Jacky Bortoli, Conseiller communautaire délégué en charge du cycle de l’eau de Grand Paris Sud, a présidé en tant que doyen de l’assemblée, le début de la séance d’installation d’Eau du Sud Francilien, avant l’élection du président. Ses propos introductifs éclairent les enjeux de la création du syndicat et des négociations avec Suez.
« Je me permets une mise en garde: jeune, on ne le reste pas, Doyen, c’est à vie! Pour ce qui vous concerne, vous aurez affaire à moi encore quelques années…
D’abord, un petit clin d’œil à mon cher compagnon François Durovray ici présent.
Le 21 mars 2019, le président du Conseil départemental de l’Essonne nous a conviés dans le but de constituer un groupement d’achat afin d’obtenir de Suez un meilleur traitement : c’était là le premier acte de rébellion.
Cette initiative faisait suite à plusieurs tentatives que Suez avait réussi à faire échouer, je soupçonne François d’avoir caressé l’espoir que ce soit la bonne.
Dans la même réunion sous l’impulsion de Philippe Rio, d’Eric Braive, du Siarce (Syndicat Intercommunal d’Aménagement, de Rivières et du Cycle de l’Eau), et le regard aiguisé de Yann Bardet, collaborateur de François Durovray, nous sommes passés du groupement d’achat d’eau à la réappropriation 100% publique des moyens de production: c’était le second acte de rébellion.
Je veux souligner pour la petite histoire que le Directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations, Eric Lombard, n’avait pas encore écrit, je cite, « le temps de la radicalité est arrivé ».
Le constat était simple:
1 Une tarification allant de 0,53 €/m3 à 0,80 €/m3 sans justification;
2 Le monopole de la production sur l’ensemble du Réseau interconnecté du sud francilien (RISF) et on peut le dire quasiment le monopole sur toute la distribution et l’assainissement sur les collectivités dépendantes du RISF;
3 Par exemple, hors taxes et redevances, rien que sur Grand Paris Sud, le chiffre d’affaires de Suez (valeur 2016) représentait 64 millions d’euros! Car, vous le savez tous, la mainmise sur la production favorise celle sur les marchés de distribution et d’assainissement.
Doyen, j’ai le privilège de vous rappeler: avant la construction de l’usine de Morsang en 1970, il y a plus de 50 ans, celles de Vigneux, de Viry, le RISF, la distribution et l’assainissement préexistaient sous contrats d’affermage. C’est avec la construction des villes nouvelles que Suez a substitué à nos contrats d’affermage les fameux marchés de vente d’eau en gros, les délégations de service public de distribution et d’assainissement. Chacun de vous est à même de reconstituer sur son territoire comment, d’abord la Lyonnaise et à la suite, son remplaçant Suez, ont fait fonctionner « l’ardoise à effacer l’histoire », ni vu, ni connu !
C’est pour le moins étonnant : le contrôle de légalité a fait silence au point que la Haute Autorité de la Concurrence a considéré en 2005 que Suez bénéficiait d’une position monopolistique.
Ce petit rappel nous éclaire sur la situation actuelle. Suez refuse, si mes informations sont exactes, encore aujourd’hui de nous fournir la valeur nette comptable (VNC) 2021 des installations du RISF. MM. Pellegrini et Carrot s’arcboutent à vouloir nous entrainer à conclure une convention de poursuite d’usage pour encore vingt ou trente ans qui, une fois signée par notre syndicat, aurait valeur d’acceptation juridique et financière du passé .
Oui, je pense que Suez veut obtenir de nous une convention pour solde de tous comptes juridiques et financiers au nom du secret des affaires et, seulement après, ils seront disposés a nous fournir la VNC 2021. C’est à dire la valeur de ce que certains d’entre nous considèrent nous appartenir, Je vous met en garde : IL SERA TROP TARD!
La création de ce syndicat n’est pas un détail de l’histoire de nos territoires, elle est bien celle d’une volonté collective de se réapproprier les conditions d’une maîtrise publique du cycle de l’eau.
Cette maîtrise permettra demain à nos collectivités d’être pleinement libres de leurs choix.
Nous sommes déterminés, et les concessions qui seront faites ne vaudront pas solde de tout compte, elles seront celles d’un chemin qui prend en compte l’histoire d’un territoire éveillé, lucide qui a comme seule direction l’intérêt général pour les habitants qui y vivent.