiques, environnementales, sociales auxquelles sont confrontés les services publics locaux. A Paris et en Ile de France, avec la construction de la métropole du Grand Paris, ces mutations sont également urbaines et territoriales. Le Grand Paris sera, n’en doutons pas, l’occasion de mettre en débat l’avenir de nos ressources naturelles et des besoins sociaux des habitants de la métropole. L’accès à l’eau fait partie de ces grands enjeux.
La gestion publique, choisie et assumée, permet aux parisiens de bénéficier aujourd’hui d’une eau de qualité à un juste coût, inférieur à 1euro / mètre cube. Ce n’est pas le fruit du hasard si ce prix demeure le moins cher de la métropole, là où partout ailleurs le choix a été fait de déléguer le service aux multinationales de l’eau.
Alors qu’une récente étude montre que la remunicipalisation des services d’eau ou d’assainissement s’inscrit dans un mouvement mondial, passant de 3 villes en 2000 à 180 en 2014 dont 49 en France et 59 aux USA, en tête du podium, il n’est pas étonnant que les multinationales de l’eau saisissent la perspective du Grand Paris pour tenter de reprendre la main.
Alors oui disons-le nettement : le modèle de la gestion publique de l’eau, dont Eau de Paris est aujourd’hui la traduction concrète de son efficience économique et de son exemplarité sociale et environnementale, a vocation à s’étendre à la Métropole du Grand Paris. Eau de Paris se prépare à accueillir les collectivités qui feront le choix de ce modèle. Cela permettrait notamment d’harmoniser vers le bas les tarifs dans la Métropole au bénéfice des Grand Parisiens, et d’agir plus efficacement contre la pollution de l’eau.  C’est un enjeu démocratique majeur. C’est aussi une garantie pour l’avenir de la ressource vitale qu’est l’eau. »

Célia Blauel, est adjointe à la Maire de Paris chargée de l’environnement, du développement durable, de l’eau, de la politique des canaux et du plan climat énergie territorial, et présidente de la régie Eau de Paris

Bagnolet: le conseil municipal se prononce contre les coupures d’eau

Par un vœu adopté à l’unanimité jeudi 29 janvier, le Conseil municipal de Bagnolet demande au gouvernement de rappeler avec fermeté la loi qui interdit les coupures d’eau pour impayés, dans les résidences principales, tout au long de l’année, aux distributeurs d’eau. Le Conseil municipal de Bagnolet demande au Président du SEDIF d’appliquer un moratoire immédiat sur les coupures d’eau et d’organiser un débat à ce sujet au sein du conseil syndical.

Le vœu, présenté par Bagnolet initiatives citoyennes -EELV, était motivé ainsi:

« Nombre de familles rencontrent des difficultés pour payer leurs services essentiels comme la fourniture d’eau et sont confrontées à la violence insupportable des coupures d’eau dans leur lutte pour les surmonter.

Depuis six mois, la Fondation France Libertés et la Coordination Eau Île-de-France ont recueillis près de 500 témoignages de cette pratique devenue illégale avec la loi Brottes d’avril 2013.

Personnes âgées isolées, personnes handicapées, familles nombreuses avec des enfants en bas âge, patients hospitalisés, etc., les coupures d’eau sont appliquées sans discernement et sans humanité. Les conséquences sont dramatiques dans tous les cas, pour l’hygiène, la santé, les enfants qui peuvent être déscolarisés, les adultes qui se désocialisent…

Le tribunal de Thionville vient de condamner le propriétaire et la régie publique d’une famille soutenue par les associations. C’est une décision extrêmement représentative de ce qui se passe pour plus de 120 000 familles par an.

L’exemple est fort car Mme M. règle son loyer chaque mois, paye ses charges aux échéances prévues, et s’est vue couper l’eau parce qu’il y avait un conflit entre son propriétaire et sa régie. Le juge a bien évidemment condamné cette pratique, mais qu’en est-il des nombreux cas pour lesquels les distributeurs ont fait pression sur les locataires afin qu’ils payent, eux-mêmes, la dette de leur syndic pour pouvoir retrouver l’eau ? Il s’agit d’un racket, d’une utilisation de la force pour récupérer quelques centaines ou quelques milliers d’euros.

