Faut-il reconsidérer l’objectif de zéro émission de CO2?

La chercheuse Anastassia Makarieva a participé à un colloque à l’Unesco le 15 mars dernier, « eau et forêts, gardiens de notre avenir », avec Renato Donato Nobre, de l’agence spatiale brésilienne, qui observe depuis des décennies l’évolution du climat de l’Amazonie, et Peter Wohlleben, auteur de « la vie secrète des arbres ». Senior chercheuse à l’institut de physique nucléaire de Pétersbourg et co-auteure de « the biotic regulation of the environment », elle explique comment le système vivant régule l’environnement. Son sujet central est les bases physiques et biologiques de la stabilité de la vie. Daniel Hofnung, co-président de notre association, l’a rencontrée à cette occasion et a reçu ses derniers posts qu’il présente ci-dessous. C’est un élément du nécessaire débat sur le climat.

Dans un post du 3 mai, Anastassia Makarieva, indique qu’il faut reconsidérer l’objectif de « zéro émission » dans la lutte contre le changement climatique et pour une planète vivante. De son point de vue, le « zéro émissions » ne peut servir d’objectif mobilisateur car il soutient explicitement les politiques dévastatrices telles que l’usage des biocarburants qui détruisent la biosphère, sans savoir si elles pouvaient faire face au réchauffement climatique.

C’est la réduction de la pression humaine sur les écosystèmes qui pourrait libérer des ressources pour faire face au changement climatique. Même les coraux pourraient se sentir mieux si la toxicité des eaux côtières était réduite.

En outre, étant axé sur le carbone, le «Zéro émission» détourne l’attention de la population des dommages causés au cycle de l’eau par la dégradation des écosystèmes et la mauvaise gestion des sols. Même la notion de « solutions fondées sur la nature » concerne encore le carbone comme si la perte d’humidité du sol due à une mauvaise gestion des terres n’était pas un problème aggravant.

Elle plaide en faveur du réexamen des slogans mondiaux afin de les rendre plus complets, et mettant en avant prioritairement la préservation des écosystèmes dont nous dépendons.

Dans un autre post du 30 avril, elle remet en question le narratif scientifique tel qu’il est véhiculé par les médias, en citant l’exemple des incendies dévastateurs autour de Los Angeles en janvier dernier. Une étude non-revue par des pairs avait été publiée attribuant les incendies au changement climatique lié aux gaz à effet de serre. Elle avait reçu une grosse couverture dans les médias. À l’opposé, des discussions mieux informées attribuant les feux à des causes complexes sur les terrains, avec leur assèchement lié à une mauvaise gestion et à la dégradation de la végétation, sont restées largement ignorées.

Qu’en est-il des précipitations au niveau global ? Elle cite dans un post du 12 avril une étude qu’elle a co-signé récemment1, montrant une très légère baisse des précipitations globales sur les quarante dernières années, mais une augmentation des précipitations sur les océans (0,0063 mm/par jour et par décade) avec une diminution de celles sur les terres (- 0,0085 mm/jour et par décade)

Ceci rejoint les données récentes sur la baisse d’humidité des sols, qui ne peuvent s’expliquer sans mettre en cause le déclin de l’écosystème. Cette baisse, de l’ordre de 25 mm par an au 21 ème siècle, n’est pas expliquée par les modèles climatiques basés sur les gaz à effet de serre. Les atteintes faites au vivant sont la cause majeure de la plupart des désastres auxquels nous faisons face. Les modèles basés sur le CO2 ne sont pas opérants ici.

1Makarieva A.M., Nefiodov A.V., Cuartas L.A., Nobre A.D., Andrade D., Pasini F., Nobre P. “Assessing changes in atmospheric circulation due to ecohydrological restoration: How can global climate models help?” (in revision).

Voir la présentation d’Anastassia Makarieva sur le site du colloque de l’UNESCO

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