La baignade en Seine serait devenue possible selon les organisateurs des JOP 2024. L’ex-ministre des sports a plongé dans l’eau le 13 juillet et la maire de Paris s’apprête à faire de même le 17 juillet. L’eau de la Seine serait conforme aux normes de baignade. Pas si simple à regarder les résultats des analyses, publiés par la ville de Paris.
Tout d’abord le débit de la Seine reste élevé : jusqu’à 550 m3/s certains jours contre 100 à 150 m3/s habituellement dans cette période de l’année. Cela rend la baignade dangereuse et ne contribue pas à la bonne qualité de l’eau.
La ville de Paris publie les résultats des analyses de l’eau de la Seine en quatre points de la capitale (avec quelques jours de retard, le temps de réaliser les analyses). Voir ici:
Météo de la Seine : quelle est la qualité de l’eau du fleuve ?
Deux sortes de bactéries, Escherichia coli et entérocoques, sont recherchées et comptabilisées. Les résultats des dix premiers jours de juillet restent mitigés. La qualité est parfois franchement mauvaise. Elles est quelquefois bonne. Elle est le plus souvent moyenne. Pas de quoi pavoiser !
Voici les valeurs limites préconisées par l’ARS et par le fédérations sportives internationales:
Dans ces conditions, se baigner quelques minutes en combinaison intégrale sous l’œil des photographes et des vidéastes ne pose pas de problème majeur. Passer plusieurs dizaines de minutes dans l’eau est déjà plus risqué. Et il vaut mieux ne pas y retourner plusieurs fois : « il n’y aura pas de repérage ni d’entraînement dans la Seine avant les épreuves, afin de minimiser les risques » indique le médecin de l’équipe de France de triathlon.
On voit de mauvais résultats en terme qualité de l’eau après les épisodes pluvieux du 2 et 3 juillet et du 6 juillet. Pourtant il ne s’agit pas de pluies abondantes: 6,2 mm le 2 juillet, 0,6 mm le 3 juillet et 1,4 mm le 6 juillet. Il pleut souvent mais pas beaucoup en quantité. Et cela a déjà des conséquences sur la qualité de l’eau de la Seine. Une pluie forte (orage d’été), c’est 8 mm par heure!
Cela amène à s’interroger sur les mesures prises par les pouvoirs publics pour assurer une bonne qualité de l’eau dans le cadre du Plan Baignade. La facture est élevée, autour de 1,5 milliard d’euros. Contrairement à ce qui a été écrit ici ou là, elle n’a pas été prise en charge seulement par l’Etat et les collectivités mais en très grande partie par les agences de l’eau, c’est à dire par les taxes prélevées sur la facture d’eau des usagers.
Le bassin d’Austerlitz semble un ouvrage obsolète dès sa construction (lire ici). La désinfection des eaux traitées à la sortie de l’usine du SIAAP de Valenton est une mesure efficace et sobre, mais c’est une mesure temporaire qui ne sera pas forcément reconduite. Enfin il est bien difficile d’y voir clair sur le gros morceau, à savoir la réduction des mauvais branchements, responsables du rejet d’eaux usées directement dans la Seine et la Marne. Au départ, en 2016, le constat du SIAAP était de 35 000 mauvais branchements. En 2023, l’objectif ministériel était encore de corriger 23 000 mauvais branchements, un quart ayant déjà été corrigés. Mais les prévisions des équipes du SIAAP ont évolué: elles se situent désormais dans une fourchette comprise entre 63 000 et 126 000 mauvais branchements en amont de Paris! 13 000 branchements ont été corrigés entre juin 2023 et juin 2024. Autant dire qu’il reste du chemin à faire ! Ce n’est pas demain la veille que la Seine sera baignable pour tous.tes.
Lire à ce sujet l’enquête de Médiapart (réservé aux abonnés):
Se baigner dans la Seine ? De nouveaux documents renforcent le trouble
Sans compter que la Seine a d’autres usages que la baignade. Par exemple, la production d’eau potable. Or selon une enquête du réseau européen d’action contre les pesticides la Seine est le deuxième fleuve le plus pollué par le TFA, après l’Elbe. (Lire ici : TFA, le polluant éternel présent partout dans l’eau) On ne peut sérieusement prétendre reconquérir la qualité du cours d’eau sans s’attaquer aussi à ce problème!