Alors que les attentats de ce début janvier sont présents dans nos esprits et nos cœurs, alors que l’on nous annonce des décisions sécuritaires avec plus de protection contre une menace invisible, nous avons aussi le devoir d’inventer de nouveaux chemins de paix et de réconciliation pour moins de violence.

Pour la mise en œuvre du service public de l’eau, nous demandons que cesse l’injustice et que les distributeurs d’eau saisissent l’opportunité de cette grande réconciliation possible avec leurs clients. Nous ne pouvons nous satisfaire d’un service public qui ne voit dans le recouvrement de ses factures qu’un rapport de force qui l’oblige régulièrement à prendre ses propres clients en otage, alors que ces coupures d’eau sont reconnues illégales par la loi.

En effet, l’article L115-3 du Code de l’action sociale et de la famille (CASP) a été modifié par la loi n°2013-312 du 15 avril 2013-art.19 (dite loi Brottes) et comprend le paragraphe suivant, tout à fait clair sur le fond :

« Du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l’année suivante, les fournisseurs d’électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement de factures, de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou aux familles. Les fournisseurs d’électricité peuvent néanmoins procéder à une réduction de puissance, sauf pour les consommateurs mentionnés à l’article L 337-3 du code de l’énergie. Un décret définit les modes d’application du présent alinéa. Ces dispositions s’appliquent aux distributeurs d’eau pour la distribution d’eau tout au long de l’année. »

La lecture de cet article montre sans ambiguïté qu’il est interdit d’interrompre la distribution d’eau tout au long de l’année dans une résidence principale, pour tous les abonnés.

Malheureusement les coupures d’eau continuent ; certains distributeurs d’eau recourent toujours et de façon massive aux coupures d’eau pour recouvrer les impayés. Par exemple, à Saint-Denis, ville qui fait partie du SEDIF, il y avait 15 avis de coupures d’eau entre le 12 et le 20 janvier !

Gérard Cosme, président de la Communauté d’agglomération Est Ensemble, a d’ailleurs rédigé un courrier à M. Santini, président du Syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF), demandant « un moratoire sur les coupures d’eau » et proposant un débat au sein des instances du Syndicat.

Ces faits concernent l’habitat individuel mais aussi l’habitat collectif, comme c’est le cas dans les exemples ci-dessous, dans notre département :

– Gagny (93) : un immeuble a subi trois coupures d’eau pour cause d’impayés de la part de certains propriétaires.
– Montfermeil (93) : menace de coupure d’eau dans tout l’immeuble pour impayés de deux factures.
– La Courneuve (93) : le syndic n’a pas réglé la facture d’eau et les 19 foyers de la copropriété ont subi deux coupures d’eau.

– Saint Denis (93) : un immeuble resté sans eau pendant près d’une semaine à cause d’un impayé de la part du syndic pour quelques propriétaires négligents qui ne payaient pas leur part de charges.
– Montreuil (93) : un immeuble menacé de coupure d’eau suite à une facture bien trop élevée que les locataires et propriétaires tentaient de clarifier avant de payer, sans succès : silence de Veolia. La facture a finalement été réglée sans plus d’information sur sa justification.

– Saint Ouen (93) : Suite à un retard de règlement de la part du syndic, cette copropriété s’est trouvée privée d’eau pendant plusieurs jours.

Suite à l’action de la fondation France Libertés et de la Coordination Eau Île-de-France, quatre jugements en référé ont déjà condamné des distributeurs d’eau à rétablir le service, quelle que soit la situation de l’abonné (déclaré ou non en situation de précarité). En outre, Suez a été condamné à 8000€ d’amende par le tribunal de Soissons, Veolia a été condamné à 9620€ d’amende par le tribunal de Bourges, la régie Noréade a été condamnée à 5501€ d’amende. par le tribunal de Valenciennes, le Syndicat des Eaux et Assainissement de Fontoy-Vallée de la Fensch a été condamné à 1700€ d’amende par le tribunal de Thionville.

Les distributeurs doivent cesser maintenant les coupures d’eau, trouver les modes opératoires leur permettant de se réconcilier avec les usagers et tisser les liens qui sont nécessaires au bon fonctionnement de notre société afin que nous trouvions, ensemble, les moyens d’aider ceux qui n’arrivent pas à payer leurs factures. »

Veolia et les coupures d’eau au pays de Kafka !

