Déprivatiser l’accès à l’eau

Philippe Rio, le maire de Grigny, vante le modèle essonnien à l’ONU. Philippe Rio a participé à la Conférence des Nations Unies sur l’eau, qui s’est tenue du 22 au 24 mars à New York. L’occasion pour l’élu d’appeler à mettre fin aux profits des entreprises privées en créant un service public universel.

« L’eau est la sève de l’humanité. L’eau est un droit humain. Mais l’avenir de l’eau est compromis », alertait le secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU), António Guterres, à l’ouverture de la Conférence des Nations Unies sur l’eau, qui s’est tenue du 22 au 24 mars à New York (États-Unis).

Quarante-six ans après la dernière conférence organisée à Mar del Plata, en Argentine, des milliers de participants du monde entier se sont donné rendez-vous dans le cadre de cette conférence « historique ». Un moment crucial pour, d’ici 2030, « agir et relever les grands défis liés à l’eau », selon Li Junhua, secrétaire général adjoint des Nations Unies. Parmi les présents, figuraient une centaine de ministres, une douzaine de chefs d’État et de gouvernement, mais aussi Philippe Rio, maire (PCF) de Grigny (Essonne), et vice-président au sein de l’agglomération Grand Paris Sud (GPS) en charge du cycle de l’eau.

C’est dans le cadre de son engagement auprès de l’association Cités et Gouvernements Locaux Unis, « l’ONU des villes », que l’élu a été invité à prendre la parole à la tribune des Nations Unies mais aussi a rencontré en personne António Guterres. L’occasion pour celui qui a été désigné comme le meilleur maire du monde en 2021 de promouvoir « la place des pouvoirs locaux dans la gestion de l’eau ».

Baisse de « 10 % de la facture auprès des usagers »

« C’est une des solutions à la crise que nous sommes en train de vivre, en est-il convaincu. Il faut remunicipaliser et déprivatiser, pour en faire un service public universel. » L’exemple le plus concret : la régie de l’eau de GPS. Lancée à partir de 2013, elle assure la distribution dans treize villes du territoire, à cheval sur l’Essonne et la Seine-et-Marne. Plus de 250 000 habitants en bénéficient.

« L’année dernière, nous avons été en mesure de baisser de 10 % la facture auprès des usagers. Et cette année, face à l’inflation, nous n’avons augmenté les prix que de 1 % quand ailleurs la hausse a atteint les 7 %, résume Philippe Rio. Quant au prix de l’eau vendu à la régie, il est normalement fixé entre 0,50 et 0,88 euro par les entreprises privées. Nous avons décidé que le juste prix était de 0,45 euro. La différence, c’est le profit réalisé par ces entreprises. Cette économie nous permet d’investir notamment dans notre programme contre les fuites d’eau. Certains de nos réseaux, comme à Corbeil-Essonnes ou dans le bas de Ris-Orangis ont plus de 100 ans. La gestion publique garantie la transparence dans le prix et dans la qualité. Elle permet aussi d’avoir une gestion sur un temps long. »

Une sobriété indispensable, mais insuffisante

Philippe Rio n’est pas dupe. Il sait très bien qu’il sera difficile d’évincer les entreprises privées pour « sortir l’eau de sa marchandisation ». Elles étaient d’ailleurs représentées lors cette conférence. « Nous avons assisté à des affrontements symboliques et verbaux entre le monde du privé et les sociétés civiles, raconte-t-il. En dehors des conférences programmées, de nombreuses rencontres ont eu lieu. Il faut savoir que, par exemple, la plus grosse fortune chilienne est dans l’eau. C’était aussi à nous de nous imposer, de porter une autre voix sur la gestion de ce droit humain. Les communautés doivent être incluses dans les processus de prise de décision à l’échelle mondiale. »

À son retour, le maire a pris soin d’écouter le plan de l’exécutif annoncé ce 30 mars par le président Emmanuel Macron pour améliorer la gestion de l’eau. La mise en place d’une sobriété sur l’eau, la lutte contre les fuites ou encore la réutilisation des eaux usées font partie de points abordés. « Ces mesures ressemblent plus à un plan-plan qu’à une vision d’avenir sur cette question cruciale », regrette l’élu qui se dit « choqué ». « Deux ministres, dont Christophe Béchu, (en charge de la Transition écologique) étaient présents à New York. Le président n’en a absolument pas fait écho dans son discours. Est-ce une négation de ce qui s’est dit là-bas ? La sobriété est indispensable, mais elle ne sera pas suffisante. C’est l’un des messages qui a pourtant été passé. À l’ONU, une vision a été tracée. C’est à nous, dès à présent, de nous en emparer. »

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