Bien que la loi les y oblige depuis un an, les sociétés de réseau de transport n’ont toujours pas équipé gares et stations d’un point d’eau potable gratuit. Elles invoquent des difficultés techniques et économiques. Article de Fabienne Loiseau dans Reporterre.
Le saviez-vous ? Remplir sa gourde d’eau est possible gratuitement dans toutes les grandes gares et stations de métro. Depuis le 1er janvier 2022, la loi antigaspillage pour une économie circulaire (loi Agec) rend obligatoire l’installation d’une fontaine d’eau potable dans tous les lieux publics accueillant plus de 300 personnes simultanément. Si le nombre de visiteurs est double, voire triple, des fontaines doivent être rajoutées en conséquence.
Nous sommes en février 2023, plus d’un an après, et on ne trouve aucune trace de fontaines à eau dans les gares SNCF. Les agents d’accueil conseillent encore de remplir les gourdes aux toilettes, dont l’accès est la plupart du temps payant. Pourtant, le Code de l’environnement est sans ambiguïté : « Ces fontaines d’eau potable sont indiquées par une signalétique visible et leur accès est libre et sans frais. » Mais en pratique, en cas d’affluence ou de toilettes fermées, il ne reste plus que la bouteille d’eau en plastique, beaucoup plus facile à trouver dans les distributeurs ou les boutiques.
Un déploiement à partir de l’été 2023
SNCF Gares & Connexions, filiale de la SNCF Réseau, assure travailler sur ce déploiement. À partir du mois d’avril, « deux fontaines conçues spécifiquement » seront testées dans deux gares parisiennes : Gare de l’Est et Champ de Mars. « Une fois les tests clients et mainteneurs (agents de maintenance) passés, le déploiement pourra se réaliser à partir de l’été 2023 et jusqu’en 2024, dans près de 170 gares de France », annonce l’entreprise. Seront d’abord privilégiées les gares de desserte pour la Coupe du monde de rugby et les Jeux Olympiques.
On peut s’interroger sur la lenteur à mettre en œuvre une mesure connue depuis déjà trois ans, la loi Agec ayant été adoptée le 10 février 2020. Installer une fontaine d’eau serait une tâche si difficile ? En réponse, la SNCF explique avoir déjà expérimenté un type de fontaine en 2020, mais « ces premiers tests ont démontré la nécessité de concevoir des fontaines spécifiques pour l’environnement des gares ». Elle dresse une longue liste de désagréments constatés : vandalisme, remplissage de bidons à des fins de stockage d’eau, réalisation de toilettes corporelles, abreuvement d’animaux, contacts directs à la bouche de la buse de distribution, sol humide et donc glissant…
Les réseaux de métro des grandes villes justifient également leur retard par des difficultés techniques et économiques. Ainsi, en juillet dernier, la RATP qui gère le réseau parisien soulignait auprès de 60 Millions de consommateurs que le sujet était complexe « en raison du nombre important de fontaines à installer, des contraintes techniques et opérationnelles, et aussi des aspects économiques ».
Les difficultés techniques seraient liées au raccordement au réseau d’eau potable, « mais plus particulièrement au réseau d’évacuation qui nécessite un système gravitaire, souvent difficile à mettre en place », précisait le transporteur. Sept mois se sont écoulés, il n’y a toujours pas de fontaines dans les stations parisiennes, et la RATP n’avait aucun nouvel élément sur l’avancée du projet à présenter à Reporterre.
Le risque de glissades ou de chutes avancé
À Lyon, la position des gestionnaires du métro a évolué ces derniers mois. En juillet, l’exploitant Keolis estimait que l’installation de fontaines n’était pas réalisable « dans des conditions raisonnables » tel que prévu, encore, par le Code de l’environnement. Keolis invoquait alors des problèmes de propreté, de risques électriques, et surtout de glissades ou de chutes « notamment à proximité d’escaliers mécaniques ou aux abords directs des quais, en accès direct des voies ».
Désormais, Sytral mobilités, l’autorité organisatrice de transports de la métropole de Lyon, annonce qu’elle va profiter du prolongement de la ligne B du métro et de la création de deux nouvelles stations pour expérimenter le déploiement d’une fontaine. « Cela permettra d’avoir un retour d’expérience afin de vérifier qu’il n’y ait pas de mésusages qui pourraient poser des problèmes de sécurité », explique sa porte-parole.
Une lente rénovation des stations
À Toulouse, l’exploitant Tisséo envisageait pour la fin 2022 l’installation d’une fontaine à la station de correspondance Jean-Jaurès, la plus fréquentée. Mais il reconnaît avoir pris du retard « en raison d’autres priorités », tout en assurant que le sujet n’est pas abandonné. « Cependant, il y a de nombreux critères à prendre en compte, ce qui demande du temps et de l’argent. Or nous sommes dans un contexte de restrictions budgétaires », regrette la porte-parole. La ville pourrait elle aussi profiter de la création de sa troisième ligne de métro, programmée pour 2028, pour organiser un déploiement dans les nouvelles stations de correspondance.
Marseille prend aussi son temps. La Métropole Aix-Marseille-Provence prévoit l’installation d’une première fontaine « d’ici 2024 et dans le cadre de la rénovation dans la station Joliette (IIe arrondissement) ». Au regard des résultats de ce test, elle évaluera si une installation est possible « au fur et à mesure de la rénovation des stations ». Conclusion : de l’eau va encore couler sous les ponts avant de sortir des fontaines. Et continuer à charrier toujours trop de bouteilles en plastique.
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