L’article L 115-3 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) concernant les coupures pour impayés a été modifié par la loi Brottes N° 2013-312 du 15 avril 2013. Ce texte législatif est parfaitement clair et les décrets d’application sont parus. Plusieurs jugements l’ont confirmé depuis. Il ne reste plus qu’à appliquer la loi. Sauf que les distributeurs d’eau ne mettent pas beaucoup d’ardeur à le faire.

L’excuse qui revient fréquemment dans le discours des entreprises, c’est qu’il faudrait faire la différence entre les usagers de « bonne foi » et les usagers de « mauvaise foi ». Pour les premiers, de « bonne foi », ces entreprises seraient prêtes à mettre en œuvre des dispositifs adaptés. Pour les seconds, les usagers de « mauvaise foi », l’interdiction des coupures serait le mauvais exemple que l’on donnerait à de méchants usagers qui n’attendraient que cela pour frauder ! La FP2E (Fédération professionnelle des entreprises de l’eau) dans un courrier d’octobre 2014 écrivait : « La lecture de cette loi (NDLR La loi Brottes) ne ferait qu’induire l’extension de la légitime protection préexistante des plus démunis (NDLR Ceux de bonne foi) à d’autres consommateurs pour lesquels les défauts de paiement ne répondent pas aux mêmes motivations (NDLR Ceux de mauvaise foi). »

La multitude de témoignages (plusieurs centaines) que la Fondation Danielle Mitterrand France Libertés et la Coordination Eau Île-de-France ont collectés, montrent que les choses sont plus complexes qu’il n’y parait.

D’une part, les usagers de « bonne foi », souvent en grande difficulté financière, surendettés, incapables de payer, sont traités avec une rare violence. Tous les cas portés devant les tribunaux par les associations sont là pour l’attester. D’autre part, pour les usagers que les entreprises de l’eau jugent de « mauvaise foi », l’exemple qui va suivre illustre bien l’importance qu’il y a à ne pas faire de distinction : les gens considérés de « mauvaise foi » ne le sont peut-être pas toujours !

Monsieur B. qui habite le Gard est usager d’un service de l’eau géré par l’entreprise Veolia. Rappelons qu’il est un usager « captif », puisqu’il n’a pas la possibilité de changer de fournisseur. Cette personne, se déplaçant beaucoup, fait en 2011 l’expérience de la mensualisation et du prélèvement. En fin d’exercice, au moment de la régularisation, il constate qu’il a trop versé. Il demande le remboursement, mais n’obtient pas satisfaction. On lui accorde simplement un avoir sur l’exercice suivant ! Ayant ainsi confirmé son impression que l’entreprise Veolia « fait de la trésorerie » avec son argent, il met fin à cette expérience.

En septembre 2014, il ne paie pas dans les délais (une dizaine de jours) sa facture semestrielle (il était en déplacement) et Veolia lui demande une pénalité de 12 €. En colère, il s’exécute le 1er octobre et paie sa facture d’eau (466,14 €), mais refuse, car il l’a contestée, de s’acquitter de la pénalité. Le 7 octobre 2014, un courrier de Veolia rappelle à Monsieur B. sa dette, dit que les pénalités sont justifiées, renvoie un duplicata de la facture, l’invite à régulariser sa situation et, à l’avenir, d’être en prélèvement automatique ! Le 28 octobre, Monsieur B. confirme sa position, s’excuse encore pour le retard de 10 jours dans son règlement, mais reste ferme dans sa décision : il ne paiera pas la pénalité. Une réponse, sans réel objet, sinon d’accuser réception du courrier de Monsieur B est envoyée par Veolia le 10 novembre 2014.

