Alors que des manifestations se sont déroulées ce week-end contre les méga bassines à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, en Ile-de-France aussi se pose la question de leur utilisation. Dans le Val-d’Oise, la seule méga bassine de la région va être détruite dans le village de Banthelu. Creusée sans permis d’aménagement, elle va être rebouchée sous demande de la préfecture. Par Léa Jacquet sur France 3 Paris IDF. Lire à la suite l’entretien avec le géologue Dominique Frizon de Lamotte paru dans La Gazette Val d’Oise.
Pour Jean Lyon, militant écologiste de l’association « Demain le Vexin« , c’est une première victoire. Près d’un champ de Banthelu, la bassine est en train d’être démontée, la bâche a déjà été retirée. « On est en train d’effondrer les murs pour remettre le terrain en état tel qu’il était et qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être ». La préfecture a ordonné la destruction de ces monticules de terre de 125 mètres de long et 50 mètres de large, destinés à devenir une réserve d’eau.
En hiver la bassine absorbe la nappe phréatique pour irriguer les champs alentour l’été. Selon Jean Lyon, « cette bassine est construite en partie sur un terrain inconstructible donc elle n’aurait jamais dû avoir lieu. On a juste demandé l’application de la loi en vigueur ».
Méga-bassine ou nouveau modèle agricole ?
Dans la commune de Banthelu, l’affaire divise. D’un côté, quelques habitants et militants dénoncent l’accaparement des ressources en eau par un seul agriculteur. De l’autre, le propriétaire des terres, Olivier Hue, défend le projet de son neveu. Il avait obtenu un accord et des subventions de la part des pouvoirs publics. « Avec le dérèglement climatique que nous subissons, on peut avoir aujourd’hui de grandes périodes de sécheresse. C’est-à-dire que vous plantez vos cultures légumières à la sortie de l’hiver et c’est récolté au mois d’août. Si pendant cette période là, il n’y a pas d’eau, vous n’avez rien. » résume l’agriculteur.
Une explication insuffisante pour le militant écologiste : « on a toujours fait de l’agriculture dans le Val-d’Oise sans bassine, on doit pouvoir continuer et en ces temps de sécheresse, au lieu de faire des bassines pour maintenir une agriculture traditionnelle, il faut réfléchir à une nouvelle agriculture qui est liée au changement climatique ».
Comment concilier agriculture et environnement ? La question est devenu capitale dans le Vexin et les territoires avec de faibles réserves d’eau.
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Bassine agricole. Les conséquences vues par un géologue
Dominique Frizon de Lamotte, professeur à l’université de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), explique pourquoi les bassines agricoles présentent une menace pour l’environnement.
Au-delà de la mobilisation du 28 janvier 2023, autour de la bassine agricole de Banthelu (Val-d’Oise), et l’alerte lancée par des associations de défense de l’environnement sur la réserve en eau, des questions surgissent sur l’impact géologique de telles installations.
Dans le but de soustraire de l’eau, pour la stocker dans une immense bassine, un forage a été effectué dans le sous-sol des terres agricoles du Vexin français.
L’eau puisée dans la nappe phréatique doit permettre d’irriguer les champs en cas de pénurie, comme ce fut le cas l’été dernier, en raison de la sécheresse.
Une méthode qui interpelle les défenseurs de l’environnement, mais aussi le géologue Dominique Frizon De Lamotte, professeur fondateur du département géoscience de l’université de Cergy-Pontoise, qui alerte sur les risques d’un développement de cette pratique.
« Ce qui est absurde, c’est que l’eau qui est remontée en surface perd de sa qualité et ne peut plus être utilisée pour autre chose que l’irrigation des cultures », explique le géologue.
« Si on pompe trop en hiver, il n’y aura plus assez d’eau en été, dans les rivières et dans les sources »
« L’eau des cours d’eau, c’est celle qui déborde de la nappe phréatique. Une nappe profonde, située dans la craie en sous-sol. Or l’eau en sous-sol, même en surplus, doit rester en sous-sol », précise le géologue.
La multiplication des bassines provoquerait, selon lui, un dérèglement écologique de la distribution naturelle pour les terres voisines.
Assèchement de l’Aubette
« Il n’y a jamais de surplus d’eau. L’eau de la nappe phréatique, en hiver, sert à alimenter les rivières l’été. Or, avec l’aménagement de bassines agricoles, le risque de voir l’assèchement d’un cours d’eau est réel », prévient le professeur.
Dans le Vexin, l’inquiétude concerne le niveau de l’Aubette de Magny, mais aussi de celui de Meulan.
« Actuellement, les nappes sont plutôt basses », souligne le spécialiste.
Pour ce qui est de la bassine de Banthelu, elle est construite sur un terrain argileux, propice à la retenue d’eau, par une imperméabilisation du sol.
Mais l’eau qui est dessous, celle de la nappe phréatique alimente les villages à la frontière des deux versants, et les cours d’eau que sont l’Aubette de Magny et l’Aubette de Meulan.
Le village de Banthelu est sur le bassin-versant de l’Aubette de Magny, donc de l’Epte.
« L’eau doit rester à sa place naturelle, dans la nappe phréatique », martèle Dominique Frizon de Lamotte, bien conscient de l’enjeu de l’eau pour le milieu agricole.
« Il faut trouver un partage équitable et éviter que quelqu’un s’octroie l’eau à sa guise », avertit-il.
Dans le monde rural il existe des mares, qui font office de bassine. Mais celles-ci ne suffisent plus à irriguer les étendues agricoles d’aujourd’hui.