Nous allons donc vous parler ici de l’assainissement collectif et plus précisément d’un mastodonte, le SIAAP, Syndicat Intercommunal d’Assainissement de l’Agglomération Parisienne. Pourquoi parler du SIAAP ? Parce que c’est le modèle d’une fuite en avant industrielle qui est une impasse, parce que l’actualité nous montre des dessous nauséabonds, corruption, marchés truqués, et sans nul doute financements personnels et politiques. L’émission Cash Investigation de France 2 a soulevé une partie du voile, nous allons essayer de poursuivre mais aussi d’ouvrir d’autres pistes.
Le SIAAP en chiffres :
- Création en 1970 par Paris et 3 départements 92, 93, 94.
- 9 Millions d’usagers dans 180 communes
- 2,5 millions de m3 lavés chaque jour
- 1,3 milliards de budget annuel
- 6 Méga stations d’épuration
Qui dirige le SIAAP?
33 Conseillers départementaux, 12 de Paris et 7 pour les départements 92,93 et 94. Depuis sa création le SIAAP est présidée par un homme de droite ou par un communiste en alternance. Fruit d’un partage historique, cet accord n’a jamais été remis en cause malgré l’effondrement des positions électorales du PCF mais il est l’objet de multiples tensions.
Aujourd’hui c’est Bélaïde Bédréddine, PCF, élu de Montreuil qui en est devenu le Président avec l’aide appuyée de la Maire de Paris en 2015. Son prédécesseur était Maurice Ouzoulias, PCF, qui est resté Président durant 14 années.
Les citoyens n’y ont nul accès, pas d’élection, pas de compte rendus présentés par les élus. C’est une eau sale particulièrement opaque. Pourtant le service du SIAAP coute 1,17 € le m3 pour le Val de Marnais que je suis, presque aussi cher que le m3 d’eau potable.
Le modèle industriel du SIAAP
Les eaux sales, à la sortie des habitations, sont collectées en premier par des réseaux communaux ou de intercommunaux, puis transitent par des réseaux départementaux pour arriver dans les énormes tuyaux du SIAAP qui acheminent ces eaux vers les 6 Méga stations d’épuration. Achères, Seine Aval est la plus importante station d’épuration d’Europe.
Toute l’organisation du SIAAP est axée sur la réalisation de stations d’épurations toujours plus grandes, toujours plus complexes.
Pas de structures locales, pas de réflexion sur des assainissements alternatifs, pas de réflexion sur le traitement des pollutions au plus près comme le traitement des résidus médicamenteux à la sortie des hôpitaux. Pas de véritable réflexion sur les eaux pluviales, sur l’imperméabilisation des sols sauf la construction de bassins de rétention toujours plus nombreux et plus grands.
Ce modèle craque de partout, il en faut toujours plus, les budgets sont faramineux, la redevance payée par les usagers de l’eau a augmenté de plus de 60% en 10 ans.
Ces chantiers sont les plus gros chantiers de France, les montant des marchés sont les plus importants. Mais qui en sont les bénéficiaires?
De juteux marchés que se partagent les deux multinationales de l’eau.
Dans l’émission CASH Investigation du mardi 13 mars 2018, l’équipe d’Elise LUCET soulève un coin du voile. Les marchés se chiffrent à plusieurs centaines de millions d’euros pour chacun d’entre eux. Ce sont des marchés publics, avec mise en concurrence, commissions d’appel d’offre (elle est présidée par un élu LR de Paris, J.D. Berthault) et toutes les apparences de la légalité et de l’honnêteté. Mais comme par hasard, ce sont toujours les mêmes qui gagnent les marchés. Un coup Véolia avec sa filiale OTV, Suez avec Degrémont et SAUR, la 3ème mais plus petite structure avec Stéreau. Bien organisé non ?