Le 10 décembre 2014, il constate une brutale et importante réduction de son débit d’eau. Il appelle la société Veolia (une plateforme téléphonique !) afin de savoir ce qui se passe. Son interlocutrice confirme que la réduction de la fourniture d’eau dont il est victime fait suite à un impayé. Après contrôle de son dossier, elle lui avoue avoir bien reçu le paiement de 466,14 €, mais constate que le chèque a été égaré et reconnaît une erreur de l’entreprise. Toutefois, elle lui dit que la remise en eau ne se fera que contre le paiement de sa dette qu’il lui faut payer immédiatement par carte bancaire. Il refuse, son interlocutrice lui fait part de sa « mauvaise foi » et lui confirme que sans ce 2ème paiement, il ne recouvrera pas un débit normal. Il réclame alors un document précisant la perte de ce chèque afin de faire opposition auprès de sa banque. Elle dit ne pas pouvoir le faire, se trouvant dans un centre d’appel, mais précise que dès le nouveau règlement de la somme de 466,14 €, Veolia fera un geste commercial et ne lui fera pas payer les frais de remise en eau ! Sympathique non ?

Monsieur B. confirme à Veolia, dès le lendemain (11 décembre 2014), ses propos par courrier en recommandé. Il en profite pour rappeler l’existence de la Loi Brottes qui interdit ces pratiques et somme Veolia de rétablir un débit normal. Il menace enfin de porter l’affaire devant les tribunaux.

Le 12 décembre, dès le début de matinée, Monsieur B. reçoit un appel téléphonique d’un agent de l’entreprise Veolia l’informant qu’il a reçu pour mission de traiter son dossier en urgence. Dès le début, il met en cause la « mauvaise foi » de l’usager. Très rapidement, Monsieur B s’aperçoit que son interlocuteur n’a pas les derniers échanges de courrier dans son dossier et ne reconnaît pas les « erreurs administratives » de son entreprise. Finalement, Veolia met fin à la restriction du débit le 22 décembre en fin de matinée.

Croyez-vous que cette affaire est réglée ? Bien sûr que non ! Veolia adresse à Monsieur B., le vendredi 9 janvier 2015, une lettre de désistement pour qu’il puisse faire opposition au chèque perdu par Veolia.

Quatre jours après, le mardi 13 janvier 2015, à 9 h 30, un agent de Veolia vient à nouveau au domicile de Monsieur B. pour réduire son débit et restreindre de nouveau le service. Monsieur B. étant présent, explique à l’agent la situation qui appelle son supérieur. Après échange sur la complexité de cette affaire, l’agent de Veolia repart sans avoir fait la restriction de service ordonnée par le service client.

Le mercredi 14 janvier 2015, l’opposition au chèque perdu étant faite, Monsieur B. envoie de nouveau son règlement de 466,14 € par courrier recommandé avec AR. Ce courrier avec le chèque arrive à l’entreprise Veolia le lendemain, le jeudi 15 janvier. Le même jour, ce 15 janvier, le même agent de Veolia vient à nouveau au domicile de Monsieur B. pour réduire son débit et restreindre de nouveau le service. Il explique à Monsieur B. ne pas pouvoir déroger à cet ordre, que son emploi est en jeu, conseille à Monsieur B. de téléphoner et réduit le débit de l’installation et restreint de nouveau le service.

Monsieur B. très en colère (et on le comprend) téléphone à son interlocuteur chez Veolia. Finalement, le technicien reviendra en fin de matinée mettre fin à la restriction du débit d’eau.

Nous en sommes là.

Au vu de cette histoire kafkaïenne, Monsieur B. est-il de « mauvaise foi » comme Veolia le prétend ? N’a-t-il pas, dans cette affaire, toujours payé son eau ? Il a simplement fait deux erreurs aux yeux de Veolia : d’une part, refuser de poursuivre la mensualisation et le prélèvement automatique et d’autre part refuser de payer une pénalité de 12 € pour un retard de 10 jours ! De son côté, Veolia a perdu le chèque de Monsieur B., n’est manifestement pas très au point au niveau de son organisation et ordonne 5 déplacements d’un agent au domicile de Monsieur B. pour restreindre ou remettre en état normal le service de l’eau. Est-ce cela, mettre en œuvre une bonne gestion d’un service de l’eau ?

Echec du plan Écophyto 2018

Mauvaise nouvelle pour la qualité de notre eau.

Lors du Grenelle de l’environnement émerge l’idée d’une « réduction de moitié des usages des pesticides en accélérant la diffusion des méthodes alternatives ». Les services de l’État se mettent au travail et lancent en 2008 le plan décennal « Écophyto 2018 ». L’objectif était ambitieux puisqu’il devait généraliser les meilleures pratiques agricoles économes en pesticides, et réduire (d’ici 2018) de 50 % l’usage des pesticides au niveau national.

