Suite aux négociations menées avec Suez (analysées ici) et aux tergiversations de la multinationale, Grand Paris Sud prend l’initiative en votant à l’unanimité un tarif pivot pour l’achat d’eau en gros, applicable à partir du 1er janvier 2022. Une initiative qui pourrait faire des émules dans d’autres territoires en Île-de-France confrontés aux tarifs prohibitifs et injustifiés des producteurs d’eau. La communauté d’agglomération demande aussi la valeur nette comptable du Réseau interconnecté du Sud francilien (RISF) qui doit lui revenir prochainement. Ci-dessous les principaux extraits de la note de synthèse et du courrier adressé par le Président Bisson à Suez. Documents intégraux à télécharger.
Extension des régies publiques
Toujours dans le domaine du petit cycle de l’eau, cette ambition se traduit aujourd’hui par la consolidation de la régie de l’eau de Grand Paris Sud, élargie à compter du 1er janvier 2022 à 7 nouvelles communes du territoire.
Elle se traduit également par une orientation visant à retenir le choix de la régie pour l’exercice de la compétence en matière d’assainissement (collecte des eaux usées et des eaux pluviales urbaines) à compter du 1er janvier 2023 pour les territoires dont les actuelles DSP sont à échéance du 31 décembre 2022 et à échéance des contrats pour ceux expirant ultérieurement.
Cette démarche stratégique porte ses fruits, puisqu’au cours de ces dernières années, la gestion en régie de la distribution d’eau a permis un double effet :
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D’une part, dans le cadre de la régie de Grand Paris Sud, la baisse du prix de la facture d’eau pour ses usagers ;
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D’autre part, la baisse du prix pratiqué par le délégataire sur les périmètres sur lesquels il intervient.
Maîtrise du prix de production de l’eau potable
Dans le cadre d’une démarche à la fois soutenue par le conseil départemental de l’Essonne et associant plusieurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou établissements publics territoriaux (EPT) voisins, la communauté d’agglomération Grand Paris Sud a affirmé dès 2019 sa volonté d’appliquer ses objectifs de maîtrise publique et de baisse des prix au volet production d’eau potable.
Ce volet en comporte en réalité trois :
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usines de production du territoire,
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canalisations principales de transports (1200, 1000 et 600),
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intégrité du réseau interconnecté du sud francilien (RISF)
C’est la combinaison de ces trois éléments qui au total détermine le prix d’achat de l’eau.
Perspectives tarifaires
Parallèlement, des discussions ont été engagées avec Eau du Sud Parisien (Suez) par Grand Paris Sud (rejointe ensuite par d’autres intercommunalités et le conseil départemental de l’Essonne) dans la perspective d’une maîtrise publique des ouvrages du RISF. De nombreuses réunions ont permis de clarifier la réalité des coûts de revient de la fourniture d’eau en gros par le RISF.
La situation s’est éclaircie puisque Eau du Sud Parisien a reconnu la validité du tarif de 0,45 € HT/ m3 estimé par les services de GPS, incluant les coûts complets d’exploitation et d’investissement du RISF, mutualisés sur toutes les collectivités (représentant 75 millions de m3 d’eau par an). Grand Paris Sud bénéficie d’une situation particulière en étant déjà propriétaire des canalisations principales de diamètre 1200 mm, 1000 mm et 600 mm, en sortie de la principale usine du RISF, celle de Morsang-sur-Seine.
Ce tarif est à mettre en perspective avec le tarif de 0,695 € HT/ m3 acquitté aujourd’hui par la régie de Grand Paris Sud. Eau du Sud Parisien a adressé au Président de Grand Paris Sud un courrier en date du 17 novembre 2021 proposant la reconduction pour six mois du tarif en vigueur au terme du contrat précédent (soit 0,6950 € HT/m3 ). Le Président de Grand Paris Sud a proposé par courrier en date du 29 novembre 2021, en témoignage de sa bonne volonté en vue de l’aboutissement des négociations, d’appliquer à Grand Paris Sud, dès le 1er janvier 2022, le tarif de 0,45 € ht/ m3 , moyennant un mécanisme financier compensatoire à mettre en œuvre dès lors qu’au terme de la négociation le tarif arrêté serait inférieur ou supérieur à celui-ci.
Par courrier en date du 10 décembre, Suez et Eau du Sud Parisien ont refusé cette proposition, renouvelant la proposition du tarif en vigueur dans le contrat actuel, ce qui n’est pas satisfaisant.