Un « corbeau » a informé l’équipe d’Elise LUCET, il parle de 250 millions de surfacturation par an, les complicités viendrait du plus haut sommet des entreprises et de la direction du SIAAP. De nombreuses investigations sont en cours, des plaintes déposées, de nombreuses gardes à vue d’élus, de cadres du SIAAP et d’entreprises ont été réalisées. PCF, Droite, PS, tous sont mouillés et se sont jusqu’à présent serrés les coudes mais cela ne va plus pouvoir durer.
Dés élus qui n’ont rien vus, rien entendus et qui ne disent rien.
Au cours de l’émission, Mao PENINOU, 1er vice-président du SIAAP, Maire adjoint PS de Paris mais ayant rejoint récemment la Macronie, réponds fièrement aux questions. Mais rapidement quelque chose cloche, il semble découvrir la lune. Serait-ce le « ravi » de la crèche provençale ? Pourtant Elise LUCET est bien gentille avec lui. Il ne connait pas les chiffres de la redevance du SIAAP, ne savait rien des ententes…. Il se défend mollement en disant qu’il n’est pas d’accord avec le modèle du SIAAP, que la ville de Paris est parte civile dans une procédure mais lui-même a voté (avec tous les élus de Paris) le dernier budget du SIAAP. Double langage ? La mémoire a dû lui revenir, quelque jours après le tournage il aurait, selon le magasine Capital, transmis des documents délictueux du SIAAP à la justice. Pour les autres, motus et bouches cousues. Personne ne veut répondre aux journalistes, surtout pas le président PCF.
Aujourd’hui la question n’est plus de savoir si ces « affaires » de corruption vont « exploser » mais QUAND cela va se produire.
Les mêmes élus dans les grands syndicats de l’Ile de France. Un hasard ?
André SANTINI, UDI, a tout seigneur tout honneur, le Président du SEDIF le syndicat des eaux d’Ile de France depuis 36 années est aussi 3ème vice-président du SYCTOM, le syndicat des déchets.
Mao PENINOU PS 1er vice-président du SIAAP est aussi 1er vice-président du SYCTOM
Karina KELLNER élue PCF de Stains, est directrice de cabinet du Pdt du SIAAP, 2ème vice Pdte du Syctom et vice-présidente du SEDIF jusqu’en décembre 2017. Elle est aussi la Présidente du centre de formation des élus communistes et la directrice de la publication de leur mensuel « L’élu d’aujourd’hui ».
Didier GUILLAUME, Maire PCF de Choisy le Roi est Vice-Président du SEDIF et membre du Conseil d’administration du SIAAP
Patrick TREMEGE les Républicains est à la fois au SIAAP et au Syctom
Et si pour une fois on essayait une autre direction ?
La disparition de ces grands machins, la gestion de l’eau et de l’assainissement avec la pleine implication des citoyens usagers et des salariés, la mise en place, sur les bassins de vie, de comités locaux publics de cogestion de l’eau ?
Un débat doit s’ouvrir.
Le modèle industriel est une impasse. Les alternatives de traitement au plus près de la production des eaux sales est une piste trop peu explorée. A la vue de ce scandale de la gestion du SIAAP, il est peut-être temps de sortir du « tout station d’épuration ».
Les marchés truqués, la corruption devraient ainsi reculer mais en attendant toute la lumière doit être faite sur la corruption au SIAAP.
Dernière minute :
Le SIAAP avait décidé de créer une SEMOP, une société d’économie mixte à opération unique pour la gestion pour 12 années de la station Seine Amont de Valenton, un marché de 400 millions. Cet outil est une forme déguisée de PPP partenariat public privé car le privé y est majoritaire. Montée initialement pour SUEZ, c’est finalement VEOLIA qui a eu le marché. La justice a décidé de geler l’opération le temps de juger sur le fond. Cela sent le roussi.
Les personnels avec leur syndicat CGT avaient dénoncés ce montage et revendiqués la mise en place d’une Régie pour gérer Seine Amont. Hélas, le Président PCF du SIAAP et les élus ont voté la création de la SEMOP à l’unanimité. On se demande pourquoi ?