Dès le départ, un certain nombre de voix s’élèvent sur la nécessité, pour arriver à ce résultat, de changer la logique du système en place. Et d’expliquer que des mutations fondamentales s’imposent, par exemple, dans l’approche curative reposant sur les pesticides, plus encore dans la formation et l’encadrement de l’agriculture. Un changement de paradigme donc qui nécessite une réorientation des modes d’exploitation agricole comme l’abandon de la recherche des rendements maximums avec utilisation de variétés productives, la monoculture, les rotations de plus en plus courtes, les fertilisations azotées surabondantes, etc.

En décembre 2014, vient d’être publié le rapport des données 2013, important puisqu’il permet une vision à mi-parcours de l’efficacité du plan. Il faut se rendre à l’évidence, les résultats sont mauvais. Certes, en 2013, les conditions climatiques n’ont pas été terribles. Le printemps, exceptionnellement humide, a favorisé la prolifération de champignons, de limaces et mauvaises herbes. Ces conditions ont certainement favorisé le développement des parasites et donc l’utilisation de produits phytosanitaires. Mais ces raisons semblent insuffisantes : en 2012, malgré une pression parasitaire tout aussi élevée, l’indicateur de suivi du plan NODU avait baissé (– 6 %) pour la première fois. Plus grave, en moyenne triennale glissante, le NODU augmente de 5 % entre la période 2009-2010-2011 et la période 2011-2012-2013.

Pour ce qui est de l’impact sur l’eau, rien dans cette évaluation d’étape. Juste l’annonce de la construction en 2013 d’un indicateur d’évolution de la présence de ces produits et de leurs résidus dans les cours d’eau ! Il serait temps…

Devant l’échec de ce plan Écophyto 2018, le Premier ministre a confié en 2014 au député Dominique Potier une mission de réflexion sur les moyens de « donner un nouvel élan » à une politique qui pour l’instant repose uniquement sur les exemples vertueux et le bon vouloir des exploitants agricoles. Ce nouveau rapport a été remis en novembre 2014. Malheureusement, lui non plus ne comporte pas de mesures contraignantes.

Une fois de plus, on se rend bien compte que ce qui est, en jeu dans cette affaire c’est le poids des grandes entreprises chimiques et le mode productiviste de notre agriculture. Un autre système doit être mis en place pour protéger notre santé : c’est urgent.

Grâce à la régie publique, l’eau moins chère à Limay…

La régie publique de Limay-Guitrancourt  vient de décider de rendre gratuits les premiers m3 de la consommation d’eau domestique pour tous les habitants (soit 50 € en moins sur la base d’une moyenne de 120 m 3 par an). Le « manque à gagner » sera compensé par une hausse légère du prix du m 3 pour les entreprises, grosses consommatrices et grosses « pollueuses » de l’eau qui doit être traitée avant d’être rejetée dans la Seine. Lire l'article du Parisien du 17 janvier 2015
Dans le même temps, la Communauté d’agglomération de Mantes en Yvelines (CAMY) a augmenté ses tarifs en moyenne de 2 %. Les bénéfices des délégataires privés (Veolia et Suez-LDE…) s »élèvent à 800 000 € pour l’année 2013, alors que les dépenses d’entretien correspondent à un taux de 0,02 % du réseau pour Suez et de 0,1 % pour Veolia !
Résultat, le rendement global du réseau n’est que de 79,7 %, soit 20,3 % de fuites et de pertes… payées par les consommateurs, c’est à dire 1,5 million de m3. (Source : CARE 2013).

Que dire de plus?

Après la baisse des tarifs obtenue en 2011 dans la CAMY… (pour mieux justifier la reconduction des contrats avec les délégataires privés), tout redevient comme avant : hausse des prix, bénéfices conséquents pour les entreprises, absence d’entretien, fuites…

L’ AG 2015 de l’AREP-CAMY  aura à décider des moyens de reprendre la campagne pour le retour de l’eau en régie publique dans la CAMY.

