L’eau au centre de la ville, une nécessité pour tous.tes

Alors qu’à l’échéance de janvier 2025, les services publics d’eau devront réaliser un diagnostic territorial des personnes en situation de précarité hydrique, le sujet de l’accès à l’eau pour toutes et tous s’est invité à la réunion du groupe de travail technique “Eau & Assainissement” de France urbaine le 7 février. Des représentantes d’ONG du secteur de l’eau étaient présentes. La multiplication des points d’eau dans l’espace public répond à de multiples enjeux climatiques et sociétaux.

Réaliser un diagnostic territorial de précarité en termes d’accès à l’eau d’ici 2025

La mise en œuvre de la Directive européenne 2020/2184 relative à l’eau potable appelle les communes et regroupements de collectivités à recenser et qualifier les lieux de vie éloignés d’un point d’eau ou informels (squats, bidonvilles, camps…) et à s’assurer qu’un accès à l’eau en quantité suffisante, comprise entre 50 et 100 litres d’eau par jour et par personne, soit mis en place – la limite de réalisation des travaux étant fixée à janvier 2028.

Ce diagnostic territorial, qui est attendu en janvier 2025 de la part des collectivités ayant la compétence eau, nécessite un dialogue important avec les acteurs du terrain proches des publics concernés, dont notamment les associations issues de la société civile. C’est dans l’objectif d’échanger sur la méthode à adopter afin de réaliser cette obligation réglementaire que la Coalition Eau, collectif des ONG françaises du secteur de l’eau et de l’assainissement, et SOLIDARITÉS INTERNATIONAL (ONG membre de la Coalition Eau), sont intervenus durant le dernier groupe de travail technique “Eau & Assainissement” de France urbaine, à quelques mois de la publication d’un cahier des charges destiné à appuyer les collectivités dans l’élaboration de leur diagnostic, sur lequel les associations travaillent en lien avec les services de l’État.

Agir pour la dignité des personnes : le droit d’accès à un bien commun

Pour la Coalition Eau et ses membres, l’esprit de la directive est porté par deux principes majeurs : “Le droit d’accès à l’eau potable est décorrélé du droit au raccordement au réseau de distribution, et le diagnostic d’accès à l’eau ne peut être décorrélé de la situation de précarité socio-économique des personnes”.

Les deux intervenantes ont également rappelé que l’approvisionnement en eau potable (souvent via des fontaines publiques, camions-citernes, branchements au sol…) ne signifiait pas la pérennisation d’un lieu de vie informel. N’empêchant pas le droit de s’appliquer par ailleurs (exemple, une mesure d’évacuation), cet accès à l’eau est souvent considéré comme une première étape à la résorption de ces lieux de vie, et s’inscrit dans l’accès à un service essentiel, participant à la dignité des personnes, et facilitant aussi leur capacité à se projeter sur d’autres considérations que leurs besoins immédiats.

Remettre l’eau au centre de la ville : réponse à de multiples enjeux

Outre l’intervention directe sur les lieux de vie des personnes précaires [en eau], un levier fort pour répondre aux enjeux d’accès à l’eau pour tous est la multiplication des points d’eau dans l’espace public qui constitue une action que de nombreux territoires urbains denses ont déjà significativement développée. Il est essentiel de signaler que cette démarche ne répond pas seulement aux besoins des populations les plus précaires, mais aussi à des enjeux à la fois réglementaires, climatiques et sociétaux. Citons par exemple les impératifs de la loi anti-gaspillage (AGEC) promulguée en 2020 qui appelle à la réduction de l’usage des bouteilles pour boisson en plastique à usage unique (réduction du volume mis en marché de 50 % d’ici 2030) et au renforcement de la mise à disposition de fontaines publiques dans les Établissements Recevant du Public (gares, centres commerciaux…) dont le bilan est par ailleurs loin des objectifs fixés. Ceci fait également écho à une demande grandissante des populations de disposer de points d’eau publics, notamment pour mieux supporter les chaleurs estivales.

Si les co-bénéfices dépassent ainsi l’objectif initial, les participants n’ont néanmoins pas mis de côté l’enjeu de la localisation et de l’acceptabilité de ces points d’eau gratuits par certains commerces, pouvant être ressentis comme de la concurrence déloyale.

Des absences dommageables : l’assainissement et la compensation financière de l’État

Les membres du groupe de travail regrettent que la directive fasse l’impasse sur la question de l’assainissement, pourtant essentielle, et devront bien évidemment intégrer cette dimension dans leur plan d’action à venir pour améliorer l’accès à l’eau. Le sujet pourrait par ailleurs être traité dans la révision de la Directive Eaux Résiduaires Urbaines, dont le trilogue au niveau européen vient tout juste de s’achever.

Également, la notion de compensation financière qui avait été annoncée dans l’ordonnance relative à l’accès à l’eau de décembre 2022 ne figure pas dans la loi de finances 2024. S’il semble que la réalisation du premier diagnostic (à renouveler tous les 6 ans) se fera vraisemblablement sans compensation, alors même que les coûts en seront loin d’être négligeables, la question demeure de l’accompagnement de la mise en œuvre des mesures qui seront décidées à la suite du diagnostic. France urbaine pointe encore une fois des obligations pesant sur ses membres sans que soit prévue de compensation financière.

Autre question, et non des moindres, celle de la gouvernance de cette politique d’accès à l’eau – aujourd’hui partagée entre les ministères de la santé, de la solidarité et de la transition écologique – qui souffre de l’absence d’un pilotage clair au plan gouvernemental.

En résumé

  • La directive européenne sur l’eau potable : la directive impose aux collectivités de réaliser un diagnostic territorial de l’accès à l’eau potable pour identifier les personnes en situation de précarité hydrique, et de mettre en place des mesures pour garantir un approvisionnement suffisant.
  • L’accès à l’eau comme droit fondamental : la Coalition Eau et ses membres défendent le principe que le droit d’accès à l’eau potable est décorrélé du droit au raccordement au réseau de distribution, et que le diagnostic d’accès à l’eau ne peut être décorrélé de la situation de précarité socio-économique des personnes.
  • Les points d’eau dans l’espace public : la multiplication des points d’eau dans l’espace public répond à plusieurs enjeux, notamment la réduction de l’usage des bouteilles en plastique, l’adaptation aux chaleurs estivales, et la satisfaction de la demande des populations.
  • Les limites de la directive : la directive ne traite pas de la question de l’assainissement, qui est pourtant essentielle, ni de la compensation financière de l’État pour accompagner les collectivités dans la mise en œuvre des mesures.
  • La gouvernance de la politique d’accès à l’eau pour tous : la politique d’accès à l’eau souffre de l’absence d’un pilotage clair au plan gouvernemental, car elle est partagée entre les ministères de la santé, de la solidarité et de la transition écologique.

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