En outre, concernant le RISF, Eau du Sud Parisien se refuse toujours à en communiquer la valeur nette comptable, référence essentielle à la négociation en cours pour le transfert des actifs du RISF aux collectivités publiques du futur Syndicat mixte. L’entreprise privilégie la notion de valeur d’usage, contestée par Grand Paris Sud et les autres intercommunalités.
Forte du soutien solidaire du conseil départemental de l’Essonne et de plusieurs intercommunalités voisines, l’agglomération Grand Paris Sud entend aujourd’hui formaliser par délibération les objectifs qui sont les siens.
Dans ce cadre, la communauté d’agglomération Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart :
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Réaffirme que dans le cadre des négociations en cours avec l’entreprise Eau du Sud Parisien, le tarif pivot pour la fourniture d’eau en gros est celui de 0,45 € ht/m3 et en conséquence :
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Réaffirme son intention de voir appliqué, dans le cadre des négociations en cours, un tarif de 0,45 € HT/m3, au titre de la fourniture d’eau en gros à partir du 1er janvier 2022.
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Réaffirme sa demande expresse de disposer, dans les meilleurs délais, de la valeur nette comptable du RISF, seul élément aujourd’hui indispensable pour déterminer le bon niveau du prix d’achat.
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Réaffirme son souhait d’un dialogue constructif et de négociations ouvertes en toute transparence.
Lettre de Michel Bisson, Président de Grand Paris Sud, à Maximilien Pelligrini, Directeur général adjoint de Suez, et Laurent Carrot, Directeur régional
(…) Face à la volonté légitime des acteurs publics de se réapproprier rapidement ces moyens de production et de transport, vous convenez que votre société n’a pas vocation à être propriétaire. Pour autant, vous refusez systématiquement de nous transmettre les renseignements financiers nécessaires aux discussions (ne serait-ce que la valeur nette comptable du RISF) et vous remettez invariablement à plus tard la négociation. Votre courrier traduit un double discours. De telles tergiversations ne peuvent plus nous satisfaire. La seule OPA de Veolia sur Suez ne peut justifier un gel des discussions et, encore moins, l’absence de communication de la valeur nette comptable du RISF.
Ensuite, compte tenu de la négociation en cours, il va sans dire que, durant la période transitoire avant réappropriation des moyens de production, nous sommes en droit d’attendre de réelles avancées quant à la tarification de la fourniture d’eau en gros. Il est particulièrement regrettable que votre courrier revienne sur les premières concessions (tarification à 0,5536 € HT/m3) et propose, de manière transitoire, le statu quo sans la moindre garantie pour l’avenir.
Les acteurs publics n’entendent plus subir le monopole de fait de votre société s’agissant de la production d’eau. Au 31 décembre 2021, les Parties ne seront plus liées contractuellement. Pour autant, en raison d’une situation de monopole de fait, Grand Paris Sud est contrainte de se fournir en eau après de Eau du Sud Parisien. Votre société ne peut s’appuyer sur une réalité territoriale pour imposer une tarification opaque non justifiée et décorrélée de toute réalité économique. Grand Paris Sud ne peut que refuser toute reconduction sous la contrainte.
A moins d’un mois de l’échéance du contrat, soumettre en guise d’ultime offre une tarification au prix de 0,695 C/m3, sans transmettre le moins élément tangible permettant d’apprécier le coût réel de production, s’apparente davantage à une provocation qu’à une proposition constructive dans un climat apaisé. Il s’agit même d’un recul par rapport à vos premières concessions. Votre courrier du 10 décembre traduit une attitude déraisonnable de votre société quant au maintien d’une tarification artificiellement élevée s’appuyant sur une situation monopolistique d’un autre temps.
A regret, nous ne pouvons que prendre acte de notre désaccord à date. Dans ces circonstances et afin de préserver nos droits, votre courrier nous incite et nous contraint de prendre une délibération pour formaliser, en toute transparence, une contre-proposition objective et dûment justifiée. Un tarif de 0,45€/m3 n’est nullement « inférieur à notre coût de revient de production, de stockage et d’alimentation en eau », vous n’apportez d’ailleurs aucun élément tangible et auditable en ce sens. C’est pourtant le cœur de notre désaccord.
Cette délibération est une délibération d’intention. Plutôt que de faire arbitrer notre différend par un tiers, nous espérons encore pouvoir poursuivre de manière sereine nos discussions pour déterminer ensemble une juste tarification à l’amiable. Nous restons à votre écoute et à votre disposition pour trouver, sans délai, une issue qui soit raisonnable pour les deux parties.