Coupures d’eau illégales : une prise d’otage inadmissible des locataires

Le jugement du tribunal d’instance de Thionville donne raison à Mme B. soutenue par la Fondation France Libertés et la Coordination Eau Ile-de-France, victime d’une coupure d’eau illégale, contre son propriétaire et la régie publique Syndicat des Eaux et Assainissement de Fontoy-Vallée de la Fensch (SEAFF).

Le juge des référés a ordonné la réouverture immédiate du branchement en eau sous astreinte de 100€ par jour de retard, et interdit de procéder à une nouvelle coupure pour une durée d’un an. Il a condamné la régie publique et le propriétaire à verser 1.500€ de dommages et intérêts (1.000€ et 500€ respectivement) et 1.400€ de remboursement de frais de justice (700€ chacun).

Ce jugement éclaire une situation absolument inadmissible qui concerne pourtant de nombreux locataires en France et met en lumière les pratiques intolérables des distributeurs d’eau en France.

Les précédents jugements rendus à ce jour (Soissons / Bourges / Valenciennes) concernaient des impayés de factures qui liaient directement un usager et son distributeur et ont confirmé l’illégalité des coupures d’eau dans toutes ces situations à deux acteurs. Mais ce n’est pas le seul cas de figure. Nous sommes régulièrement alertés par des locataires (ou des copropriétaires) en habitat collectif qui, comme Mme B., payent leurs loyers et leurs charges aux échéances convenues et subissent une coupure d’eau du fait d’un litige entre leur propriétaire ou leur syndic et le distributeur. Nous n’avions pas encore réussi à porter ce type de cas devant le tribunal, car un locataire (ou copropriétaire) a toujours préféré régulariser la situation à ses frais pour retrouver l’eau. L’urgence l’emporte alors sur le temps nécessaire pour mener une action en justice.

Cette pratique, non seulement illégale, est aussi scandaleuse puisqu’elle prend en otage des usagers qui sont en règle et à qui l’on doit l’accès à l’eau. Cette situation s’apparente à du racket lorsqu’un distributeur exige du locataire de payer à la place du syndic ou du propriétaire défaillant, d’autant que les sommes en jeu sont plus importantes et que le distributeur peut donc saisir la justice pour obtenir le règlement de l’impayé d’un syndic.

L’interdiction de couper l’eau dans un immeuble d’habitation doit être strictement appliquée quel que soit le litige entre le propriétaire ou le syndic et le distributeur. Nous demandons à ce que cette interdiction soit clairement stipulée dans l’ensemble des règlements de service d’eau sur le territoire français.

Nous comptons sur la réaction immédiate des distributeurs d’eau afin qu’ils cessent ces pratiques violentes, malhonnêtes et illégales. La loi du plus fort ne peut plus être la règle. Il nous faut construire un espace de réconciliation qui permette de penser le service public comme l’espace non violent nécessaire à la construction de notre société.

Lire le jugement du tribunal de Thionville

ANNEXE : témoignages de coupures d’eau en habitats collectifs que nous avons reçus

– Gagny (93) : un immeuble dont l’eau a été coupée trois fois pour cause d’impayés de la part de certains propriétaires.
– Montfermeil (93) : menace de coupure d’eau dans tout l’immeuble pour impayés de deux factures.
– La Courneuve (93) : le syndic n’a pas réglé la facture d’eau et les 19 foyers de la copropriété ont subi deux coupures d’eau.
– Saint Denis (93) : un immeuble resté sans eau pendant près d’une semaine à cause d’un impayé de la part du syndic pour quelques propriétaires négligents qui ne payaient pas leur part de charges.
– Montreuil (93) : un immeuble menacé de coupure d’eau suite à une facture bien trop élevée que les locataires et propriétaires tentaient de clarifier avant de payer, sans succès : silence de Veolia. La facture a finalement été réglée sans plus d’information sur sa justification.
– Saint Ouen (93) : Suite à un retard de règlement de la part du syndic, cette copropriété s’est trouvée privée d’eau pendant plusieurs jours.
– Pont-à-Mousson (54) : un propriétaire endetté ne règle plus ses factures à la SAUR, tandis que les locataires continuent de payer leurs charges. La SAUR exige des locataires le règlement de la facture pour leur remettre l’eau.