Stratégie européenne de résilience pour l’eau; voici la contribution de Daniel Hofnung, co-président de la Coordination EAU IDF.
Plus il y a de carbone dans le sol, plus celui-ci peut contenir d’eau. Plus il y a d’eau dans le sol, plus la végétation peut pousser. Plus la végétation pousse, plus elle nourrit l’atmosphère en humidité et plus celle-ci absorbe de carbone dans les organismes vivants et le sol. C’est un cycle vertueux, qui « engendre » l’eau et séquestre le carbone.
Les travaux de Millán Millán, qui a travaillé pendant plusieurs décennies pour la Commission Européenne, ont éclairé sur les interactions entre modifications de la couverture des sols et cycle de l’eau : les végétaux, en particulier les arbres, évapotranspirent une partie de l’eau qu’ils ont absorbé, ce qui forme des nuages puis peut générer de la pluie, selon les conditions locales.
La restauration du cycle de l’eau doit être menée en lien avec la restauration du cycle du carbone et de la végétation. Sans végétation, pas de pluies, sans pluies pas de cycle de l’eau.
Millán Millán (décédé en janvier 2024), habitait à Valence, et dans un entretien avec l’auteure et journaliste Judith D. Schwartz, pour son dernier ouvrage, the Reindeer Connection (2020), il a montré comment les modifications d’occupation du sol modifiaient localement le climat, et comment, aussi, elles pouvaient générer des événements climatiques violents. Il a analysé le cas des côtes de Méditerranée occidentale et a montré qu’il était possible d’y remédier, en particulier avec la végétation, en restaurant un état qui avait existé auparavant, quand les orages d’été évacuaient le trop-plein d’humidité dans l’air. Depuis, des forêts avaient été coupées, des marais asséchés, des sols artificialisés, et la brume de mer du matin ne trouvait plus l’humidité qui lui permettait de former les orages d’été. Il est possible de revenir en arrière, selon Millán Millán, en particulier en replantant des forêts là où elles avait été coupées et sur les bassins versants, ainsi qu’en rendant les sols perméables. (pages 180 à 183)
La restauration du cycle de l’eau doit se baser sur la restauration de la végétation, en particulier des arbres. On verra à ce sujet le document du Programme des Nations Unies pour l’Environnement « travailler avec les plantes, le sol et l’eau pour refroidir le climat et réhydrater les paysages de la Terre » (note prospective 025 – juillet 2021) qui conseille d’arrêter la déforestation et de reforester.
Les méthodes agricoles doivent régénérer les sols et accroître leur capacité de stockage d’eau grâce à la restauration de la vie des sols. Il faut donc engager une transition agricole vers une agriculture restaurant la vie des sols, à l’opposé des méthodes principales actuelles, basées sur les engrais chimiques et les pesticides.
Cette question est développée dans le dernier chapitre de l’édition française de Water and Climate, a new Water Paradigm de Michal Kravčík et al. (« Climat et petits cycles de l’eau, éditions Yves Michel) : la transition vers une nouvelle agriculture, améliorant la capacité de stockage d’eau des sols et leur résilience à la sécheresse est un élément de la restauration du cycle de l’eau.
Le stockage d’eau de pluie est essentiel, c’est la base du travail de Michal Kravčík et son équipe, c’est aussi la base du livre blanc de la Slovaquie pour la conférence de New-York sur l’eau (22 au 24 mars 2023). Le document « Water for Climate Healing » a été préparé par Martin Kováč et Michal Kravčik. Des milliers d’ouvrages, des retenues en branchages, en troncs d’arbres, des murs de terre ont été réalisés et ont permis d’éviter, là où ils existent, les dégats constatés lors de la crue du Danube de 2010.
La restauration du cycle de l’eau passe donc en particulier par :
– une évolution de l’agriculture, pour qu’elle s’appuie sur la restauration biologique des sols.
– l’arrêt de la déforestation et la plantation d’arbres.
– le remplissage des nappes phréatiques, avec des stockages d’eau et des sols perméables.
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