Alors que le 22 mars prochain aura lieu la journée mondiale de l’eau, l’Ile-de-France est à la croisée des chemins entre un modèle de gestion publique de l’eau et un puissant mouvement de fond pour la financiarisation de ce nouvel or bleu. Une tribune de Philippe Rio, Maire de Grigny et Vice-président de Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart en charge du développement durable, du cycle de l’eau, de la biodiversité et de la production d’énergie, publiée dans Le Monde.
A la veille d’élections régionales et départementales où l’écologie est dans toutes les bouches, le big bang sur l’eau est pour l’heure le grand absent du débat public.
Sous les effets ravageurs d’une compétitivité urbaine internationale tout azimut et avec l’attractivité économique comme seule boussole, la fusion Veolia/Suez est une captation sans partage du premier bien commun de l’humanité par des intérêts financiers.
Face à cette financiarisation rampante, de nombreuses métropoles françaises à Grenoble, Nice, Lille, Strasbourg, Paris, Rennes, Nantes, Montpellier et maintenant à Lyon et Bordeaux ont déjà fait le choix précurseur d’une gestion publique de l’eau. Avec des citoyens et des militants engagés, ces collectivités locales se sont dotées, grâce à des entreprises publiques locales, de compétences humaines, techniques et juridiques de premier plan pour rivaliser avec le privé !
Il y a une exceptionnalité francilienne avec un modèle public intégré qui va de la source au robinet avec la Ville capitale et son entreprise publique Eau de Paris. Le reste du territoire francilien est sous la main mise tantôt du SEDIF/Véolia tantôt des monopoles territorialisés d’opérateurs privés comme Suez avec un Réseau Interconnecté Sud Francilien.
D’autres territoires se sont, par ailleurs, lancés dans une reprise en gestion publique de la distribution en Grande Couronne notamment, en Essonne, avec la communauté d’agglomération Grand Paris Sud Seine Sénart. Et maintenant, c’est au tour de Grand Orly Seine Bièvre, d’Est Ensemble, Plaine Commune et de la communauté d’agglomération Marne et Gondoire d’embrayer le pas. Mais l’étape nouvelle est bien celle de la réappropriation des outils de production.
Face aux chantres d’un capitalisme vert et dans une région où le prix de l’eau est supérieur au reste de la France, ce sont autant d’expériences à taille humaine avec comme ligne de mire une souveraineté énergétique, une démocratie locale retrouvée et une éthique sur la transparence des tarifs de l’eau au juste prix, à la juste qualité et au juste service.
Face au modèle privé dont les seuls perdants risquent d’être l’usager et la planète, notre Région possède de nombreux atouts pour écrire un nouveau chapitre pour les franciliennes et les franciliens. La baisse des tarifs de l’eau potable est à portée de main en raison d’une surcapacité de production et d’infrastructures qui sont quasi amortis par la facture des usagers.
Mais l’eau n’échappe pas au marketing notamment sur sa qualité. Nous affirmons que notre modèle sanitaire est robuste et sérieux. La surenchère technologique pour dégager de nouvelles marges financières guette le débat public. Il y a des alternatives au « technicisme » dite « de l’osmose inverse basse pression » qui est sur-consommatrice en eau (+25%) et en d’électricité (+15%), et écologiquement contestable par le déversement de rejets dans les cours d’eau.
S’agissant des salariés et de leurs représentants syndicaux, ils auront tout intérêt à intégrer des structures publiques avec leurs acquis privés. Leurs compétences et leurs engagements professionnels sont notre fierté que salissent chaque jour les marges financières abusives pratiquées dans le privé.
Une eau au goût du CAC 40 n’a pas d’avenir. Il est plus que jamais temps d’organiser un rapport de force politique et citoyen entre les intérêts des usagers d’une eau publique et des actionnaires prêts à se jeter sur une nouvelle poule aux œufs d’or.
Dans une région Ile-de-France baignée par la Marne et la Seine et alors que le 22 mars aura lieu la journée mondiale de l’eau, nous devons faire le choix en Ile-de-France d’une gestion publique de l’eau comme droit humain élémentaire au service de la sobriété écologique et climatique.